5 : La technologie numérique transforme la nature de la propriété et les attentes en ce qui a trait à la création de valeur

La manière dont les entreprises et les consommateurs partagent la valeur créée par la propriété de la technologie et des données détermine s’il y a destruction de la demande ou création de la demande. 13 15,20

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La technologie numérique transforme la nature de la propriété et les attentes en ce qui a trait à la création de valeur

La manière dont les entreprises et les consommateurs partagent la valeur créée par la propriété de la technologie et des données détermine s’il y a destruction de la demande ou création de la demande. En ce qui concerne la nature de la propriété et sa vertu, il existe des questions imminentes entourant la manière dont la technologie est créée, stockée, analysée et redistribuée. Les attentes envers notre manière de dégager de la valeur des données et des mégadonnées composites constituent des questions pour tous les intervenants, y compris les personnes qui fournissent librement les données initiales.

Transformer la nature de la propriété

Les technologies numériques permettent de créer de nouvelles formes intangibles de propriété. La nature de la propriété transforme l’utilisation des recettes et du capital. Les nouvelles formes de propriété incluent la propriété intellectuelle comme les brevets, les données, les algorithmes et les marques, ainsi que les effets des réseaux comme les contrats de licence et la portée des plateformes. La manière dont les technologies numériques façonneront la croissance économique revient de plus en plus au propriétaire des données ou à celui qui peut y accéder1. Ce phénomène est ensuite influencé par l’envergure de l’entreprise, la concentration du marché et les règlements en place.

On ne sait pas très bien si le fait de payer pour les données d’utilisateur augmenterait ou diminuerait la demande. Les utilisateurs financent le coût de la fourniture de nombreux services numériques grâce à l’utilisation de leurs données. Les données de l’utilisateur représentent le produit de base des entreprises qui offrent des services numériques « gratuits » (tels que les réseaux sociaux) et l’incitatif essentiel pour créer et élargir des marchés.

Les grandes entreprises développent et achètent des innovations technologiques, concentrant ainsi la propriété de la technologie2. Ces entreprises peuvent offrir une variété de rendements à différents joueurs dans le marché. Les actionnaires pourraient recevoir des gains en capital et des dividendes. La main-d’œuvre pourrait recevoir une rémunération des cadres supérieurs ou du personnel. Le gouvernement pourrait bénéficier d’impôts et de droits. Enfin, les consommateurs pourraient bénéficier de baisses de prix ou de produits ou services nouveaux ou de meilleure qualité.

Au fil du temps, la puissance économique et la création de la demande pourraient passer de plus en plus des consommateurs et des gouvernements vers un petit nombre d’entreprises mondialement dominantes. Les plus grandes entreprises technologiques décident comment et à qui les avantages technologiques reviennent. Leur portée mondiale leur permet d’établir des sites d’entreprises dans des régions où le droit fiscal est relativement plus favorable, réduisant ainsi les impôts remis aux gouvernements3. Ces revenus d’impôt inférieurs pour les personnes et les gouvernements augmentent la richesse de ces entreprises, ainsi que leur capacité de contrôler la propriété de la technologie nouvelle et existante. Grâce à leur domination du marché, ces grandes entreprises technologiques fixent souvent les prix. Elles ressentent peu de pression au fait de remettre les rendements provenant de la propriété technologique aux consommateurs sous forme de prix à la baisse.

Mettre la vertu de la propriété au défi

La propriété des données est peut-être l’aspect qui présente le plus grand défi des technologies numériques. En tant que catégorie d’actifs, les données sont extrêmement précieuses à court terme. Contrairement à d’autres actifs qui perdent de la valeur plus l’approvisionnement augmente, les données ne perdent pas de valeur lorsqu’il y en a davantage. Un trésor en ce qui a trait aux données personnelles a été récolté de sources publiques et de sociétés qui en étaient propriétaires et ces données sont regroupées et analysées dans différents buts. Il peut s’avérer difficile d’affirmer avoir la propriété exclusive de données lorsqu’elles proviennent de nombreuses sources. La prolifération de capteurs et d’applications signifie que les données sont disponibles par l’entremise de millions d’ensembles de données qui se chevauchent. Cela perturbe le modèle de propriété, car il devient difficile de contrôler les développements en en ce qui concerne l’utilisation des données. De même, la disponibilité du codage ouvert pour l’intelligence artificielle par rapport aux algorithmes exclusifs pour traiter les mégadonnées rend la propriété de perspectives utiles contestable.

Les ventes de données aident à couvrir les coûts de production et génèrent des profits. Les capteurs des appareils intelligents et de l’Internet des objets procurent une myriade de renseignements personnels sur les utilisateurs — sans doute le facteur de production le plus important — sans payer. Bien que les utilisateurs reçoivent peut-être des services en retour de leurs données, aucune rétribution monétaire ne pourrait stimuler la demande pour d’autres biens et services. Il est difficile de savoir si le fait de payer les consommateurs pour leurs données entraînerait une augmentation nette des achats, compensée par le fait de les faire payer pour des services « gratuits ».

Attentes en matière de rendement sur investissement

Les données peuvent être perçues comme un bien négociable ou comme une utilité publique. La technologie numérique brouille la distinction entre les investissements et les intérêts publics et privés lorsqu’il est question de données. Les objectifs des entreprises face à la propriété des données sont axés sur l’élargissement et le renforcement des marchés en vue de maximiser les recettes et les bénéfices. De leur côté, les objectifs de la société civile et des gouvernements sont axés sur l’augmentation de l’efficacité, de la portée et de l’accessibilité financière aux services publics.

Les répercussions sur le marché de la tension entre ces objectives ne sont toutefois pas claires, en partie parce que la valeur de l’actif change selon le contexte. Les personnes, les entreprises et les gouvernements pourraient tirer et exploiter de la valeur des données si elles étaient perçues comme un bien négociable (tout comme le pétrole). Toutefois, les mégadonnées pourraient être perçues tout simplement comme un reflet de l’évolution constante de chaque utilisateur et de ses interactions, constamment recueillies et reformatées. Dans un tel cas, les données ressembleraient davantage à de l’eau qu’à du pétrole, un service public à réglementer quant à l’accès et à la qualité, dans l’intérêt du public.

En ce qui concerne les cryptomonnaies, les prix de ces produits financiers pourraient augmenter considérablement, ce qui n’entraînerait pas nécessairement une croissance de la demande. De nombreux acheteurs de cryptomonnaies les perçoivent comme des investissements hautement spéculatifs plutôt que comme une devise. En raison de la fluctuation de la valeur des cryptomonnaies, une hausse des prix ne signifiera pas nécessairement une hausse directe de la demande pour d’autres biens ou services dans l’économie, à moins qu’il y ait davantage de transactions effectuées sur les marchés légaux officiels.

Le débat autour de la propriété des produits et services générés par les technologies numériques demeurera présent. Des questions surviennent quant à la propriété des mégadonnées, particulièrement dans le cas de partenariats public-privé qui tentent de les utiliser pour construire des villes intelligentes. Il y a également des questions au sujet de la propriété des données qui utilisent des outils pour stimuler l’innovation et faire progresser la fabrication. Enfin, d’autres questions de propriété émergent rapidement alors que des marchés plus accessibles et transparents pour les cryptomonnaies se développent davantage4.

Peut-on être propriétaire de données recueillies par l’entremise de technologies numériques largement répandues? L’anonymat du commerce des cryptomonnaies peut-il être mieux encadré? Les réponses pourraient fortement influencer à quel point les entreprises technologiques investissent dans le développement des technologies numériques. Ce qui pourrait, par la suite, avoir une incidence sur les décisions en matière de production et d’établissement des prix. D’importants effets d’entraînement sur les marchés auraient une influence sur la demande globale, le bien-être des consommateurs et la croissance économique.

Notes en fin de texte

1 Haskel, Jonathan et Stian Westlake. Capitalism without Capital: The Rise of the Intangible Economy. Princetown: Princeton University Press, 2017.

2 Wu, Tim et Stuart A. Thompson. « The Roots of Big Tech Run Disturbingly Deep ». The New York Times, 7 juin 2019. https://www.nytimes.com/interactive/2019/06/07/opinion/google-facebook-mergers-acquisitions-antitrust.html.

3 « Paradise Papers: Apple’s secret tax bolthole revealed ». BBC News, 6 novembre 2017. https://www.bbc.com/news/world-us-canada-41889787.

4 Wylie, Bianca. « Searching for the Smart City’s Democratic Future », CIGI Online, 13 août 2018 https://www.cigionline.org/articles/searching-smart-citys-democratic-future.


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