Le changement de la nature du travail
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Qu’est-ce qui change?
Quelles sont les conséquences?
Lectures complémentaires
Références
Au cours des 10 à 15 prochaines années, la réalité d’emploi de la plupart des Canadiens évoluera rapidement alors que l’économie numérique prend de l’ampleur et transforme la façon dont le travail est réalisé, le moment où il est réalisé, le lieu où il se réalise et le type même du travail réalisé. Les technologies, comme l’intelligence artificielle, l’analyse de données, la téléprésence virtuelle, la robotique, les capteurs et l’impression 3D, sont bien placées pour changer une grande partie de votre vie. L’économie numérique change la prestation de biens et de services d’une façon sans précédent. Les priorités des Canadiens sont aussi en changement, les jeunes générations recherchant un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle1 et une plus grande satisfaction professionnelle2, en même temps que la stabilité et un bon revenu. Ces changements causeront des perturbations dans le milieu de travail, ce qui entraînera beaucoup de nouveaux défis pour la politique sociale et d’autres secteurs. Cet survol explore quatre changements qui seront importants selon Horizons.
Qu’est-ce qui change?
L’essor du travailleur virtuel
Les plateformes de travail en ligne comme Freelancer (link is external)et Upwork (link is external)(en anglais seulement), qui relient les clients aux travailleurs pigistes autour du monde, pourraient bientôt faire en sorte que le travail virtuel soit plus répandu au Canada. Ces plateformes permettent aux entreprises de « dégrouper » les projets complexes en plus petites unités3 (figure 1) pouvant ensuite être attribuées à un bassin de main-d’oeuvre sur demande en ligne, ce qui minimise les coûts. Elles permettent aux travailleurs autonomes d’avoir accès à un marché mondial de clients, augmentant possiblement leurs chances de trouver du travail flexible et payé. Certaines plateformes fournissent différents services pour aider les travailleurs à obtenir de nouvelles compétences et à établir leur réputation en ligne. Les marchés numériques de travail prennent rapidement de l’expansion, comptant plus de 145 plateformes et 48 millions de travailleurs inscrits sur les sites en 2013.4 L’une des plateformes les plus importantes compte plus de 240 000 utilisateurs inscrits au Canada5 et s’attend à compter plus d’un milliard d’utilisateurs à l’échelle mondiale dans 10 ans.6 Une autre plateforme prévoit que le revenu des pigistes en ligne passera d’un milliard à 10 milliards de dollars américains dans les six prochaines années.7 Globalement, ce marché croît d’environ 33 % annuellement.8 Le travail virtuel pourrait libérer un nouveau niveau de dynamisme entrepreneurial au Canada, en offrant de plus grandes possibilités d’économie pour les petites entreprises et les avantages du travail autonome pour une plus grande diversité de Canadiens.
Figure 1: L’écosystème de dégroupage: la progression future des travaux
L’essor de l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle (IA) évolue rapidement et pourrait transformer ou remplacer plusieurs types d’emplois, des emplois professionnels hautement spécialisés aux emplois peu spécialisés. L’IA peut prendre plusieurs formes. Elle peut se présenter comme un assistant intelligent unique comme Siri, Cortana ou Now – dont les capacités augmentent chaque jour. Elle peut être intégrée à un produit et être connectée à l’Internet des objets. Elle est la fondation des robots intelligents, qui ont la capacité d’apprendre, de réfléchir et de communiquer, d’utiliser des bras agiles pour manipuler des objets et d’effectuer différentes tâches de plus en plus complexes et non routinières. Ces robots sont déjà capables de conduire des automobiles, de réaliser des chirurgies, d’apprendre de nouvelles recettes et de cuisiner. Certaines estimations suggèrent que 47 % des emplois aux États-Unis,9 35 % des emplois au Royaume-Uni,10 49 % des emplois au Japon,11 40 % des emplois en Australie12 et 54 % des emplois de l’Union européenne13 risquent grandement d’être automatisés au cours des 10 à 20 prochaines années. Les experts sont divisés quant au degré selon lequel les progrès en matière d’IA causeront des pertes d’emploi,14 puisque beaucoup prévoient que de nouveaux emplois remplaceront les emplois actuels sur plusieurs décennies. Comme pour toute révolution technologique, de nouveaux types de possibilités sont susceptibles de se présenter. L’enjeu sera de posséder l’infrastructure, l’esprit d’entreprise et les compétences pour tirer parti des changements.
L’essor d’un marché du travail mondial en ligne
Dans un marché du travail virtuel mondial, quiconque possède un appareil et un service Internet pourrait avoir accès à du travail peu spécialisé ou hautement spécialisé. Cela pourrait créer davantage de concurrence, mais aussi de nouvelles occasions favorables pour le Canada. L’expansion de services Internet de grande qualité, de services de traduction fournis par l’IA15 et le progrès en matière de téléprésence et de télérobotique pourraient ouvrir des secteurs de travail entiers aux travailleurs virtuels de partout sur la planète. Même pour les tâches physiques qui sembleraient demander une présence sur place, les robots équipés de bras agiles pourraient changer la donne dans des secteurs aussi variés que la chirurgie16, les mines17 et l’entretien ménager18. Un des défis en émergence est le fait que plusieurs pays possèdent un avantage sur le plan des salaires par rapport à l’Occident, provoquant une convergence des salaires à l’échelle mondiale pour un travail semblable. Ce niveau de concurrence mondiale pourrait diminuer le revenu des Canadiens avec le temps et augmenter encore davantage la pénurie d’emplois causée par l’adoption de l’IA et de la robotique.
Le travail devient flexible, mais incertain
À mesure que les contrats à court terme offerts aux pigistes dans l’« économie numérique(link is external) » (en anglais seulement) remplacent les emplois stables à temps plein, les avantages sociaux comme les régimes de retraite, la stabilité d’emploi et la sécurité du revenu pourraient devenir incertains. Si aucun effort n’est entrepris pour repenser le filet social ou soutenir des initiatives innovatrices pour créer d’autres sources de sécurité, une dégradation des conditions pourrait s’installer. Une augmentation du travail autonome pourrait priver beaucoup de Canadiens de protections gouvernementales comme l’assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada. Puisque le travail à la pige a surtout lieu hors de la sphère des normes du travail en place, les travailleurs risquent aussi une exposition plus importante au défaut de paiement19, ou risquent d’être payés à un salaire inférieur au salaire minimum.20 Ces problèmes pourraient être exacerbés par l’augmentation de la concurrence mondiale en matière de travail virtuel et la possibilité de pénurie d’emploi déclenchée par l’intelligence artificielle et la robotique. D’un autre côté, l’expansion du travail à la pige pourrait offrir à plusieurs Canadiens une occasion sans précédent en matière de flexibilité et de liberté dans leur vie, leur procurant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, et leur permettant la poursuite d’autres priorités. La venue de conditions de travail plus flexibles pourrait aussi laisser de la place pour l’émergence de nouveaux modèles de sécurité sociale plus adaptatifs.
Quelles sont les conséquences?
Pour s’adapter à ces changements, le Canada devra 1) trouver des façons de garder les Canadiens concurrentiels et de profiter des possibilités en émergence dans le nouvel environnement et 2) atténuer les vulnérabilités ajoutées que cette nouvelle réalité pourrait entraîner. Bon nombre des aspects du travail virtuel remettront en question le cadre juridique et réglementaire existant du Canada par rapport à l’emploi, y compris la législation sur le travail, les normes de l’emploi et la santé et la sécurité au travail. Un nouvel impératif pour la collaboration internationale pourrait prendre forme, puisque les politiques propres à un pays dans un espace virtuel international pourraient être difficiles à appliquer. Tout pays pourrait avoir de la difficulté à utiliser les instruments réglementaires traditionnels dans un environnement numérique, où tellement de « solutions de rechange » sont possibles. Avec le dégroupement involontaire des mesures de sécurité du revenu, comme l’assurance-emploi et les régimes de retraite, d’un ensemble de plus en plus grands d’emplois, il faudra peut-être repenser la façon dont le Canada finance et répartit les avantages sociaux. Peu importe la façon dont lle changement de la nature du travail a lieu, il faudra y répondre de façon rapide et adaptative pour assurer un avenir sûr aux Canadiens.
Lectures complémentaires
- Le rapport d’Horizons intitulé Le Canada et le changement de la nature. 2016.
- The Global Opportunity in Online Outsourcing(link is external) (en anglais seulement). Groupe de la Banque mondiale. 2015.
- Technology at Work: The Future of Innovation and Employment(link is external) (en anglais seulement). Frey et Osborne. Citi GPS. 2015.
Références
1. Chamorro-Premuzic, Tomas. 2014. “Why millennials want to work for themselves(link is external).” Fast Company. 13 aôut, 2014.
2. White, Gillian B. 2015. “Millennials in search of a different kind of career(link is external).” The Atlantic. 12 juin, 2015.
Moore, Karle. 2014. “Millennials work for purpose, not paycheck(link is external).” Forbes. 2 octobre, 2014.
3. The first stage of work unbundling is well established (career and full-time work shifting to part-time or contract work).
4. Kuek, S. et al. 2015. “The global opportunity in online outsourcing(link is external).” World Bank Group. Juin 2015.
5. Soltys, Doug. 2015. “Freelancer shares Canadian Metrics as Platform hits 15 million users(link is external).” Canadian Startup News. 2 avril, 2015.
6. Interviews with staff at Freelancer.com in September 2015.
7. “Elance-oDesk relaunches as Upwork, debuts new freelance talent platform(link is external).” Upwork. 5 mai, 2015.
8. Kuek, S. et al. 2015. “The global opportunity in online outsourcing(link is external).” World Bank Group. Juin 2015.
9. Frey, Carl Benedikt and Michael A. Osborne. 2013. “The future of employment: how susceptible are jobs to computerisation?(link is external)” The Oxford Martin School. 17 septembre, 2013.
10. Frey, Carl Benedikt and Michael A. Osborne. 2014. “London futures: Agiletown: the relentless march of technology and London’s response.(link is external)” Deloitte.
11. Hongo, Jun. 2015. “Nearly half of all jobs in Japan could be done by robots, AI: report.(link is external)” The Wall Street Journal: Japan. 2 décembre, 2015.
12. Committee for Economic Development of Australia. “Australia’s future workforce(link is external).” Juin2015.
13. Bowles, Jeremy. “Chart of the week: 54% of EU jobs at risk of computerization(link is external).” Bruegel. 24 juillet, 2014.
14. Pew Research Center. “Digital life in 2025: AI, robotics and the future of jobs(link is external).” Aôut 2014.
15. Such as the free translation services already provided by Skype and Google. The quality of AI translation is already remarkable and will likely be near perfect by 2030.
16. Eveleth, Rose. 2014. “The surgeon who operates from 400km away(link is external).” BBC Future. 16 mai, 2014
17. Snyder, Jessie. 2015. “How the ‘rise of the machines’ will transform oil and gas(link is external).” Alberta Oil Magazine. 16 mars, 2015.
18. “Will remote-controlled robots clean you out of a job?(link is external)” New Scientist. 3 décembre, 2014.
19. At some time during their freelance careers, 77% of freelancers have faced challenges getting paid by their clients.
“Independent, innovative, and unprotected: how the old safety net is failing America’s new workforce(link is external).” Freelancers Union.
20. One study found the average wage of Amazon Mechanical Turk workers to be US$ 1.25, at a time when the U.S. federal minimum wage was US$ 7.25/hour.
Felstiner, Alek. 2011. “Working the crowd: employment and labor law in the crowdsourcing industry(link is external).” Berkeley Journal of Employment and Labor Law. p. 167.