3 : La technologie numérique transforme la consommation
Matières
- Introduction
- 1 : Forte ou faible croissance
- 2 : La technologie numérique transforme la production et la main-d’œuvre
- 3 : La technologie numérique transforme la consommation
- 4 : La technologie numérique transforme le commerce
- 5 : La technologie numérique transforme la nature de la propriété et les attentes en ce qui a trait à la création de valeur
- 6 : Les technologies numériques se répercutent sur le comportement des marchés financiers
- 7 : La technologie numérique brouille la fonction interprétative des principaux indicateurs macroéconomiques
- 8 : Les technologies numériques ont des répercussions sur les données officielles et les instruments de la politique macroéconomique
- Remerciements
La technologie numérique transforme la consommation
La technologie numérique continue de progresser à un rythme sans précédent. L’effet des avancées technologiques sur la consommation entraîne divers scénarios. Les tendances actuelles du marché, qui soutiennent une demande accrue des consommateurs, connaissent une véritable explosion. Les biens et services sont peu coûteux à produire et la demande est insatiable. Les avancées technologiques apportent une valeur ajoutée à des produits et services existants, et ont permis d’en créer de nouveaux, augmentant ainsi également la consommation. Ces tendances servent à accroître le produit intérieur brut (PIB). Par ailleurs, les avancées dans la consommation grâce à la technologie numérique pourraient diminuer si une nouvelle technologie remplace un produit ou service existant à moindre coût, si les consommateurs peuvent transformer les biens durables ou s’ils retardent des achats. Le bien-être des consommateurs pourrait s’améliorer même si le PIB diminuait.
De 2013 à 2017, les dépenses canadiennes pour les services mobiles et Internet ont augmenté d’approximativement 27 % et 33 %, respectivement1. Au cours de la même période, les dépenses combinées pour les services de téléphonie filaire et de télédistribution ont diminué d’environ 8 %.
Consommation accrue des ménages
Le plus grand moteur économique individuel du PIB est généré par l’entremise de la consommation des ménages, qui comptait pour 58 % en 2018 au Canada. Par conséquent, les changements à la consommation des ménages amenés par les technologies numériques sont particulièrement intéressants à examiner. Les changements technologiques peuvent avoir une incidence sur les habitudes de consommation, augmentant ou diminuant peut-être ces habitudes par leur impact sur l’utilité, l’investissement et la création d’emplois. Ces changements peuvent offrir des possibilités qui n’existaient pas avant ou générer des revenus plus variables et incertains. Le résultat des possibilités incertaines ou améliorées en ce qui concerne la création d’emplois et d’investissements peut entraîner l’augmentation ou la diminution du PIB.
Améliorer l’utilité
La technologie numérique permet aux personnes de gagner un revenu d’actifs qui étaient auparavant difficiles à commercialiser en réduisant la friction transactionnelle. Par exemple, les chambres d’amis peuvent être louées grâce à Airbnb et les automobiles inactives peuvent générer un revenu pour les chauffeurs grâce à Uber ou à Lyft. Cette friction transactionnelle réduite améliore l’utilité des actifs existants et sert à élargir les marchés en réduisant les coûts et en améliorant l’accès. Toutefois, il n’est pas clair que cette nouvelle demande entraînerait une augmentation nette du PIB. Comme effet secondaire, de nouveaux entrants pourraient réduire les dépenses antérieures sur les hôtels, taxis et services de livraison. Cela obligerait ces fournisseurs à baisser leurs prix. Les gens touchés par ces marchés peuvent connaître des fluctuations en ce qui a trait à savoir combien ils gagnent et à quelle fréquence ils gagnent cet argent. L’incertitude entourant les décisions d’achat et d’investissement, perçue ou réelle, aura un effet négatif sur le PIB.
Passer du physique au numérique
La technologie numérique permet à la prestation de certains biens et services de passer de la forme physique à la forme numérique. La prestation numérique de toutes sortes de choses allant de la musique au journalisme abaisse le coût de fourniture d’une unité supplémentaire à un niveau presque nul.
L’effet net de cette transition sur le PIB n’est pas clair et entraîne divers scénarios d’avenir.
Dans un scénario, dans des marchés concurrentiels, les nouveaux entrants contribueront à un approvisionnement supplémentaire et des prix unitaires à la baisse, ce qui encouragera davantage la consommation. Les nouveaux entrants procureront une nette augmentation des emplois. La croissance de l’emploi menant à une augmentation potentielle du pouvoir d’achat en raison des prix à la baisse pourrait accroître la consommation et donc le PIB.
Dans un autre scénario, si le marché est déjà saturé, aucun entrant supplémentaire ne s’ajoutera. Et bien que les prix unitaires pourraient chuter, sans croissance de l’emploi associé à ce phénomène, la consommation ne changera pas. Le PIB pourrait quand même chuter, puisque les gens achètent des substituts moins chers dans l’univers numérique. Cependant, en l’absence d’un marché concurrentiel, les bénéfices d’une production à moindre coût pourraient ne pas être transmis aux consommateurs sous forme de prix moins élevés. Dans ce scénario futur, les salaires pourraient diminuer, mais pas les prix, entraînant la stagnation ou la chute du PIB.
Au-delà de ces deux scénarios d’avenir, les tendances suivantes émergent :
- Les nouveaux modèles de marché pourraient déplacer la demande sans produire de signaux clairs associés à ce déplacement quant à l’établissement des prix. Un service pourrait être offert en échange de quelque chose qui ne comporte pas de prix, notamment des données numériques. Une entreprise utilise des données pour renforcer et élargir les marchés, alors que les gouvernements peuvent utiliser les données pour rendre les services publics plus efficaces et accessibles. Que les données numériques encouragent ou découragent la demande, comme l’indique la mesure du PIB, dépend de la manière dont les perceptions tirées des données sont utilisées.
- La technologie numérique transforme la fourniture et l’utilisation des services publics. Par exemple, la Ville d’Innisfil en Ontario (population de 36 000) a conclu un partenariat avec Uber3 en vue de fournir davantage de transport en commun à ses résidents.
Les partenariats technologiques public-privé peuvent augmenter la demande de nombreuses façons. Ils peuvent faire passer la demande d’une structure de marché sans but lucratif vers une structure à but lucratif en vue d’améliorer la fourniture de services publics de qualité supérieure. On ne sait pas non plus si ces développements augmenteront ou diminueront le coût de base du service. Les prix sont établis en fonction des contrats négociés au nom des consommateurs, citoyens et résidents.
Donner une nouvelle vocation aux biens durables
Les biens durables tels que les appareils intelligents et les automobiles peuvent, de plus en plus, trouver une « nouvelle vocation » sans remplacer le matériel. Un article contrôlé numériquement, tel qu’un téléphone intelligent, peut trouver une nouvelle vocation et effectuer les fonctions de multiples pièces de matériel. Changer tout simplement son logiciel, par exemple, peut transformer un téléphone intelligent en compas, en carte, en appareil photographique, en téléviseur, en machine à écrire et en clavier. D’autres exemples incluent les robots de montage reprogrammables et les imprimantes 3D.
Transformer davantage pourrait réduire les dépenses de consommation, ce qui diminuerait ensuite le PIB. Acheter un téléphone intelligent ou robot peut éliminer le besoin d’acheter plusieurs autres produits. Les fabricants de produits à usages multiples peuvent encore créer une nouvelle demande. Toutefois, un monde où les consommateurs auraient besoin de moins d’articles, où ils les transformeraient, les mettraient à niveau et les conserveraient plus longtemps, entraînerait probablement un effet négatif sur le PIB. C’est le cas même si les personnes consomment la même quantité ou plus de choses.
Retarder la consommation
Les consommateurs pourraient retarder des achats en attendant que le prochain produit « intelligent » soit disponible. Par exemple, les consommateurs choisissaient traditionnellement d’acheter ou de remplacer une voiture à moteur à combustion interne conventionnelle à la fin de sa durée de vie. Cependant, les véhicules électriques sont sur le point de devenir plus abordables à acheter et exploiter. Par conséquent, les consommateurs pourraient retarder l’achat d’un véhicule jusqu’à ce qu’ils puissent comparer le bien-fondé des deux types de véhicules.
Offrir plus de fonctions intelligentes ne fera pas nécessairement augmenter les ventes. Alors que les dispositifs intelligents incluent plus de fonctions, l’utilité marginale des produits supplémentaires a tendance à diminuer, ce qui freine la demande d’articles de remplacement. Les mises à niveau gratuites grâce à de nouveaux logiciels pourraient devenir de plus en plus accessibles, rendant l’amélioration de la capacité actuelle plus simple ou plus intuitive.
Notes en fin de texte
1 Enquête sur les dépenses des ménages de Statistique Canada, article consulté le 29 avril 2020), https://crtc.gc.ca/fra/publications/reports/policymonitoring/2019/cmr1.htm
2 “Canada: Household consumption, percent of GDP; article consulté en mars 2020, https://www.theglobaleconomy.com/Canada/household_consumption/
3 Laura Bliss, « Uber was Supposed to be Our Public Transit », Citilab, denier accès le 29 avril 2018, https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-04-29/when-a-town-takes-uber-instead-of-public-transit