Prospective sur la COVID-19 : Changements et implications possibles

Le contenu de cette rapport a été préparé entre mars et juillet 2020. Cette rapport ne reflète pas la position du gouvernement du Canada ni des ministères et organismes concernés. Il vise à encourager une ... 13 0,21

Le contenu de cette rapport a été préparé entre mars et juillet 2020. Cette rapport ne reflète pas la position du gouvernement du Canada ni des ministères et organismes concernés. Il vise à encourager une conversation à propos de ce qui change et des avenirs plausibles qui pourraient en découler.

Ce document s’appuie sur des recherches sur les incidences à moyen et long termes de la pandémie de COVID-19 menées par Horizons de politiques Canada. Il explore certaines perturbations et plusieurs changements qui pourraient survenir en raison de la COVID-19, souligne des incertitudes critiques et pose des questions pertinentes au sujet de l’avenir. Il comprend également des sections sur l’utilisation de la prospective en matière d’élaboration de politiques, y compris un travail avec des scénarios, la détermination des incidences en matière de politiques, la mise à l’essai des hypothèses et la pratique de la réflexion à l’aide de visions.

Le contenu de ce document s’appuie sur des études documentaires, des entrevues avec des experts, des conversations et des ateliers menés avec des décideurs politiques et des revues de la littérature, qui ont eu lieu entre mars et juillet 2020. Vous trouverez davantage de détails dans les annexes.

Ce document a pour but d’appuyer la réflexion prospective et d’éclairer la prise de décision. Il ne propose pas de conseils particuliers pour lutter contre la COVID-19, et ne vise pas à prédire l’avenir.

Table des matières

À propos de notre recherche prospective liée à la COVID-19

Horizons de politiques Canada (Horizons de politiques) est une organisation de prospective stratégique au sein du gouvernement du Canada (GC) dont le mandat est d’aider le gouvernement à élaborer des politiques et des programmes orientés vers l’avenir qui sont plus robustes et résilients face aux changements perturbateurs envisageables à l’avenir.

Dans le cadre de ce mandat, Horizons de politiques souhaite contribuer à la réflexion des décideurs du GC au sujet des incidences possibles à moyen et long termes de la pandémie de COVID-19 sur les politiques publiques.

Dans le cadre de ses activités, Horizons de politiques cherche notamment à répondre à la question suivante : « Quels changements pourrait-on observer à moyen et long termes qui pourraient remettre en question nos hypothèses et nos outils qui entrent en jeu dans l’élaboration des politiques? »

Horizons de politiques a ainsi entamé un exercice d’analyse qui comprend :

  • une revue de la littérature et des recherches documentaires;
  • des échanges collaboratifs avec les ministères et organismes fédéraux;
  • des conversations avec des experts et praticiens en prospective ainsi que d’autres intervenants, au Canada et à l’étranger.

De nombreux spécialistes de la prospective, prévisionnistes et experts sont d’avis que le monde connaît actuellement le plus haut degré d’incertitude économique, politique et sociale depuis plusieurs décennies. En effet, le nombre « d’inconnus connus » est extrêmement élevé. La prospective, une évaluation de ce qui pourrait arriver et de ce dont on pourrait avoir besoin à l’avenir, est plus que jamais nécessaire.

1. Forces motrices

La pandémie de COVID-19 accélère certaines tendances, ce qui crée des perturbations, ouvre de nouvelles voies et élargit le champ des possibles.

Le matériel ci-dessous présente un aperçu de ces changements dans les domaines de la santé, de l’économie, de la société, de l’environnement et de la gouvernance. L’analyse est en majeure partie liée au contexte général mondial, tandis que certaines références propres au Canada ou à d’autres pays sont mises en évidence.


Santé

Trajectoire de la COVID-19 : des interventions médicales sûres et efficaces peuvent-elles contrôler le virus?

Les plus grandes incertitudes concernant la pandémie de COVID-19 sont, évidemment, la trajectoire du virus, ainsi que la capacité des gouvernements à prendre les mesures médicales nécessaires.

Notre capacité à contrôler la COVID-19, par un vaccin préventif ou par des traitements efficaces, déterminera notre capacité à influencer notre avenir.

Les incertitudes abondent, à très court terme et à plus long terme. À court terme, combien de temps faudra-t-il pour développer une capacité de dépistage à grande échelle? Comment les nouvelles technologies (p. ex. tests à domicile) pourraient-elles évoluer?

Au moment où nous écrivons ces lignes (juillet 2020), on ignore si les gens développeront des défenses immunitaires durables contre la COVID-19 et comment gérer ses mutations possibles. La pandémie va-t-elle persister ou bien l’immunité collective, un éventuel vaccin ou des mesures sanitaires l’éteindront-ils? Si un vaccin ou traitement est mis au point, combien de temps faudra-t-il pour le distribuer largement et comment procéder?

Un scénario voit la COVID-19 devenir endémique dans le monde entier. Selon l’efficacité des mesures sanitaires, elle pourrait être gérée par les systèmes de santé publique suffisamment développés. Là où des protocoles de soins améliorés existent, le taux de mortalité et de complications graves pourrait être réduit. Mais dans les régions où les systèmes de soins de santé sont fragiles, les niveaux de base pourraient surcharger les hôpitaux et les établissements de santé publique, ce qui entraînerait une hausse du taux de mortalité, de problèmes de santé et de perturbations.

Accès aux vaccins et traitements : rivalité ou intérêt public?

Qui aura accès à d’éventuels vaccins ou traitements? On doit se poser la question, pour deux raisons : premièrement, certains pays vendent déjà les tests de dépistage de la COVID-19 et les équipements de protection personnels (ÉPP) au plus offrant. Ensuite, on observe l’émergence de stratégies nationalistes autour de la conception et de l’acquisition d’un vaccin ou de traitements potentiels.

Simultanément, d’autres initiatives font surface pour le bien public. La réponse mondiale au coronavirus, menée par l’Union européenne, en est un exemple. Son objectif est de réunir suffisamment de fonds pour permettre la mise au point collective d’outils de diagnostic, de traitements et d’un vaccin mis à la disposition de tous.

Un « gagnant » de cette course au remède pourrait tenter de mettre cet avantage à profit pour influencer l’avenir de la géopolitique, de l’économie et des sociétés. Il faudra du temps pour que la production réponde à la demande mondiale, ce qui engendrera, au moins temporairement, une pénurie de vaccins et de médicaments. Par conséquent, des questions d’éthique importantes se poseront quant aux populations à servir en priorité et bien entendu, de qui devrait le décider.

Distanciation physique à long terme : quels facteurs poussent certaines personnes ou certains groupes à enfreindre les règles?

Dans plusieurs pays, le manque d’attention portée aux besoins ou circonstances particulières de certains groupes a contribué à créer des foyers de contagion de la COVID-19, entre autres. Si les mesures de distanciation physique sont maintenues dans le but de limiter la propagation du virus, il est important de se demander quels groupes pourraient être « oubliés », pour lesquels ces règles pourraient être difficiles à suivre et lesquels pourraient perdre patience à la longue.

Certains groupes pourraient avoir des besoins matériels, physiologiques ou affectifs suffisants pour les pousser à ne pas respecter les distances préventives recommandées. Cela pourrait comprendre des personnes en situation précaire qui doivent travailler, des célibataires à la recherche d’une relation ou des bénévoles qui trouvent leur équilibre dans l’entraide et le service. Chacun équilibre différemment ses propres besoins et ceux de la population générale selon sa situation. L’acceptation du risque encouru varie aussi fortement d’une personne à l’autre, en particulier selon le groupe d’âge.

Santé mentale : le traumatisme sera-t-il vite surmonté ou aura-t-il des répercussions à long terme?

Pour beaucoup, la pandémie est vécue comme une expérience très difficile et peut-être même comme un traumatisme. La pandémie et les mesures prises pour l’endiguer vont à l’encontre de besoins naturels comme la sécurité physique et financière, le sentiment d’appartenance ou le contact physique. Pour beaucoup de gens, les interactions en personne, au travail ou en dehors, sont une source importante d’estime de soi et de soutien. D’autre part, la rhétorique du combat et de la guerre est souvent employée pour décrire les efforts de lutte contre la COVID-19, ce qui compromet le sentiment de sécurité nécessaire à l’équilibre psychologique.

Les conditions actuelles seront-elles vécues comme une période difficile, mais passagère, ou comme un traumatisme persistant? Comment ses effets sur la santé mentale toucheront-ils les individus, les collectivités et les sociétés?

Cela dépendra d’un large éventail de facteurs, tels que la durée de la pandémie de COVID-19, le nombre de cycles de confinement et de déconfinement, et de l’accès à des appuis financiers, communautaires et pour la garde des enfants. Combien de personnes seront affectées par le ralentissement économique au point de voir leur niveau de vie diminuer? Les gens auront-ils l’impression de pouvoir faire des choix ou se sentiront-ils pris au piège de circonstances traumatisantes et stressantes? Quels seront les effets du confinement, des nouveaux modes de scolarisation et du stress familial sur les enfants, pour qui la pandémie est une expérience formatrice majeure?

Pandémies : pourraient être plus nombreuses et plus dévastatrices à l’avenir

Dans les deux premières décennies du 21e siècle, cinq nouvelles pandémies ont éclos, soit environ le double du nombre de pandémies qui ont eu lieu au 20e siècle. Il y en aura probablement d’autres, dont une qui pourrait être plus virulente ou plus transmissible que la pandémie de COVID-19 actuelle.

Au 20e siècle, la grippe espagnole et le VIH/sida ont fait plus de morts que la COVID-19 jusqu’à ce jour. Au 21e siècle, plusieurs pandémies avaient un taux de mortalité très supérieur à celui de la COVID-19, notamment le virus Ebola (25 à 90 p. cent), le SRMO (35 p. cent). Dans un rapport publié en septembre 2019, l’Organisation mondiale de la santé a indiqué que, si une pandémie similaire à celle de la grippe espagnole se produisait aujourd’hui, elle ferait jusqu’à 80 millions de morts et réduirait à néant cinq pour cent de l’économie mondiale.

Le coronavirus qui cause la COVID-19 est un virus naturel, mais il est plausible d’envisager que des pathogènes puissent être créés en laboratoire puis introduits dans la population, intentionnellement ou non. Cette possibilité augmente en même temps que notre capacité à séquencer le génome microbien et à synthétiser le matériel génétique à moindre coût. Il est concevable d’envisager que des acteurs étatiques et non étatiques pourraient créer et produire des pathogènes capables de cibler des espèces animales, végétales ou humaines, directement ou indirectement.

Étant donné les incidences potentielles sur la santé et sur l’économie, les risques liés à la création sans précautions ni procédures adaptées et à la libération accidentelle d’un pathogène synthétique pourraient devenir une considération politique plus importante. Les meilleures pratiques élaborées pour l’identification, l’isolation et le traitement de la COVID-19 pourraient s’avérer précieuses dans une telle éventualité. Le rapport d’Horizons de politiques Canada sur La convergence bionumérique explore le contexte dans lequel nous pourrions vivre et devoir gérer les risques et opportunités biologiques.  


Économie

Reprise : en V, U, L, W ou K?

On parle beaucoup de la courbe de la reprise économique (V, U, L, W ou K). De nombreuses interventions à travers le monde visent à maintenir un « minimum vital » jusqu’à ce que la pandémie soit contrôlée. Cela suppose que l’activité économique rebondira alors, cependant, l’économie englobe des activités très diverses. La reprise générale et la reprise par secteur pourraient suivre des trajectoires très différentes.

De plus, la courbe de la reprise pourrait dépendre de la manière de mesurer le rendement économique. Par exemple, le produit intérieur brut (PIB) pourrait évoluer différemment de l’emploi ou des échanges boursiers. Se fier principalement aux critères macroéconomiques traditionnels pourrait mener à privilégier les mesures qui auront une influence positive sur eux.

Même avant la pandémie, on se demandait déjà si ces indicateurs reflétaient effectivement le bien-être des citoyens. Cette pause économique forcée pourrait être l’occasion de réfléchir à cette question. Nos unités de mesure actuelles sont-elles suffisantes pour évaluer la qualité de vie? D’autres outils pourraient-ils élargir le champ d’analyse?

Si la pandémie devait se poursuivre encore pendant longtemps, et que d’autres vagues de COVID-19 surviennent, la reprise économique pourrait déborder le cadre de la gestion de crise.

Mesures de relance : un manque de coordination entre les diverses juridictions pourrait affecter différemment les chaînes de valeurs

Si les différentes juridictions n’adoptent des mesures de relance concertées et synchronisées, des blocages ou effets de goulot pourraient affecter les chaînes d’approvisionnement.

Du côté de l’offre, les chaînes sont longues et complexes, et les maillons sont répartis dans le monde entier. Tous les maillons doivent être opérationnels pour que la chaîne fonctionne. Dans certains pays ou certaines régions, une partie de la chaîne pourrait reprendre ses activités (retour au travail), tandis que pour d’autres, la chaîne pourrait être interrompue (travailleurs renvoyés chez eux à cause d’une nouvelle éclosion de COVID-19). Cela pourrait entraîner une reprise inégale et intermittente.

Les mêmes problèmes pourraient se poser du côté de la demande. Même les chaînes d’approvisionnement deviennent pleinement opérationnelles, les marchés qu’elles alimentent pourraient rester fermés, ce qui causerait une baisse de la demande. Par exemple, les fabricants automobiles pourraient produire leurs véhicules en République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») ou au Japon pour les exporter. Cependant, si les pays d’Europe et d’Amérique sont toujours lésés par des restrictions des échanges ou du transport, la baisse de la demande sur le marché pourrait entraîner la fermeture d’usines pour éviter une surproduction, même si la pandémie est bien contrôlée dans ces pays.

Indice de confiance : incertitude quant à la rapidité du retour au niveau de consommation prépandémie

Les impacts économiques décrits ci-dessus pourraient persister, même si de nombreux secteurs d’activité reprennent les affaires. Les revenus pourraient se stabiliser, mais la consommation des ménages pourrait ne pas revenir au niveau d’avant la pandémie, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, de nombreux consommateurs et entreprises ont emprunté ou liquidé des actifs pour compenser une perte de revenus pendant la pandémie. Beaucoup pourraient accorder la priorité au remboursement de dettes ou à la reconstitution de fonds de réserve pour parer à une autre éventualité semblable, ce qui entraînerait une baisse de la demande.

Parallèlement, on pourrait observer une plus grande aversion au risque des ménages ou des petites entreprises, particulièrement chez ceux et celles qui perçoivent leur situation financière comme précaire à cause de la pandémie. Cela entraînerait une baisse des dépenses non essentielles et des investissements.

Deuxièmement, les investisseurs et les banques pourraient augmenter leurs taux d’intérêts et commissions à cause d’un risque accru de défaut de paiement ou d’insolvabilité, réel ou perçu.

Troisièmement, les banques pourraient vouloir minimiser les pertes dues aux défauts de paiement. Cela pourrait entraîner une disponibilité réduite et un coût accru de l’emprunt auprès des banques, mais aussi sur les marchés des obligations et des fonds de placement. Ce manque de financement disponible à court terme pourrait pousser des entreprises qui pourraient être viables à long terme à fermer leurs portes.

Quatrièmement, si la pandémie se prolonge et si les possibilités d’emploi sont rares, de nombreux étudiants pourraient décider de prolonger leurs études supérieures. Cela pourrait augmenter leurs dettes personnelles ou celles de leurs parents et réduire leur consommation. Les étudiants pourraient compenser ces dettes en restant chez leurs parents et en choisissant l’enseignement à distance, ce qui réduirait la consommation et l’activité économique dans les villes qui sont habituées à une large population étudiante.

Cinquièmement, les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du divertissement pourraient mettre des années à se relever à cause d’une prudence accrue des consommateurs qui pourraient craindre pour leur sécurité financière ou pour leur santé. La popularité des spectacles, concerts, festivals et événement sportifs pourrait fortement diminuer, tout comme celles d’autres activités qui exigent une certaine proximité, comme la fréquentation des restaurants, des bars, des cinémas, des musées, galeries d’art ou parcs à thème.  

Sixièmement, le tourisme et les voyages pourraient subir une baisse importante de la demande, particulièrement pour les situations qui mettent les voyageurs en contact rapproché. Les compagnies aériennes, les armateurs de croisière et les centres de villégiature pourraient ne pas se remettre tant que la crainte d’une résurgence de la CPVID-19 ou de l’éclosion d’un autre pathogène subsiste.

Finalement, les entreprises pourraient réduire considérablement leurs dépenses consacrées aux déplacements professionnels (transport, repas, per diem) afin d’économiser, mais aussi pour réduire les risques sanitaires en évitant d’exposer leurs employés à une possible infection et pour éviter toute publicité négative. Les salons professionnels et les grandes conventions internationales sont souvent des foyers infectieux importants. Les entreprises qui organisent de tels événements pourraient donc faire face aux critiques du public.

Cours du pétrole : des pressions à la baisse

La demande de pétrole a rapidement chuté d’environ 30 % en raison de la réduction de la consommation de carburants de transport face au blocage du COVID-19. Ce seul fait aurait entraîné une baisse des prix à court terme. Cependant, le choc de la demande provoqué par la pandémie a également coïncidé avec un choc de l’offre. Au début de l’année 2020, une rupture de l’OPEP+ a vu la Fédération de Russie et l’Arabie saoudite augmenter leur production et se faire concurrence pour des parts de marché. Si certains signes indiquent que les producteurs vont réduire leur production, l’accord pourrait ne pas tenir. Quoi qu’il en soit, les réductions ne représentent qu’environ un tiers de ce qui serait nécessaire pour faire correspondre l’offre à la demande actuelle.

Les compagnies pétrolières canadiennes opèrent dans ce contexte mondial, mais n’ont que peu de contrôle ou d’influence sur celui-ci. Avec 96 % de sa production pétrolière destinée aux États-Unis en 2018, le Canada n’a essentiellement qu’un seul acheteur. À l’inverse, les États-Unis ont accès à un large éventail de fournisseurs, y compris des fournisseurs américains. Au cours des dix dernières années, les États-Unis sont passés d’un grand importateur de pétrole à un exportateur net. Cela est principalement dû à la révolution de la fracturation hydraulique. En raison du volume de production des premiers mois de 2020 (malgré la baisse de la demande), la plupart des capacités de stockage du pétrole étaient pleines dans le monde entier. Le problème était particulièrement saillant aux États-Unis, notamment à Cushing, en Oklahoma, où le Canada envoie une grande partie de son pétrole pour stockage et distribution aux raffineries américaines. Cette surproduction a conduit au prix négatif du pétrole en avril. Les contrats arrivant à échéance en avril exigeaient des acheteurs qu’ils prennent en charge la livraison du pétrole au terminal de Cushing, qui vendait la capacité de stockage limitée qui restait au plus offrant.

Lorsque les stocks sont pleins, ils sont refoulés dans la chaîne d’approvisionnement. Éventuellement, les producteurs doivent réduire ou arrêter leurs activités (c.-à-d., cesser de produire du pétrole, même si l’approvisionnement est disponible). Dans les terminaux de stockage aux États-Unis, les producteurs canadiens sont déjà en concurrence avec leurs homologues américains pour le stockage ou les ventes aux raffineries américaines. Dans ce cas, aucun producteur ne voudra interrompre la production des puits existants ou des exploitations de sables bitumineux, car il est coûteux de les relancer. En outre, des problèmes géotechniques peuvent empêcher la remise en service de certains puits s’ils ont été fermés trop longtemps. En conséquence, les producteurs américains peuvent accepter des prix inférieurs au seuil de rentabilité pendant une période prolongée pour maintenir les puits en activité. Cela pourrait supprimer la demande ou faire baisser les prix des importations canadiennes, et pourrait à son tour provoquer un arrêt partiel de la production canadienne ou forcer les producteurs à accepter des prix encore plus bas que les producteurs américains. Dans un cas comme dans l’autre, il est probable que le secteur pétrolier canadien soit confronté à une diminution du nombre d’emplois et des investissements.

En outre, le président américain Donald Trump a signalé qu’il pourrait imposer un droit de douane sur le pétrole importé afin de maintenir la stabilité des prix pour les producteurs américains et d’éviter les licenciements dans le secteur. Bien qu’un tel tarif puisse viser le pétrole provenant de l’étranger ou du Mexique, il pourrait également affecter le Canada. Bien qu’il faille du temps pour reconfigurer les raffineries et les infrastructures, les États-Unis pourraient un jour devenir autosuffisants en pétrole, ce qui aurait des répercussions très importantes sur l’industrie pétrolière au Canada.

Les répercussions des prix et de la production du pétrole pourraient aller au-delà de l’économie, touchant éventuellement les recettes publiques.

Immobilier : pression à la baisse

La crise économique pourrait exercer une pression à la baisse sur les prix des logements et des locations. Certaines sources citent une baisse de 10 à 18 % au cours de l’année à venir. Les personnes qui perdent leur emploi pourraient être contraintes de vendre leur maison. Elles auraient du mal à réintégrer le marché du logement tant qu’elles n’auront pas trouvé un emploi à long terme, ou bien elles finiraient éventuellement par payer des taux d’intérêt hypothécaires nettement plus élevés.

Certaines grandes villes ont imposé des limites aux locations d’Airbnb. Les propriétaires ne peuvent louer que leur résidence principale, ou les chambres qu’elle contient sur Airbnb. De telles mesures pourraient remettre sur le marché plusieurs milliers de logements. Les propriétaires et les investisseurs n’ont tout simplement pas les moyens d’acheter ces unités, car le rendement des locations annuelles est bien plus faible que celui des locations journalières. Cet ajout à l’offre de logements (une augmentation de 8 % en mars à Toronto) pendant la crise économique pourrait ajouter à la pression à la baisse sur les prix des logements.

Les anciennes communautés urbaines, rurales et éloignées peuvent être des lieux de vie souhaitables. Elles pourraient permettre de réduire les coûts tout en offrant la commodité de la livraison en ligne et en réduisant les interactions et les foyers de contagion.

Les bureaux et les commerces pourraient également être très touchés. De nombreuses entreprises disposant d’un espace de bureau de classe A (banque, assurance, investissement, droit et comptabilité, par exemple) peuvent avoir une empreinte plus réduite en raison de l’automatisation, du travail virtuel, de la consolidation du secteur ou de la faillite. En outre, les exigences d’éloignement physique nécessitent plus de mètres carrés par employé, ce qui rend l’espace de bureau plus cher.

Inégalité des revenus : Elle se creusera vraisemblablement davantage et plus rapidement

La tendance à l’inégalité des revenus va probablement s’accélérer. De nombreuses personnes à faible revenu ont perdu leur emploi et leurs biens. Dans le même temps, les travailleurs qualifiés et professionnels ont conservé leurs salaires, leurs avantages sociaux et leur logement. L’automatisation ou une récession pourrait accentuer ces inégalités.

De nombreux travailleurs de première ligne mal payés ont risqué leur vie pour maintenir les services essentiels. S’attendront-ils à des changements à leurs contrats et à leurs conditions de travail? Les programmes actuels de soutien au revenu à court terme pourraient faire naître l’espoir qu’une nouvelle donne est possible.

Inégalités : la pandémie exacerbe des inégalités silencieuses

De nouveaux types d’inégalités pourraient apparaître à mesure que la pandémie se prolonge. Les familles monoparentales représentent 20 % des ménages (dont 81 % sont des mères seules). Ces familles sont confrontées à des obstacles sur le marché du travail en temps normal et ont été très touchées par le fardeau d’avoir des enfants à la maison et continueront de l’être avec l’absence de services de garde adéquats et abordables (garderies, école ou camps de vacances).

Les personnes à faibles revenus ou qui n’en ont pas peuvent être confrontées à plusieurs désavantages additionnels. Selon le type de logement, il peut leur être difficile de suivre les règles de distanciation préventive ou de s’isoler. Leurs enfants peuvent ne pas avoir accès à l’Internet ou à un ordinateur, ce qui rend l’enseignement à domicile très difficile, voire impossible. Elles n’ont peut-être pas chez elles un espace pour travailler à domicile, et celles qui n’ont pas de voiture sont donc confrontées à des risques sanitaires supplémentaires dans les transports en commun, tout en ayant peut-être un accès limité ou difficile aux soins de santé.

Enfin, les groupes vulnérables seront moins aptes à retourner sur le marché du travail et pourraient rester isolés pendant des mois ou des années, jusqu’à ce qu’un vaccin ou traitement sûr et efficace soit disponible. Ce groupe comprend les personnes âgées et celles dont la santé est compromise, soit environ 10 à 20 % de la population.

Des tensions intergénérationnelles pourraient survenir si les jeunes ont l’impression de perdre leur liberté et leurs moyens de subsistance pour protéger les plus âgés contre la COVID-19.

La réouverture de l’économie va-t-elle créer de nouvelles inégalités? Ceux qui peuvent revenir plus tôt sur le marché du travail auront-ils les premières possibilités d’emploi? Les nouvelles possibilités d’emploi privilégieront-elles les personnes aisées parce qu’elles disposent de plus d’espace physique chez elles et d’un Internet plus rapide? Certaines écoles vont-elles ouvrir et d’autres rester fermées? Certaines personnes seront-elles autorisées à voyager et d’autres, non? Les anciens patients de la COVID-19 bénéficieront-ils de privilèges spéciaux parce qu’on les pense immunisés?

Domination numérique : la pandémie va probablement renforcer les plateformes

Partout dans le monde, la pandémie crée un stress financier important pour les entreprises — en particulier les micro, petites et moyennes entreprises — dans les secteurs touchés par les fermetures et la distanciation préventive.

Alors que les lieux de divertissement, les restaurants, les transports et les établissements d’enseignement souffrent de réductions importantes des dépenses de consommation, les entreprises qui soutiennent « l’économie domestique » sont en plein essor. Les services de vente au détail et d’abonnement en ligne, les jeux vidéo et les grandes plateformes numériques ont tous connu une augmentation de la demande.

Cela s’est traduit par de bonnes performances boursières pour Facebook, Amazon, Apple, Netflix, Alphabet/Google et Microsoft. Les ventes d’Amazon ont explosé, avec des revenus en hausse de 26 %, pour atteindre 75 milliards de dollars US au premier trimestre 2020. Au Canada, Shopify était la société la mieux cotée en bourse au mois de mai. Cela est le résultat de ses efforts rapides et concentrés pour cibler les détaillants (au Canada et aux États-Unis) qui ont été contraints de mettre rapidement leurs activités en ligne.

La pandémie amplifie encore l’impact des plateformes numériques sur l’ouverture, l’accessibilité et l’équité des marchés en termes de concurrence.

La pandémie de COVID-19 pourrait révéler simultanément l’importance des plateformes numériques pour l’économie canadienne en temps de crise, ainsi que l’étendue de leur domination et le défi qu’elles posent à la concurrence libre et équitable.

Les effets économiques de la pandémie vont-ils créer une crise de la concurrence? Les plateformes numériques chercheront-elles à utiliser des profits plus élevés et un pouvoir plus grand pour obtenir de nouvelles concessions des consommateurs ou des gouvernements?

Retraites : les fonds de pension pourront-ils remplir leurs obligations?

Les régimes de retraite publics et privés comportent des investissements dont le recouvrement peut prendre des années. L’effondrement des prix de l’énergie, le coronavirus et les tensions géoéconomiques pourraient ricocher sur l’économie canadienne pendant des années.

La chute des prix de l’énergie, des évaluations boursières, des actifs immobilisés et des redevances plus faibles aux gouvernements pourrait être un frein à l’économie et donc ralentir la reprise des investissements des pensions. Au-delà de l’énergie, les fonds de pension sont confrontés à d’autres problèmes. Il s’agit notamment de la faible croissance économique, des taux d’intérêt bas et de la dette publique élevée due au soutien économique et aux plans de relance. Ces problèmes pourraient mettre à l’essai la capacité des fonds de pension de particuliers et de groupes à faire face à leurs obligations. Une récession, une dépression ou des changements spectaculaires dans les règles du commerce mondial rendraient les choses encore plus difficiles.

Les paiements provenant des investissements personnels, ainsi que des régimes de retraite publics et privés, pourraient être réduits. Si cela se produit, les personnes âgées, les personnes handicapées et les autres personnes vulnérables pourraient dépendre davantage de l’État. Cette dépendance croissante se produirait au moment même où les recettes de l’État diminuent.

Elle génère également des questions plus larges. Quel pourrait être l’impact sur la volonté des jeunes générations de payer des impôts et de contribuer aux fonds de pension? Comment cela pourrait-il changer les comportements d’investissement si les gens n’ont pas de sécurité vieillesse et doivent l’assurer eux-mêmes?

Souveraineté économique stratégique : jusqu’où ira-t-elle?

Nous voyons des signes que les gouvernements du monde entier accélèrent leurs plans pour atteindre une souveraineté économique stratégique — des programmes pour garantir des ressources stratégiques et des apports économiques.

« Une ressource stratégique est un atout précieux, rare, difficile à imiter et non substituable. » (Barney, J. B. 1991. Firm resources and sustained competitive advantage. Journal of Management, 17, 99-120) Elle donne aux pays et aux entreprises la possibilité de développer un avantage concurrentiel sur leurs rivaux. En juin 2019, le gouvernement américain a identifié 35 minéraux dont les chaînes d’approvisionnement étaient considérées comme essentielles à la prospérité et à la sécurité du pays.

Les produits de base qui sont des « ressources stratégiques » fluctuent. Par exemple, il y a un excédent mondial de pétrole, mais une demande croissante de lithium et d’autres minéraux rares pour les batteries et les composants électroniques. Dans un monde post-pandémie, la nourriture — ou l’eau ou le phosphate pour les engrais — pourrait être considérée comme une ressource stratégique.

La rivalité géopolitique dans ce domaine pourrait s’intensifier de plusieurs façons. De grandes puissances ou des hégémons locaux pourraient s’emparer des ressources ou des états connexes par la force, la corruption ou l’achat pur et simple. La Chine investit dans des opérations minières stratégiques dans le monde entier depuis des décennies.

Une solution de rechange serait une augmentation de l’offre de ressources stratégiques en investissant dans de nouvelles études et techniques minières, le recyclage et le retraitement et dans l’invention de nouvelles technologies.

Un système commercial ouvert suppose l’achat de fournitures sur le marché libre, à valeur marchande. Il bénéficie de faibles coûts et d’une répartition efficace. Toutefois, cette hypothèse peut être risquée. L’innovation locale et la production de « ressources stratégiques » peuvent se renforcer. Au fil du temps, cela pourrait avoir un impact sur l’exploitation minière et l’industrie manufacturière canadiennes, par exemple.

Chaînes d’approvisionnement : des « chaînes intelligentes » seront-elles un facteur de résilience?

Des pressions sont exercées pour reconfigurer les chaînes d’approvisionnement afin qu’elles soient plus résistantes. Il existe un certain nombre d’options et d’implications pour réinventer une économie mondialisée.

Trois possibilités suivant la période intense de la pandémie de COVID-19 pourraient être les suivantes :

  • La démondialisation ou le retour aux chaînes d’approvisionnement locales/nationales : pour les biens essentiels sans substituts (par exemple les masques chirurgicaux), la production pourrait être reprise localement et les exportations limitées en fonction des besoins.
  • Le régionalisme mondial résilient : une mondialisation continue, mais plus diversifiée géographiquement, des chaînes de valeur qui allient résilience et avantages économiques. Pour les biens importants ayant des substituts possibles (par exemple les denrées alimentaires), une approche hybride inciterait la production locale, mais permettrait au commerce de maintenir des prix compétitifs en dehors des périodes de crise.
  • Mondialisation 2.0 : la conception de la chaîne de valeur dépend de la nature du bien et de son importance. Pour la plupart des biens qui ne sont pas essentiels à la survie et pour lesquels un prix compétitif est un facteur clé, des chaînes d’approvisionnement mondialisées efficaces serviraient l’intérêt public.

À moyen terme, un ensemble de technologies intelligentes (par exemple, l’intelligence artificielle [IA], l’impression 3D et la biologie synthétique) pourrait transformer la fabrication. On peut imaginer que les unités de fabrication canadiennes participent aux chaînes d’approvisionnement mondiales et, en cas de crise, se réorientent rapidement pour répondre aux besoins locaux ou nationaux.

La demande de « chaînes d’approvisionnement courtes » — qui peuvent être coûteuses, inefficaces et peu résilientes — pourrait devoir être réorientée vers une demande de « chaînes d’approvisionnement intelligentes ».

Les chaînes d’approvisionnement de services robustes et souples en temps de crise méritent d’être explorées. L’IA, la téléprésence et la robotique peuvent contribuer au maintien de l’expertise nécessaire pour l’assistance, le soutien, les soins, les réparations et les services essentiels permanents en cas de crise prolongée. Une partie de cette expertise pourrait être programmée dans les produits et infrastructures mis en place au cours de la prochaine décennie.

Rôle économique de l’État : à quoi nous attendrons-nous des gouvernements?

Diverses demandes pourraient pousser les gouvernements dans le monde entier à jouer un rôle plus important et plus prospectif dans l’économie. En période de stagnation ou de récession économique, les particuliers et les entreprises peuvent éviter de prendre de nouveaux risques et s’attendre à un soutien financier à long terme de la part du gouvernement. En même temps, nous pourrions observer des pressions en faveur de la baisse des coûts et des impôts, de l’amélioration des services et de l’infrastructure et de la stimulation de la croissance.

L’idée de « reconstruire en mieux » est de plus en plus populaire à l’échelle mondiale. Les attentes à l’égard des gouvernements à l’avenir pourraient être grandement influencées par cette approche.

Dette publique : comment évoluera la tolérance de la société?

Que penseront les Canadiens de l’augmentation de la dette? À mesure que les coûts de la réponse à la COVID-19 deviendront évidents, les contribuables s’indigneront-ils de la charge fiscale requise pour les aides sociales ou continueront-ils à les appuyer?

Pendant combien de temps les citoyens s’attendront-ils à ce que le gouvernement continue à soutenir l’économie? Et comment cela correspond-il aux attentes d’une économie de marché classique? Un nouveau modèle économique est-il en train d’émerger?

Il y a des considérations qui vont au-delà de la dette créée pour soutenir les salaires des citoyens. Les systèmes de soutien mis en place par de nombreuses économies développées pourraient modifier la relation entre l’État et les entreprises. Dans de nombreux pays, les gouvernements ont temporairement nationalisé l’économie pour l’essentiel. Ils sont devenus le garant de dernier recours. Les Canadiens ont assumé une grande partie des risques pour de nombreuses entreprises. Les citoyens s’attendront-ils à de nouvelles conditions sur le comportement des entreprises, ou sur la manière dont elles sont contraintes de se comporter? Comment les citoyens penseront-ils aux plans de sauvetage des entreprises en vue d’un verrouillage et d’une reprise durables? Par exemple, les banques qui accordent des prêts principalement à de grandes entreprises bénéficieraient-elles d’un soutien supplémentaire? La demande de salaires plus équitables pour les travailleurs à faible revenu sera-t-elle plus forte? Un engagement plus important envers la durabilité? 

Migrations : comment la pandémie affectera-t-elle les flux?

L’immigration est nécessaire pour attirer les bons talents afin de développer une économie. Une main-d’œuvre temporaire est aussi requise dans des secteurs spécifiques tels que l’agriculture et la pêche. Toutefois, cette question est devenue plus complexe en raison de nouvelles considérations de santé publique dues à la pandémie. Certains pays et communautés peuvent décourager ou interdire activement les migrations internes ou l’immigration en tant que menace existentielle pour deux raisons. Premièrement, ils peuvent craindre un manque de réponse efficace à la COVID-19 dans les pays d’origine des immigrants. Deuxièmement, ils peuvent craindre de devenir la source de la prochaine pandémie.

Une « offre limitée » de travailleurs temporaires étrangers « sûrs » pourrait générer une concurrence internationale. Les considérations sanitaires pourraient également faire partie des accords de migration entre pays.

Au niveau mondial, de nouvelles vagues de migration massive pourraient se produire à partir et au sein de régions où la pandémie a aggravé les famines, les conflits, l’effondrement économique ou les États en déliquescence, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.


La prochaine économie numérique et l’avenir du travail

La pandémie a mis en lumière de nombreux aspects de La prochaine économie numérique et de L’avenir du travail, qu’Horizons de politiques a déjà abordés.

La COVID-19 va probablement accélérer le passage à l’économie numérique et les changements dans la quantité et la nature du travail. De nombreux exemples sont déjà devenus courants. Il s’agit notamment du travail à distance, de la reconversion des plateformes de fabrication multifonctionnelles, de l’impression 3D sur site lorsque des marchandises sont nécessaires et des chaînes de valeur temporaires. L’évolution des comportements, des mentalités et des modèles commerciaux aura un impact sur l’avenir. Quatre aspects sont pris en compte ici.

Automatisation : accélérer l’investissement

La COVID-19 a créé un choc de production parce que les humains ne pouvaient plus intervenir directement dans les chaînes de production/valeur. Cela a eu un coût énorme pour l’économie, et pour de nombreuses entreprises. Certains pourraient considérer les robots plus robustes que les humains. Les entreprises et institutions sont susceptibles de présenter des arguments économiques plus solides pour adopter des technologies et financer des innovations qui réduisent les humains de la chaîne de valeur de la production.

La tendance à l’automatisation pourrait également se produire en raison du manque de ressources humaines nécessaires. Par exemple, dans un monde en mode « pandémie », les travailleurs agricoles temporaires sont moins facilement disponibles; le personnel de nettoyage à domicile ou dans les entreprises est moins souhaitable; et il n’y a pas assez de chauffeurs de camion de livraison pour répondre à la demande accrue des achats en ligne.

Des travaux antérieurs d’Horizons de politiques ont noté que le taux d’automatisation ne dépend pas seulement de la faisabilité technique. Il dépend également de l’acceptabilité sociale et de la réglementation, deux éléments qui favoriseront probablement une plus grande automatisation. Par exemple, les décideurs politiques peuvent être poussés à créer et à adapter des politiques de sécurité régissant les véhicules autonomes.

Télétravail : Un passage plus rapide au travail cognitif et physique à distance

Grâce aux mesures de confinement, de nombreux employés ont été équipés pour travailler à domicile et ont appris à travailler à distance. Ils ont ainsi pu en ressentir à la fois les avantages et les inconvénients. Alors que les organisations avaient souvent des réserves sur le travail à domicile, elles disposent maintenant d’un projet pilote en situation réelle. Qu’est-ce qui a fonctionné et qu’est-ce qui n’a pas fonctionné? Qu’est-ce qui peut être fait à distance et qu’est-ce qui ne peut pas l’être? Quelles sont les flexibilités et les limites/garanties raisonnables? Les enseignements tirés de la situation actuelle sont susceptibles d’apporter plus de flexibilité au travail à distance.

La possibilité de travailler à domicile peut avoir des effets secondaires. Par exemple, les personnes bientôt retraitées pourraient préférer rester dans la population active si elles peuvent continuer à travailler à domicile. Si cet arrangement devient plus disponible et acceptable, les professionnels de la carrière reporteraient-ils leur retraite?

Un autre aspect est la notion de « présence » ou « en personne ». Certaines fonctions exigent légalement que des personnes soient présentes, des signatures « mouillées », etc. Pourtant, les audiences des tribunaux, les services notariaux et juridiques, les services gouvernementaux, les inspections des demandes d’assurance, etc. s’adaptent tous rapidement à un monde où les gens ne sont pas physiquement présents. Les adaptations pendant la pandémie pour fournir à distance des services juridiquement contraignants se poursuivront probablement après la fin de l’éloignement physique obligatoire.

Le rapport L’avenir du travail d’Horizons de politiques a abordé l’idée que « là où les gens travaillent et gagnent, ce n’est pas forcément là où ils vivent et dépensent ». Il a noté que le terme « local » a été remis en question en tant que facteur important de dotation pour de nombreux emplois. Le fait que les employés vivent à proximité de leur lieu de travail n’a pas d’importance. En effet, pour un certain nombre d’emplois, le travail à distance et le travail sur site fonctionnaient aussi bien l’un que l’autre. Cela pourrait modifier les hypothèses d’embauche.

Le rapport a également noté que la téléprésence avancée permettrait aux travailleurs d’effectuer des tâches physiques à distance. Cela inclut des experts hors site qui dirigent à distance des travailleurs peu qualifiés dans l’exécution de tâches complexes. Si le contact humain reste indésirable/dangereux ou impossible en raison des restrictions de déplacement, ce type de pratique pourrait se développer.

Relations employeurs-employés : de moins en moins d’emplois long terme

Le rapport L’avenir du travail d’Horizons de politiques note que les relations entre employeurs et employés ont changé. L’emploi à long terme, plus formel, était déjà en déclin avant la pandémie. L’insécurité/les turbulences financières auxquelles sont confrontées les entreprises et le ralentissement économique vont probablement accélérer la multiplication des emplois atypiques et précaires, et avec eux, le nombre de travailleurs à temps partiel et de ceux qui ont plusieurs employeurs. Il est probable que les gens recherchent une plus grande sécurité financière pour les années/la génération à venir et que la perspective d’être un travailleur à la demande ou un travailleur contractuel indépendant soit moins attrayante. La demande de revenu de base universel ou d’actifs de base universels, ainsi que d’arrangements tels que les systèmes d’allocations transférables devrait augmenter.

Infrastructure numérique : une planche de salut de plus en plus indispensable

Alors qu’une grande partie de notre économie, de nos vies et de nos services gouvernementaux a été transférée rapidement en ligne pendant la pandémie, l’infrastructure numérique sous-jacente devient de plus en plus critique. L’accès à l’infrastructure numérique et sa résilience deviendront probablement plus importants.

Les cyberattaques contre les infrastructures numériques se multiplient. Dans une perspective à plus long terme, la nécessité et l’attente d’une plus grande attention à la sécurité et à la résilience de cette infrastructure cruciale sont évidentes.

D’un point de vue sociétal, la demande d’accès à cette infrastructure en tant que bien public pourrait également augmenter. Cela est particulièrement vrai si d’autres services publics utilisent de plus en plus l’infrastructure numérique et si l’accès se révèle être un facteur déterminant des résultats. Ces services pourraient inclure l’éducation, la santé et les services publics.


Socioéconomie

Gagner sa vie : lequel prévaudra — l’impératif économique, sanitaire ou social?

Comment les gouvernements encadreront-ils la relation entre l’économie et les institutions sociales dans la gestion et le rétablissement de la pandémie?

D’une part, une logique d’économie d’abord ou de santé publique peut prévaloir. Dans ce cas, les gouvernements pourraient être confrontés à des choix difficiles qui opposeraient les besoins en matière de santé à la rareté des ressources économiques. Tout avantage à une extrémité pourrait être annulé par une perte à l’autre. Par exemple, il pourrait opposer la sécurité des populations plus vulnérables à la volonté d’arrêter la destruction continue de la richesse privée. L’investissement dans la santé pourrait également se faire au détriment des opportunités économiques, tant pour les travailleurs que pour les investisseurs.

D’autre part, une logique sociale pourrait recadrer les problèmes posés par la pandémie comme des opportunités. Comment les gouvernements pourraient-ils créer une qualité de vie abondante en renforçant les institutions sociales de soutien, en développant la résilience et en réduisant les inégalités? La pandémie a démontré à quel point l’activité économique repose sur les services et les systèmes sociaux, tels que la garde d’enfants, l’éducation, les relations au sein des ménages et des communautés, et les capacités en matière de santé publique.

L’accent mis sur le bien-être social pourrait créer les conditions permettant au gouvernement de réévaluer les investissements dans les institutions sociales qui soutiennent le développement individuel et communautaire tout au long du cycle de vie humain. La pandémie pourrait mettre en évidence les lacunes et les possibilités en matière de développement de la petite enfance, d’entrée sur le marché du travail et de soins aux personnes âgées.

Possibilités économiques : une reprise par phases aura des implications économiques et sociales à long terme

La réouverture de l’économie se fera probablement par étapes afin d’équilibrer le risque entre la santé publique et l’activité économique. Décider qui reprend le travail et quand — en fonction des stratégies régionales, des préférences des employeurs et de la situation des employés — pourraient déterminer les opportunités et choix de vie de différents groupes.

Voici plusieurs exemples dont il faudrait tenir compte de réalités à court terme qui pourraient affecter les perspectives à long terme dans certains pays, y compris au Canada :

  • Les travailleurs essentiels en première ligne sont plus souvent des femmes et des minorités visibles. Par conséquent, ces populations pourraient courir un risque plus élevé d’épuisement professionnel et d’infection. Les subventions salariales accordées à ces travailleurs inciteront-elles le gouvernement et la société à rémunérer davantage leur travail à long terme?
  • Ceux qui peuvent continuer à travailler à distance pourraient être invités à revenir en dernier sur les lieux de travail partagés, ce qui les exposerait à un risque économique et sanitaire moindre.
  • Nous pourrions observer un retour à des rôles plus « traditionnels » des hommes et des femmes, car celles qui s’identifient en tant que femmes sont touchées de manière disproportionnée par les services de garde d’enfants (que les écoles soient ouvertes, partiellement ouvertes ou fermées), des services de garde scolaire réduits et les responsabilités de prendre soin des personnes âgées. Cela pourrait aussi créer un obstacle lors du retour ou de la participation active au marché du travail.
  • Les parents célibataires, en particulier ceux qui ont de faibles revenus, pourraient avoir moins de choix quant à leur retour au travail et au retour de leurs enfants à l’école ou au service de garde.
  • La résilience des ménages qui comptaient sur deux revenus sera mise à l’épreuve si un des parents doit rester à la maison, tant du point de vue financier que de celui du bien-être mental.
  • Il y aura probablement plus de demandeurs d’emploi que de postes à combler, ce qui exercera une pression à la baisse sur les salaires. L’adoption d’horaires de travail en équipe permettant l’éloignement physique pourrait également réduire les heures de travail et les revenus.
  • La perte d’emploi en début de carrière affecte profondément les jeunes.
  • Dans la mesure où les employeurs peuvent en toute légalité choisir qui revient au travail, ils pourraient favoriser les travailleurs plus jeunes et en meilleure santé qui ont plus de chances de se remettre s’ils tombent malades.
  • Il pourrait y avoir un risque accru de discrimination des employés qui sont plus vulnérables à contracter la COVID-19 en raison de l’âge, de la race, du sexe, de la classe sociale ou de la santé.

L’agitation sociale et le changement : quelles en seront l’ampleur et la durée? Quels seront les déclencheurs?

La pandémie a mis au premier plan les inégalités existantes et leurs impacts disproportionnés sur les communautés racialisées, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les peuples autochtones, d’une manière qui ne peut être ignorée. Les besoins humains fondamentaux menacés, l’isolement physique prolongé, les désavantages systémiques existants et les tensions interraciales exacerbent encore une situation déjà difficile. Dans un avenir proche, un ralentissement de l’économie et un marché du travail plus concurrentiel après la pandémie pourraient considérablement aggraver ces inégalités préexistantes et les étendre. Le contraste entre les populations marginalisées et les privilégiés pourrait s’accentuer. Un tel avenir est propice aux bouleversements.

Les médias numériques peuvent continuer à jouer un rôle important dans l’émergence (ou l’étouffement) d’appels au changement social et être utilisés pour organiser, diriger et amplifier des mouvements. C’est ce qui ressort des manifestations #BlackLivesMatter et des initiatives comme #BlackoutTuesday. Les premières démontrent que, même pendant la pandémie, lorsque des mesures d’éloignement préventif étaient en place, les manifestants ont choisi de se rassembler en personne, en plus de participer à des manifestations virtuelles et à des diffusions en direct.

On peut dire que l’inégalité structurelle n’a pas encore provoqué de bouleversement au Canada, peut-être en raison de l’existence d’un filet de sécurité sociale de base, de niveaux de confiance et de déférence sociale relativement élevés et d’une certaine notion de la responsabilité individuelle. La COVID-19 changera-t-elle cela?

Cohésion sociale : sommes-nous vraiment tous « dans le même bateau »?

Le sentiment de vulnérabilité commune face à une menace sanitaire et les expériences partagées en matière de réponse à une pandémie vont-ils rapprocher les Canadiens d’une manière nouvelle? Les populations exclues auront-elles le sentiment que nous avons vraiment été « tous ensemble » en tant que Canadiens? Les personnes profitant de possibilités économiques héritées auront-elles le sentiment d’être davantage en contact avec les communautés marginalisées?

La pandémie a mis en lumière les nombreuses inégalités de la société canadienne. À bien des égards, elle a aggravé l’effet de ces divisions. Les Canadiens pauvres et sans abri ont été particulièrement exposés, tout comme les Canadiens âgés vivant en institution, certaines populations autochtones et certains groupes de minorité visible. Il pourrait y avoir plus d’occasions de blâmer des groupes pour avoir propagé le virus ou pour ne pas avoir joué leur rôle. Cela pourrait conduire à un recul des identités de groupes antagonistes.

Mais la pandémie a également mis en lumière des histoires inspirantes de compassion et d’empathie. Dans certains cas, elle a fait ressortir nos meilleures capacités de coopération, d’altruisme et de charité. Les liens qui se tissent entre voisins, communautés, régions et générations peuvent fournir des exemples de la manière dont des groupes surmontent les différences. Ces liens seront-ils reproduits et généreront-ils la résilience de la communauté, ou seront-ils abandonnés après la fin des phases intenses de la pandémie?

Organismes de bienfaisance : un secteur en danger

La pandémie a durement frappé le secteur caritatif. De nombreuses sources traditionnelles de collecte de fonds, telles que les manifestations de bienfaisance, se sont taries alors même que la demande de certains services caritatifs est débordante. À court et à moyen terme, un contexte économique plus difficile pourrait également réduire les dons et le bénévolat.

Les grandes organisations caritatives à large assise, bien établies, sont les plus susceptibles d’accéder à des financements d’urgence et de s’adapter au nouvel environnement de collecte de fonds. Mais de nombreuses petites organisations caritatives spécialisées risquent de ne pas survivre. C’est un problème, car les petites servent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables, comme les travailleurs du sexe ou les personnes marginalisées dans les communautés isolées.

Cette dynamique pourrait accroître les demandes adressées au gouvernement pour qu’il fournisse des services directement aux communautés avec lesquelles il a moins de contacts directs et moins d’expérience.

L’éducation post-pandémie : en personne, numérique, ou les deux?

Il est possible que la majorité des écoles et des universités reprennent leurs activités habituelles après la pandémie, en revenant à l’apprentissage en personne et en face à face dans le cadre de conférences, de séminaires et de laboratoires. Dans ce monde, les cours en ligne sont plus courants qu’avant la crise. Mais il pourrait s’agir avant tout d’un complément utile à la prestation physique et d’une solution de repli au cas où une résurgence de la pandémie — ou l’émergence d’un nouveau virus — perturberait les rassemblements et/ou les voyages.

Une autre possibilité est qu’un nombre croissant d’écoles et d’universités optimisent leurs offres éducatives en ligne de sorte que l’apprentissage virtuel devienne la norme, plutôt que l’exception.

Certains établissements d’enseignement peuvent le faire en prévision de futures épidémies et perturbations. D’autres peuvent s’orienter vers un modèle « en ligne d’abord » pour attirer les étudiants internationaux qui ne sont pas enclins à se déplacer physiquement tant que la COVID-19 reste endémique.

Une vague d’innovation dans le domaine des cours et de l’engagement numériques pourrait accroître l’attrait des cours en ligne tout en réduisant les coûts fixes et marginaux pour les fournisseurs. Une collaboration étroite avec les entreprises partenaires et les organismes de certification professionnelle pourrait créer un nouveau paradigme concernant le rôle des écoles et des universités dans la préparation des étudiants au nouveau monde du travail.

Un tel changement du modèle éducatif pour un grand nombre d’étudiants pourrait créer des lacunes dans les expériences sociales et de réseautage qui sont un sous-produit précieux de l’expérience universitaire. Ces lacunes offrent aux entrepreneurs la possibilité de mettre les jeunes en contact physique « hors campus » ou de créer des réseaux et de se rencontrer par des moyens numériques inédits. En outre, une ruée vers l’accréditation en ligne pourrait se produire alors que les organisations, libérées du fardeau des actifs physiques, cherchent à se faire une place sur le marché de l’éducation à but lucratif.

À mesure que la concurrence s’accroît sur le marché de l’enseignement numérique, les institutions d’élite pourraient être incitées à investir encore davantage dans l’enseignement en personne et devenir encore plus exclusives.

Dans quelle mesure les perturbations des établissements d’enseignement, en particulier ceux qui dépendent actuellement de la présence physique des étudiants étrangers, entraîneront-elles des changements fondamentaux dans les stratégies et les préférences en matière d’éducation? Et quelles pourraient en être les conséquences pour le marché du travail et la qualité des expériences formatives des étudiants?

Milléniaux et Génération Z : comment la pandémie affectera-t-elle leurs opportunités économiques et sociales et leur tolérance aux risques?

Les millénaires et la génération Z vont-ils acquérir les outils nécessaires pour être plus ou moins résilients pendant la pandémie et après? Les milléniaux connaissaient déjà des difficultés en raison des retombées de la Grande Récession et des effets négatifs de l’évolution de la nature du travail. Par conséquent, ils peuvent se réengager dans l’économie et la société à des rythmes différents.

On pense que la nature de l’engagement social est fortement influencée par les conditions en place lorsque les personnes entrent dans l’âge adulte et tentent de rejoindre le monde du travail. Les jeunes vont-ils se replier sur la peur, la prudence et des habitudes de dépenses conservatrices? Ou bien s’épanouiront-ils après avoir été habilités à saisir les opportunités de la vie et à atteindre le bien-être financier? Les jeunes Canadiens pourraient juger du rôle et de la légitimité du gouvernement en fonction de la façon dont ils se perçoivent et dont leurs valeurs se reflètent dans ses réponses à la pandémie.

Il existe également une incertitude sur la manière dont les jeunes générations formeront des relations si les contacts humains sont restreints pendant leur développement formatif. La perte des rituels quotidiens et des rites de passage marquera-t-elle ces générations de façon permanente? D’autre part, une vie multigénérationnelle qui fournit des soins non rémunérés et réduit les frais de subsistance pourrait devenir une nouvelle norme. Si c’est le cas, les liens peuvent s’intensifier au sein des familles élargies et des groupes de colocataires.

Réconciliation : la réponse de la santé publique peut-elle être une possibilité de réconciliation en soi?

La pandémie de COVID-19 exige des ressources, du temps et une attention exceptionnels. Cela pourrait menacer de retarder ou de mettre de côté d’autres priorités telles que la réconciliation. Mais ce n’est pas une certitude; on voit poindre une possibilité de promouvoir la réconciliation et d’apprendre dans le cadre de la réponse de la santé publique, en gardant en tête les appels à l’action 18 à 24 de la Commission de vérité et réconciliation.

En date de juillet 2020, les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada ont observé des taux d’infection et de décès inférieurs, de même qu’un taux de rétablissement supérieur à ceux des Canadiens non autochtones. Cela pourrait être en partie attribuable aux mesures strictes des communautés et des bandes autochtones fondées sur l’autodétermination et des approches autochtonisées. Par exemple, de nombreuses communautés ont mis en place des protocoles de santé publique internes rigoureux et ont restreint les déplacements vers leurs territoires et à l’intérieur de ceux-ci. Les organisations de santé publique autochtones ont aussi produit et distribué des guides qui étaient inspirés des visions du monde autochtones.

Bien qu’il n’y ait aucune garantie que ces résultats se poursuivront dans les vagues subséquentes, ces résultats positifs diffèrent grandement de la situation de la pandémie de grippe H1N1 en 2009, au cours de laquelle les taux d’infection chez les personnes autochtones étaient supérieurs à ceux des Canadiens non autochtones. Le taux d’infection à la grippe H1N1 parmi les Inuits, par exemple, était plus de 50 fois plus élevé que dans la population en général. Les résultats positifs des communautés autochtones lors de la première vague de COVID-19 sont particulièrement remarquables, compte tenu des inégalités structurelles permanentes et des défis liés aux déterminants sociaux en matière de santé auxquels font face les Autochtones.


Environnement

Changements climatiques : assiste-t-on à l’émergence d’ambitions plus holistiques?

Le programme de lutte aux changements climatiques pourrait être influencé par la pandémie de COVID-19, car il y a des similitudes entre les deux. Ils font tous deux référence à des processus biologiques pas toujours faciles à contrôler pour l’ingéniosité humaine. Ils auront tous deux des impacts économiques et sociaux majeurs, évoquant le sentiment que « nous sommes tous dans le même bateau ». Et ils représentent tous deux un niveau de risque existentiel, qui nécessite une refonte et une restructuration importantes de l’économie.

La pandémie suscitera-t-elle un plus grand désir de s’attaquer au changement climatique? Ou les désirs de reprise économique feront-ils passer les préoccupations environnementales au second plan?

La réponse mondiale à la COVID-19 occupera les mêmes années qui sont cruciales pour faire face aux menaces existentielles du changement climatique pour la survie de l’humanité. Il n’y a pas d’« autre budget » de fonds ou de temps pour s’attaquer séparément à cette « urgence rapide » et à cette « longue urgence ». D’autre part, les chefs de file des différents secteurs pourraient utiliser les voies ouvertes par la pandémie de COVID-19 pour mener un programme plus holistique.

Énergie : les chaînes d’approvisionnement deviendront-elles plus locales et distribuées?

La pandémie de COVID-19 a remis en question la fiabilité et la sécurité des chaînes mondiales d’approvisionnement en énergie, en particulier les combustibles liquides non renouvelables qui doivent être extraits, raffinés, expédiés et distribués dans de nombreuses juridictions. En conséquence, les gouvernements et les entreprises multinationales étudient des sources d’énergie plus locales et mieux réparties, notamment en développant davantage les systèmes d’énergie renouvelable et en réalisant des investissements importants dans l’« économie de l’hydrogène ».

La pandémie va-t-elle accélérer le développement et l’adoption de sources alternatives de production d’énergie au niveau local, ce qui réduira encore la demande de pétrole et de charbon? Ou bien la baisse du prix des combustibles fossiles dissuadera-t-elle les gouvernements et les entreprises d’effectuer les investissements nécessaires dans les nouvelles infrastructures requises pour répondre aux exigences de la vie moderne?

La désurbanisation : les gens vont-ils retourner vivre à la campagne?

La transmission rapide de la COVID-19 a donné lieu à des mesures politiques qui favorisent à la fois l’éloignement physique des personnes et la fermeture de nombreux lieux de rassemblement urbains centraux. Il en résulte une transformation de la relation entre les individus et les espaces. Les gens s’interrogent de plus en plus sur leur lieu de résidence, leur mode de vie et leur interaction avec l’environnement bâti.

Pour ceux qui craignent les futures épidémies et qui peuvent télétravailler, le déménagement dans les zones rurales est une option. La numérisation accélérée de l’économie a réduit les obstacles qui empêchaient auparavant de vivre à distance, à savoir le manque d’opportunités d’affaires, sociales et commerciales. La combinaison des modalités de travail à distance, des achats en ligne et de l’utilisation accrue des outils de vidéoconférence pour se connecter avec ses proches réduit le fardeau de l’éloignement des centres urbains. Même pour ceux qui ne craignent pas de tomber malades, il peut y avoir un intérêt à construire une vie dans un contexte non urbain.

Si l’installation dans les zones rurales attire un grand nombre de citadins, des terres auparavant non aménagées peuvent devenir habitées. Les services et les infrastructures devraient suivre, et l’étalement pourrait menacer les régions protégées. La faune pourrait être repoussée plus loin ou entrer en concurrence avec les nouveaux développements. Dans les cas extrêmes, l’augmentation des contacts entre l’homme et la nature pourrait, de manière perverse, accroître le risque de transmission de certains virus entre les espèces.


Gouvernance

Gouvernance d’anticipation : progression en silos ou innovation globale?

De nombreux observateurs affirment que le manque de préparation à la pandémie était un échec de la gouvernance. En 2015, le fondateur de Microsoft, Bill Gates, a prononcé un discours sur le manque de préparation à une pandémie. En 2018, les organismes de sécurité sanitaire ont effectué des simulations complexes de pandémies à propagation rapide et l’Organisation mondiale de la santé a mis en garde contre le risque croissant d’une pandémie importante.

Même avec les données les plus complètes, et sachant qu’une crise sanitaire émergeait en décembre, les gouvernements à travers le monde ont attendu en moyenne un mois et demi après le premier cas signalé pour prendre des mesures énergiques telles que des mesures de verrouillage.

On dit souvent que les humains ont la mémoire courte. Cependant, après des événements traumatisants, les souvenirs peuvent être plus longs. Les Canadiens pourraient surveiller de plus près si les gouvernements se préparent mieux à la « prochaine fois » qu’une grande perturbation se produit. En conséquence, les gouvernements pourraient être appelés à mettre en place des systèmes plus solides de prévision, de gouvernance anticipée et de prise de décision.

La nature complexe de risques exponentiels, tels que les épidémies, les cyberattaques à grande échelle ou les crises financières exigent de la part des différentes branches des gouvernements qu’elles collaborent et coordonnent leurs efforts. Nous pourrions voir une augmentation marquée des efforts pour créer une résilience systémique et renforcer les structures de gouvernance d’anticipation.

Démocraties libérales : un glissement vers l’autoritarisme?

Les crises telles que les pandémies entraînent des réactions extraordinaires des gouvernements, qui amplifient souvent l’autorité de l’État aux dépens des libertés civiles. Cela génère une incertitude critique sur la santé de la démocratie et la croissance potentielle de l’autoritarisme dans un monde post-pandémique.

En réponse à la COVID-19, les régimes autoritaires ont consolidé ou étendu leurs pouvoirs. Les États démocratiques ont également pris des mesures pour restreindre les mouvements et les rassemblements de citoyens, tout en déployant de nouvelles technologies pour mettre les citoyens sous surveillance. Dans certains cas, la surveillance a provoqué des troubles sociaux exprimés en termes de résistance à la tyrannie de l’État. Ces troubles pourraient s’amplifier, même dans les pays ayant une forte tradition de confiance et de déférence. Elle pourrait se produire si la pandémie persiste ou si les intrusions dans les libertés civiles ne sont pas réduites à mesure que la crise s’atténue. Ces évolutions pourraient revitaliser l’engagement des citoyens en faveur du contrôle et de la participation démocratiques, mais pourraient également rendre plus attrayants les mouvements populistes antisystèmes.

De même, les publics démocratiques peuvent considérer les actions des États autoritaires comme des réponses plus efficaces à la COVID-19. Ils peuvent également apprécier les mesures de type autoritaire de certains gouvernements démocratiquement élus. Si tel est le cas, ils pourraient accepter une diminution des libertés civiles. Cela pourrait affaiblir les démocraties fortes et pousser certaines démocraties plus faibles dans le monde au bord de l’effondrement.

Les élections à l’ère de l’éloignement physique sont une autre question importante. La première reprogrammation d’élections a déjà eu lieu, ce qui peut être une pente glissante pour les démocraties.

Contrat social et surveillance : à quel point les citoyens seront-ils prêts à échanger leurs données personnelles et leur vie privée contre leur sécurité collective?

La société de surveillance s’est développée depuis des décennies. En réponse, une vision très individualiste de la vie privée a été avancée pour protéger contre les intrusions gouvernementales ou privées. La pandémie de COVID-19 pourrait changer cette dynamique. Les citoyens accepteront-ils, ou même exigeront-ils, de nouvelles mesures de surveillance pour limiter le risque de nouvelles épidémies? Une fois introduites, les mesures de surveillance ont tendance à rester en place.

Pendant et après la pandémie, la question n’est peut-être plus de savoir « si nous devons vivre dans une société de surveillance ». Elle pourrait plutôt être « qu’est-ce qui fait une bonne société de surveillance qui convient à une société démocratique ouverte? » Jusqu’à présent, le débat sur la vie privée s’est concentré sur la question de savoir si les individus peuvent « contrôler » leurs informations personnelles. Il peut se déplacer vers les conditions générales qui seraient fixées pour les grands systèmes d’analyse de données qui fonctionnent en arrière-plan.

Ces changements pourraient nous obliger à mener un débat plus nuancé et moins idéologique sur les avantages sociaux relatifs de la vie privée et de la surveillance. De nouvelles méthodes de collecte et de traitement des données, allant des fiducies de données aux réseaux maillés, en passant par le cryptage et les systèmes d’anonymisation, pourraient offrir une série de nouvelles options. Le respect de la vie privée et la surveillance ne sont pas toujours mutuellement exclusifs.

La pandémie rend ces questions pratiques et urgentes. Emirates Airlines effectue déjà des tests sanguins de dépistage de la COVID-19 sur les voyageurs. Quels systèmes permettront de gérer le potentiel d’extraction d’énormes quantités d’informations génétiques et épigénétiques à partir de ces mêmes échantillons? Les gouvernements en Asie et même dans les pays occidentaux utilisent déjà d’autres moyens pour assurer la surveillance de la santé publique. Il s’agit par exemple des données des téléphones portables, des images de vidéosurveillance, de la reconnaissance faciale, des points de contrôle de la température, des réservations de voyage, des dossiers financiers, des médias sociaux et même des drones.

Au-delà des questions relatives à la surveillance de la santé publique, la question plus générale tourne autour de la manière dont les données issues de la surveillance pourraient affecter les chances de chacun et chacune. Les citoyens des démocraties peuvent se rapprocher de l’acceptation de restrictions à leur mobilité sur la base d’informations sur leur statut infectieux. Dans ce cas, les entreprises, les employeurs et d’autres individus pourraient-ils évaluer et traiter les individus en fonction de leurs indicateurs de santé personnels partageables?

Solidarité sociale : la pandémie entraînera-t-elle une mobilisation porteuse de réponses efficaces aux grands problèmes sociaux?

Des réponses efficaces à une crise telle que la pandémie de COVID-19 nécessitent une mobilisation des ressources économiques et sociales au niveau national. Ceci, à son tour, exige des niveaux extraordinaires de solidarité et de coordination entre le gouvernement, l’industrie et les citoyens. Les résultats d’une telle mobilisation et son impact sont incertains.

La réussite pourrait inspirer une croyance répandue selon laquelle une mobilisation nationale ciblée peut résoudre des problèmes complexes persistants. En même temps, une telle croyance pourrait saper la confiance dans les solutions du marché libre. Cela pourrait inciter les mouvements populaires à exiger des gouvernements qu’ils s’attaquent aux problèmes chroniques, tels que l’inégalité, la réconciliation ou le changement climatique. Ces groupes pourraient exploiter la même énergie que celle déployée au plus fort de la pandémie de COVID-19. En même temps, un succès contre la COVID-19 pourrait encourager les gouvernements à améliorer leurs relations avec les citoyens.

Gouvernance électronique : phase de prototypage rapide à grande échelle

Les rassemblements étant considérés comme un risque pour la santé publique, les parlements — qui réunissent des centaines de personnes dans une même pièce — ont repensé leur mode de fonctionnement. La transformation numérique de l’appareil gouvernemental sera essentielle, tout comme la manière dont les parlementaires interagissent avec leurs électeurs. Les nouvelles technologies peuvent améliorer l’engagement du gouvernement avec tous les secteurs de la société canadienne, de tous les coins géographiques, y compris les communautés vulnérables. Cela pourrait permettre la co-création d’initiatives et de politiques sociales et économiques essentielles. En plus de faciliter l’accès aux parlementaires, par exemple, les technologies électroniques pourraient aider les citoyens à prendre part à la politique publique et au débat démocratique, tout en préservant le principe de la confiance du Cabinet.

La pandémie a également forcé une évolution rapide vers des méthodes de prise de décision en ligne, un processus dont on prévoyait autrefois qu’il prendrait des années plutôt que des jours. Cette période peut être considérée comme une phase de prototypage rapide de la gouvernance en ligne à grande échelle. L’expérience pourrait créer des demandes d’investissements durables dans des technologies numériques innovantes et leur mise en œuvre. Ces dernières devraient renforcer la résilience de l’économie et de la prestation de services publics.

Une connectivité et un partage de données ininterrompus pourraient aider les gouvernements à offrir une expérience citoyenne sans faille. Alors que de plus en plus de services aux citoyens sont mis en ligne, les préoccupations en matière de cybersécurité prennent de l’ampleur.

Fédéralisme fiscal : le gouvernement fédéral en tant que bailleur de fonds et garant de dernier recours?

Le gouvernement fédéral pourrait être contraint d’être le prêteur de dernier recours dans les multiples secteurs touchés par la pandémie. L’énergie, les voyages et l’hôtellerie, ainsi que les industries de services, sont particulièrement touchés. D’importantes institutions culturelles, telles que les sites artistiques et les organisations sportives, sont également vulnérables. Les voyages internationaux d’affaires et de tourisme pourraient prendre beaucoup de temps pour revenir; s’ils le font, ils pourraient se situer à des niveaux nettement inférieurs. D’autres secteurs pourraient ne jamais revenir de la même manière.

Les villes peuvent avoir besoin d’être renflouées, et les municipalités demandent un financement fédéral d’urgence. Les comportements adoptés pendant la crise, par exemple les réunions virtuelles et les achats en ligne pour l’épicerie, pourraient se poursuivre après la fin de la pandémie. Cela aurait des effets négatifs importants sur les espaces commerciaux et de vente au détail, les infrastructures urbaines et les transports publics, qui sont des sources importantes de revenus et d’investissements pour de nombreuses villes et qui soutiennent un grand nombre de personnes dans l’économie secondaire.

Étant donné l’ampleur de la crise, les gouvernements provinciaux pourraient également être incapables d’absorber seuls les coûts et les besoins d’emprunt. Les provinces sont légalement responsables de leur propre dette. Toutefois, les marchés obligataires peuvent supposer que le gouvernement fédéral est, en pratique, un garant.

Les nouvelles demandes des provinces pour soutenir les industries concentrées à l’intérieur de leurs frontières pourraient changer la dynamique de la péréquation fédérale. Cela pourrait à son tour remettre en question les hypothèses sur le fonctionnement du fédéralisme fiscal. La crise de la COVID-19 pourrait constituer un tournant décisif pour l’économie, la politique et le fédéralisme fiscal au Canada.

Confiance envers le gouvernement : les citoyens continueront-ils de percevoir leur gouvernement comme une source de soutien et d’autonomie?

Au Canada, la confiance dans le gouvernement (ainsi que dans les experts médicaux et les scientifiques) semble s’être accrue au cours des premiers mois de la pandémie. Les crises majeures exigent des gouvernements qu’ils prennent des mesures extraordinaires ayant des conséquences sur la santé des citoyens et sur leur situation économique et sociale. Une communication ouverte et des réponses politiques efficaces pourraient continuer à renforcer la confiance de la population dans le gouvernement. Toutefois, des échecs importants dans l’un ou l’autre domaine auraient presque certainement l’effet inverse.

À un moment donné, les mesures temporaires de soutien et de relance du gouvernement se dénoueront. Mais à mesure que la science clarifiera la trajectoire du virus, il pourrait y avoir de nouvelles vagues d’arrêts pour des raisons de santé publique. Une période difficile et interrompue de redémarrage de l’économie pourrait créer des difficultés pour la prise de décision, la communication et la confiance dans le gouvernement.

La confiance devra être entretenue et gagnée. La politique du blâme pourrait dégrader le respect des citoyens pour les décideurs publics. Enfin, une insécurité prolongée pourrait rendre les populations plus vulnérables à la désinformation sur la pandémie et saper l’engagement en faveur du bien commun.

À plus long terme, les changements de confiance dus à la COVID-19 créent des incertitudes critiques dans plusieurs domaines. Il s’agit notamment de l’engagement des citoyens dans les processus et institutions démocratiques, de leur orientation vers les autorités de la connaissance, et même de leur adhésion continue au contrat social. Ces changements ont de profondes conséquences sur la santé de la démocratie et la solidarité sociale.


Gouvernance internationale

Leadership international : concurrentiel, collaboratif, ou fragmenté?

L’ordre international fondé sur des règles (OIFR) et les institutions multilatérales étaient déjà sous pression avant la pandémie. Leur avenir était très incertain et discutable. Seront-ils rafistolés pour maintenir l’ordre ancien, abandonnés ou adaptés? Ou bien de nouveaux types de collaboration et d’accords efficaces verront-ils le jour? Toutes ces options sont encore plausibles, mais la pandémie et ses conséquences ont accéléré le débat.

De nombreux observateurs notent que le concept de l’OIFR pourrait être ébranlé de manière irrémédiable à cause de la COVID-19. Après tout, il n’a pas tenu ses promesses dans une situation qu’il était dans l’intérêt de tous de résoudre partout. La confiance entre les nations et dans le système multilatéral a été brisée au milieu de la crise.

L’idée d’une alliance entre des nations partageant les mêmes idées pourrait se concrétiser en tant qu’alternative à une organisation multilatérale. Les réponses disparates à la pandémie révéleront les différences de valeurs entre les cultures et les grandes économies. Différents pays définiront différemment leurs stratégies de sortie, avec des motivations sous-jacentes différentes. Certains mettront davantage l’accent sur l’impératif économique. D’autres mettront l’accent sur l’impératif de santé publique. D’autres encore mettront l’accent sur l’impératif d’autonomie.

Néanmoins, une collaboration internationale renouvelée — même sous une forme adaptée — est possible. Le succès dépendrait de la présence d’un leadership légitime qui souhaite collaborer. Ce leadership est apparu dans des circonstances tendues, comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et à la fin des années 1980 entre les États-Unis et l’ex-Union soviétique. Les prochaines élections dans les économies clés fourniront des indications sur la possibilité d’une collaboration pragmatique.

Le leadership mondial sera-t-il à la hauteur du défi? Sa décision aura de profondes conséquences sur tout, depuis le mouvement des personnes et la refonte des chaînes de valeur jusqu’au potentiel d’action collective sur d’autres problèmes mondiaux tels que le changement climatique.

Contrôler le vaccin et/ou le traitement : qui possédera le meilleur vaccin ou traitement, et que demanderont-ils en retour?

Si un vaccin ou un traitement sûr et efficace peut être développé et fabriqué à l’échelle, le contrôle de sa propriété intellectuelle et de son processus de fabrication peut temporairement conférer aux partenaires du secteur privé et au pays d’origine un pouvoir important. Compte tenu du coût et de la complexité de la vaccination de populations entières (encore compliquée par l’éloignement physique et les environnements médicaux hautement protecteurs), la propriété d’un vaccin approprié permettrait à une nation, un partenariat ou une entreprise privée d’exercer une influence sur la manière, le moment, le lieu et la personne à qui le vaccin est administré.

Au niveau national, un pays qui réussit à développer un vaccin et/ou un traitement sûr et efficace est susceptible de l’administrer d’abord à ses propres citoyens. Cela lui procurerait un avantage économique, car il pourrait protéger ses industries et ses chaînes de valeur nationales contre de nouvelles perturbations et permettre à ses citoyens de voyager largement pour leurs affaires.

En termes de relations géopolitiques et géoéconomiques, l’accès au vaccin ou au traitement pourrait être utilisé comme un levier, faisant ainsi pencher les relations internationales à l’avantage du pays d’origine. Il pourrait réformer les organisations internationales, négocier des concessions dans les accords commerciaux et les accords de sécurité, ou permettre l’accès à des biens ou à un territoire litigieux.

Plus longtemps le vaccin ou le traitement d’un pays reste l’option la plus sûre et la plus efficace, plus il en résulte un pouvoir accru.

Qui pourrait en fin de compte produire et fabriquer un vaccin et/ou un traitement approprié, et quelles normes et règles s’appliqueront à la manière dont ils contrôlent et partagent la formule, les capacités de production et la distribution? Comment chercheront-ils à tirer profit du vaccin et/ou du traitement dans d’autres domaines tels que la propriété intellectuelle? Des alternatives émergeront-elles rapidement pour compenser un monopole qui pourrait affecter les relations géopolitiques et les institutions internationales?

COVID-19 : qui sera tenu responsable, et de quoi?

Partout dans le monde, on continue à attribuer la responsabilité de la pandémie de COVID-19, qui est liée à un réseau complexe de relations diplomatiques et économiques internationales. Plusieurs initiatives dans différents pays étudient comment tenir la Chine pour responsable des pertes de vies humaines et des retombées économiques. Citons par exemple l’action collective intentée aux États-Unis et son corollaire, la COVID-19 Accountability Act (Loi sur l’imputation des responsabilités liées à la COVID-19, NdT) et l’examen indépendant proposé par l’Australie pour déterminer les origines de la pandémie. Les développements et leurs résultats finaux peuvent être déterminants pour les futures relations commerciales, les résultats des élections et la cohésion sociale.

Les effets des diverses enquêtes et mesures de responsabilisation se font déjà sentir, alors que les négociations s’intensifient entre les dirigeants mondiaux. Les ambassades du monde entier s’efforcent de consolider la position de leur pays hôte. Le langage utilisé dans les conversations sur les négociations commerciales est devenu de plus en plus hostile, à mesure que des menaces de mettre fin aux relations existantes et des propositions de sanctions sont introduites pour imposer des coûts de responsabilisations.

L’avenir de l’Internet : La désinformation et les problèmes de sécurité vont-ils conduire à un éclatement de l’Internet?

La dynamique internationale et nationale de la pandémie de COVID-19 a favorisé un contrôle national accru des biens essentiels. La gestion des hôpitaux et des systèmes de santé, le contrôle de la production d’ÉPI et de ventilateurs, et la surveillance des chaînes d’approvisionnement critiques ont tous été des caractéristiques de la crise.

L’internet est un autre exemple de contrôle national accru. L’importance croissante des réseaux numériques pour l’éducation, l’activité économique et, surtout, la communication de l’information aux citoyens amène certains pays à exercer un contrôle beaucoup plus important sur les réseaux de communication nationaux. Lorsque l’ampleur de la pandémie est devenue évidente en février 2020, le Politburo chinois a appelé à une gestion et un contrôle accrus des médias en ligne. En mai 2020, la Maison Blanche a rédigé un décret visant à limiter la protection juridique que la loi fédérale américaine offre aux médias sociaux, ce qui permet aux régulateurs de tenir plus facilement les plateformes responsables de la limitation de la liberté d’expression des utilisateurs.

La menace de « l’éclatement » du web va au-delà de la nouvelle réglementation sur les contenus. La « Grande muraille pare-feu » de Chine est une combinaison de réglementations et d’interventions techniques qui régulent le trafic entrant ou sortant du pays, et elle fonctionne sous diverses formes depuis la fin des années 1990. Plus récemment, le gouvernement russe a mis en place des contrôles au niveau juridique et au niveau des infrastructures pour régir directement les flux de données et d’informations dans le pays.

Ces types de contournements nationaux visent à ajouter des moyens de contrôle aux protocoles ouverts de l’Internet mondial. À mesure que de nouvelles architectures cybernétiques apparaissent pour faire face à l’évolution des besoins en matière de sécurité, de dispositifs et de communication dans le monde numérique post-pandémique, il est possible que les nouveaux protocoles Internet accordent plus de pouvoir aux États autoritaires pour surveiller et contrôler leurs citoyens. Par exemple, la proposition de « nouveau protocole Internet » de Huawei à l’Union internationale des télécommunications pourrait accélérer l’émergence du « scinternet » ou « splinternet » en anglais, qui est un éclatement de l’Internet mondial en réseaux nationaux et régionaux. Une telle éventualité pourrait introduire de nouvelles frictions dans la circulation des données et des services numériques, et avoir un impact sur le commerce et sur la nature de la prochaine économie numérique.

L’étendue de l’attention portée aux politiques : que restera-t-il pour les autres enjeux?

L’attention mondiale se concentre actuellement sur la gestion des conséquences sanitaires, sociales et économiques immédiates de la pandémie. Cependant, cette attention peut négliger d’autres situations sensibles qui pourraient se transformer en crises majeures, ainsi que la possibilité que d’autres risques en cascade apparaissent. Au niveau national, les catastrophes naturelles qui menacent les communautés déjà touchées par la pandémie de COVID-19 pourraient aggraver les menaces sociales, psychologiques et physiques de manière dévastatrice.

2. Utiliser la prospective pour élaborer les politiques en période de grande incertitude

La pandémie de COVID-19 a bouleversé le monde entier. Les conséquences directes sur la santé, les répercussions économiques, politiques et environnementales qui en découlent, ainsi que les répercussions sociales de cette maladie demeurent inconnues. En date de juillet 2020, les gouvernements, les experts et les populations tentent encore de comprendre le virus et sa trajectoire, et un grand nombre d’initiatives sont en cours dans l’espoir de découvrir des vaccins et des traitements. Même si nous faisons des progrès, nous nageons encore en pleine incertitude sur la manière dont la situation évoluera et sur ce que cela signifiera pour nous en rétrospective.


Comment réfléchir à l’avenir?

En tant que décideurs politiques, nous devrions envisager l’avenir de différentes façons. Nous devrions tenir compte à la fois du paysage politique changeant et des répercussions des décisions stratégiques des gouvernements sur l’avenir.

Quels avenirs devons-nous anticiper?

Il pourrait être tentant d’imaginer que la pandémie est un « obstacle isolé sur la route » et que nous retournerons à la réalité pré-COVID-19 ou encore, que nous nous retrouverons dans un avenir prévu, que nous avons anticipé en fonction de tendances bien comprises avant que la pandémie frappe.

Toutefois, les gouvernements qui font preuve de prudence ne gagent pas tout ce qu’ils ont sur la chance que les résultats soient ceux qui étaient attendus. Ils se préparent plutôt pour une vaste gamme de scénarios plausibles pour éviter de se retrouver dans des situations de changement radical qu’ils n’étaient pas préparés à gérer. Certains signes indiquent que l’avenir sera très différent de celui que la plupart avaient anticipé avant la COVID-19. De tels scénarios pourraient exiger de nouveaux outils politiques, de nouvelles approches et de nouvelles façons de penser. Même si le gouvernement est en mesure d’augmenter la capacité des outils au besoin, pendant une crise, le risque d’échec augmente si les outils politiques et les solutions doivent être inventés, adaptés et mis à l’échelle simultanément. C’est pourquoi la prospective est cruciale.

Les décideurs doivent réfléchir sur :

  • les changements que l’on pourrait observer à moyen et long termes qui remettent en question nos hypothèses et nos outils politiques;
  • les paysages politiques et les scénarios hautement perturbateurs auxquels nous pourrions faire face;
  • les répercussions politiques de ces scénarios (c.-à-d., défis, goulots d’étranglement, pénuries, nouveaux besoins et capacités);
  • si les hypothèses politiques qui guident la prise de décisions sont crédibles, doivent être explorées davantage ou sont vulnérables;
  • si la trousse d’outils politiques est en mesure d’aborder des scénarios très différents;
  • les options de réponse qui pourraient produire les résultats désirés compte tenu du paysage qui a changé.

Quel avenir créons-nous?

Le gouvernement n’est pas un participant passif en vue de l’avenir; ses décisions façonnent l’avenir.

Nous pouvons envisager de retourner au « statu quo », ou déterminer si ce modèle ne convient pas à la situation ou n’est pas souhaitable. Voulons-nous transformer et créer un avenir plus souhaitable? Si tel est le cas, à quoi ressemble cet avenir?

Nous pouvons aussi réfléchir à la manière de bâtir un système plus résilient, dans lequel les différents systèmes économiques, sociaux, politiques et environnementaux s’appuient mutuellement et peuvent résister aux chocs. Nous devrions examiner à quoi pourrait ressembler un système résilient et ce qu’il signifierait sur le plan des résultats et des compromis.

Les décideurs devraient tenir compte de ce qui suit :

  • les scénarios qui pourraient se produire, de sorte que nous puissions travailler en vue d’une vision partagée de l’avenir;
  • les secteurs et les priorités qui doivent être développés pour atteindre cette vision;
  • comment travailler à travers les domaines pour créer cette vision et faire des choix.

Vous trouverez ci-dessous des outils de prospective et des idées qui illustrent comment vous pouvez utiliser les forces motrices pour votre travail, et appliquer la prospective de manière structurée à vos processus.


2.1 Travailler avec des scénarios

La réflexion au moyen de scénarios nous aide à envisager différents avenirs. Elle nous permet de formuler des hypothèses claires à propos de l’avenir, de tenir compte des perturbations et de nous engager dans un processus d’apprentissage social, tout en évitant la pensée de groupe et les perspectives polarisées ou fragmentées. La réflexion au moyen de scénarios nous aide aussi à poser les bonnes questions pour nous préparer à une variété d’avenirs. Les scénarios sont conçus pour un intervenant particulier et pour un but déterminé.

Les scénarios dans cette section sont utilisés à des fins d’illustration, et ils ont été élaborés dans le cadre d’une collaboration particulière. Ils ne doivent pas être considérés comme des scénarios officiels conçus pour aborder la COVID-19.

Horizon temporel d’un avenir différent

Même si un retour à la normale (à la réalité pré-COVID-19 ou à un avenir qui avait été anticipé avant la pandémie en fonction des changements connus) est possible, il semble peu probable (consulter l’encadré intitulé « Aucun retour rapide à la normale »).

Il pourrait être prudent de planifier pour un avenir dans lequel les Canadiens et leurs gouvernements pourraient vivre :

  • une phase d’urgence continue, qui pourrait persister avec des recrudescences épisodiques pendant deux années ou plus;
  • une phase prolongée de perturbations, dans laquelle nous vivons les conséquences à long terme de la pandémie, y compris des perturbations économiques, sociales et géopolitiques accélérées et continues;
  • l’émergence éventuelle d’une nouvelle « normalité », qui pourrait être très différente de l’avenir que bon nombre de personnes pourraient avoir anticipé avant la pandémie.

Le fait de réfléchir au paysage politique de l’avenir ainsi facilite la prospective, la planification d’urgence et la vision. Nous pouvons l’utiliser pour poser trois séries de questions, en travaillant à rebours à partir de l’avenir le plus lointain :

  1. Quelles sont les différentes visions de l’avenir le plus lointain qui sont plausibles? Lesquelles devrions-nous viser, ou tenter d’éviter? (voir la section sur la Pensée visionnaire)
  2. Quelles sont les réponses politiques qui pourraient nous aider à réaliser les visions plus souhaitables d’une nouvelle normalité?
  3. Quels sont les demandes, les défis et les possibilités supplémentaires qui pourraient se présenter aux gouvernements pendant l’urgence initiale? Quelles décisions pouvons-nous prendre pendant l’urgence pour nous préparer à d’autres perturbations?

Même si la perturbation attribuable à la pandémie est limitée et nous vivons un retour rapide à la normale, la planification en vue d’une perturbation prolongée pourrait être utile afin de permettre aux gouvernements de cerner les défis et les possibilités. L’exploration du potentiel pour une perturbation continue constitue ainsi une approche robuste à l’égard de l’analyse et de la planification des politiques, peu importe la trajectoire ultime de la pandémie.

Aucun retour rapide à la normale

Une hypothèse politique pourrait être que le pire est derrière nous et que le virus pourra bientôt être géré et ensuite, entièrement évitable; l’économie rebondira dans le cadre d’une « reprise en V » ou au moins une « reprise en U » gérable; la vie retourne à la normale, mais avec quelques changements mineurs, et nous faisons face à une dette publique accrue en raison des dépenses d’aide temporaire. Bien que ce scénario soit possible, plusieurs raisons le rendent improbable :

  • En date de juillet 2020, la mise au point d’un vaccin ou de traitements demeure incertaine et la gestion fructueuse de la pandémie à l’aide de mesures non pharmaceutiques est fragile.
  • Les économies, les sociétés et l’ordre géopolitique étaient déjà au cœur d’une transformation avant que la pandémie ne frappe. Notre réponse au virus et à la pandémie semble accélérer bon nombre de ces changements, plus particulièrement en ce qui a trait au télétravail, à l’automatisation, aux habitudes de consommation, au nouvel ordre géopolitique et à la vie sociale numérique.
  • En date de juillet 2020, nous n’avons pas encore vu toutes les conséquences de la mise en suspens de nos économies et de nos habitudes sociales. Ces ramifications pourraient avoir un effet boule de neige au cours des prochains mois, particulièrement si ces conditions persistent.

L’expérience de la pandémie pourrait changer la compréhension qu’ont les Canadiens de leurs conditions sociales, économiques et environnementales. Elle a révélé des faiblesses dans de nombreux systèmes, comme les soins de longue durée pour une population vieillissante croissante. Les inégalités qui influencent les résultats sur le plan de l’éducation, de la santé et de l’économie pour les citoyens ont été exposées. Certains de nos principaux secteurs économiques, plus particulièrement le commerce au détail physique et le pétrole et le gaz, doivent affronter des vents de face de plus en plus forts et peut-être même permanents. Et des systèmes tels que la garde d’enfants et le développement de la petite enfance se sont révélés cruciaux au fonctionnement de presque tous les aspects de la vie.

Les grandes transitions et les incertitudes critiques éclairent les scénarios de rechange plausibles

Nous pouvons utiliser les forces motrices indiquées dans la section précédente pour élaborer des scénarios de rechange auxquels nous pourrions être confrontés. Vous trouverez ci-dessous certaines des incertitudes les plus importantes dans différents domaines. Leur façon de se manifester donnera lieu à des avenirs très différents pour lesquels nous devons être préparés.

  • Dans le domaine de la santé, serons-nous en mesure de contrôler le virus sur le plan médical? Si un vaccin ou un traitement est mis au point, qui en sera le détenteur, comment y aura-t-on accès, et qui y aura accès?
  • Dans le domaine économique, l’incertitude se poursuit alors qu’une reprise en V semble de plus en plus improbable, et à plus long terme, les chaînes d’approvisionnement pourraient faire l’objet d’importantes restructurations. Au-delà des conséquences économiques de la pandémie elle-même, les perturbations entraînées par la Prochaine économie numérique pourraient être susceptibles de s’accélérer.
  • Dans le domaine social et socioéconomique, un manque d’interventions ciblées pourrait entraîner un risque élevé de problèmes de santé mentale, une augmentation des inégalités, une diminution de la cohésion sociale et des fractions générationnelles croissantes.
  • Dans l’espace environnemental, la pandémie de COVID-19 pourrait grandement influencer la manière pour les sociétés de repenser leur position sur l’environnement. Sinon, le lien entre la pandémie et l’environnement pourrait bien ne faire l’objet d’aucun examen.
  • En matière de gouvernance, de nombreuses questions entourent la nature et le rôle futurs des gouvernements, alors que les tendances pré-COVID-19 liées à l’ordre international semblent s’accélérer.

Explorer différentes combinaisons de transitions et d’incertitudes critiques

Explorer différentes combinaisons de ces transitions et incertitudes critiques peut nous aider à mieux comprendre ce qui pourrait se produire, à être mieux préparés et à éviter les réactions impulsives lorsqu’elles se produisent. Elle nous aide à examiner nos hypothèses de planification.

Dépendant de votre domaine politique, vous pourriez explorer des scénarios tels que :

  • Qu’arrivera-t-il s’il existe un vaccin ou un traitement pour contrôler le virus sur le plan médical, et le pays qui en est le détenteur se concentre sur son propre bien-être (c.-à-d., à le fournir d’abord à ses citoyens, ou à en retirer des avantages financiers)?
  • Qu’arrivera-t-il si les citoyens demandent un investissement du gouvernement pour la protection de l’environnement qui est équivalent à l’aide fournie pour la COVID-19, à un moment où la croissance économique est lente?
  • Qu’arrivera-t-il si la croissance des personnes sans emploi s’accélère et si la confiance envers le gouvernement s’érode?

Scénarios explorés avec le Réseau fédéral des praticiens de la prospective

L’encadré ci-dessous comprend trois scénarios de haut niveau que nous avons explorés avec notre Réseau fédéral des praticiens de la prospective pour mettre à l’essai les hypothèses politiques. Ces scénarios ne sont pas conçus pour prédire l’avenir, mais plutôt pour stimuler la réflexion sur ce qui est possible. Ils sont utilisés ici à des fins d’illustration, et ils ont été élaborés dans le cadre d’une collaboration particulière. Ils ne doivent pas être considérés comme des scénarios officiels conçus pour aborder la COVID-19.

Scénario 1 : Un monde dans lequel la santé publique s’est rétablie, mais pas l’économie

Ce scénario remet en question l’hypothèse selon laquelle l’économie rebondira rapidement dès que la pandémie pourra être gérée sur le plan médical.

Canada, 2023 : Sur le plan médical, la COVID-19 est entièrement gérable et ne constitue pas une grave menace. Au cours des dernières années, les taux de décès et les complications attribuables à la COVID-19 n’ont pas été extrêmes au Canada. Cependant, tandis que les dernières personnes infectées se rétablissent bien, ce n’est pas le cas pour l’économie. Le taux de chômage demeure élevé et le rétablissement économique complet, pourvu que ce soit possible, pourrait ne pas se produire avant le début des années 2030. Au cours des trois dernières années, le Canada a vécu une perturbation continue en raison de la COVID-19, par exemple, des résurgences, ainsi que des ouvertures et fermetures à l’intérieur des régions et au-delà des frontières. Cette situation a créé un environnement économique très incertain ainsi qu’une récession prolongée qui n’est pas répartie équitablement à travers les secteurs. Le commerce de détail hors ligne, les voyages et le tourisme, ainsi que le marché de l’immobilier commercial vivent des baisses sans précédent. Certains types de fabrication locale font un timide retour alors que les chaînes de valeurs évoluent pour résister aux chocs géopolitiques, mais les réductions des exportations se poursuivent. Les investissements en automatisation ont monté en flèche dans un effort pour devenir moins dépendants des humains pour la production et la distribution des biens et des services. Les travailleurs à faible revenu, les femmes, les Autochtones et les autres groupes vulnérables sont désavantagés de façon disproportionnée.

Scénario 2 : Un monde dans lequel un état d’urgence est la nouvelle normalité

Ce scénario remet en question l’hypothèse selon laquelle nous ne vivrons qu’une urgence à la fois, et que si nous nous penchons fermement sur le virus de la COVID-19, la situation sera réglée.

Canada, 2023 : Les Canadiens tentent de se relever de multiples urgences perturbatrices; la pandémie de COVID-19 qui demeure impossible à gérer sur le plan médical, et une série de catastrophes environnementales — de graves incendies de forêt et inondations — qui ont déplacé des parties de la population. Bon nombre de personnes ont vécu ces événements comme des traumatismes, entraînant ainsi une « pandémie sur le plan de la santé mentale ». La scène internationale est relativement volatile, donnant lieu à des chocs réguliers au commerce, aux prix des produits de base et aux voyages. La reprise économique, bien qu’elle progresse dans l’ensemble, est géographiquement inégale, avec des chocs soudains aux chaînes de valeurs. Le PIB est en hausse, mais le BEIB (bien-être intérieur brut) recule rapidement. Les principaux indicateurs de santé, notamment les taux de maladie chronique, se détériorent, même chez les personnes qui n’ont pas été touchées par le virus. Le taux de naissances est en baisse au Canada, et les taux de problèmes développementaux de cette plus petite cohorte d’enfants sont supérieurs à ceux de la période prépandémie. Les traumatismes et l’anxiété déforment les relations interpersonnelles et entre les groupes, affaiblissant les liens et les ponts qui soutiennent la cohésion sociale. Les travailleurs de première ligne et les chefs de file à travers tous les secteurs se sentent de plus en plus frustrés en raison de l’écart entre l’augmentation continue des connaissances sur le développement de la santé humaine et les piètres résultats. Les entrepreneurs et les petites entreprises ont du mal à survivre dans un environnement économique aussi volatile. On a entendu parler récemment d’histoires à propos de la possible existence d’un coronavirus chez les oiseaux qui pourrait muter et se transmettre aux humains, et qui serait beaucoup plus mortel que la COVID-19.

Scénario 3 : Un monde dans lequel les liens sociaux permettent une résilience à travers la crise

Ce scénario remet en question l’hypothèse selon laquelle une longue pandémie et une transition économique difficile nuisent à la vie sociale et aux institutions civiles.

Canada, 2023 : La pandémie s’éternise. L’expérience partagée de vulnérabilité et de coopération a favorisé un degré élevé de cohésion sociale et de solidarité au Canada. La confiance parmi les Canadiens et entre les citoyens et les institutions s’est renforcée. Cela aide les Canadiens à gérer une transition économique difficile et l’attente plus longue que prévu pour obtenir un vaccin ou un traitement efficace.

Les Canadiens sont devenus habitués aux innovations technologiques, comme les biocapteurs, les applications sur la santé et l’automatisation sans contact. Ils appuient les modèles de gouvernance des données qui génèrent des avantages pour le public sans pour autant exposer les particuliers au ciblage ou à la manipulation. L’acceptation accrue de la numérisation et de l’automatisation redéfinit l’éducation à tous les niveaux. Les entreprises passent à un modèle flexible où le télétravail est le mode par défaut. L’horaire variable, ainsi que le fait de placer le bien-être, la famille et les enfants au cœur des priorités procurent des niveaux de satisfaction plus élevés, malgré certains ajustements difficiles.

Le volontarisme a augmenté, et le fait de cultiver les relations avec la communauté joue un rôle plus important dans la vie sociale. Les Canadiens prennent part au long et difficile travail qui consiste à bâtir des systèmes sociaux et économiques résilients qui contribuent à régénérer plutôt qu’à dégrader les écosystèmes. Cet effort collectif multigénérationnel vers la réconciliation, la guérison et la restauration écologique fournit un sens profond qui rend les perturbations continues quand même tolérables. Les Canadiens espèrent émerger d’une période de transitions difficiles pour vivre de nouvelles formes de prospérité économique et sociale qui n’étaient pas accessibles avant la pandémie.


2.2 Détermination des incidences politiques

La réflexion à l’aide de scénarios perturbateurs peut nous aider à déterminer des incidences politiques (c.-à-d., défis, goulots d’étranglement, pénuries, nouveaux besoins et nouvelles capacités) auxquelles les institutions pourraient se préparer. En comprenant mieux les incidences politiques plausibles et difficiles, les décideurs peuvent réfléchir à la trousse d’outils politiques et vérifier si elle est adéquate dans le cadre de scénarios très différents.

Vous trouverez ci-dessous certaines considérations de politiques qui pourraient naître dans un environnement de perturbations continues plutôt que de retour rapide à la « normale ». Elles se concentrent sur les conséquences sociales, économiques et de gouvernance pendant une longue période de perturbation.

Ces incidences sont le résultat de nos recherches.

Gérer les perturbations accélérées de l’économie

La Prochaine économie numérique pourrait entraîner des défis et des possibilités plus vite que prévu. Avant la pandémie, les technologies numériques se combinaient déjà pour enclencher une importante transformation de l’économie. La pandémie et ses répercussions pourraient bien accélérer ce processus.

Nous pourrions constater une hausse rapide du chômage induit par la technologie. Le déploiement de l’automatisation et de l’IA pourrait s’accélérer, réduisant ainsi la dépendance sur les humains dans les chaînes de valeurs et les risques de transmission de maladies.

L’acceptabilité accrue du télétravail changera le lieu où le travail est accompli et par qui. La pandémie a servi, par inadvertance, de banc d’essai pour le télétravail, donnant aux institutions un aperçu de la manière de l’instaurer (pour en savoir plus, lisez notre rapport L’avenir du travail : L’endroit où les gens travaillent et gagnent de l’argent ne correspond pas nécessairement à celui où ils vivent et dépensent). Si les travailleurs d’entreprises canadiennes peuvent travailler efficacement à domicile, pourquoi ces entreprises embaucheraient-elles principalement des travailleurs au pays? Quelles sont les politiques qui pourraient aider les Canadiens à participer à l’économie du télétravail, alors qu’ils se battent contre des télétravailleurs qualifiés dans des pays où le coût de la vie est beaucoup moins élevé pour obtenir des emplois (ou accomplir des tâches)? De quels soutiens ou protections les Canadiens auraient-ils besoin s’ils vivent au Canada, mais travaillent pour des employeurs étrangers sur des plateformes à l’extérieur du pays? Comment les villes et les villages canadiens pourraient-ils attirer les télétravailleurs qui gagnent leur argent ailleurs, mais le dépensent localement? Comment les villes et les villages canadiens pourraient-ils attirer les télétravailleurs qui gagnent leur argent ailleurs, mais le dépensent localement? Quels sont les possibilités et défis qui se présenteraient si de grands nombres de télétravailleurs quittaient des villes où le coût de la vie est élevé pour s’établir dans des villages et des régions rurales plus abordables?

Le travail à domicile et le commerce de détail en ligne pourraient empirer les conséquences d’un ralentissement économique. La valeur de nombreux espaces commerciaux et de vente au détail pourrait baisser. Les secteurs de l’hébergement, du transport et de l’accueil pourraient aussi souffrir, alors qu’ils dépendent des voyages d’affaires et du tourisme international. Quels sont les volets d’actifs, de transactions ou de revenus qui retiendront une valeur imposable et appuieront les biens publics? Quelles sont les politiques qui pourraient permettre de réaffecter l’espace commercial et de vente au détail? Cela pourrait-il offrir de nouvelles possibilités pour se pencher sur l’itinérance et les bouleversements?

Les chaînes de valeurs canadiennes pourraient changer si les entreprises relocalisent les emplois et automatisent la fabrication. Les craintes de fermetures, les perturbations commerciales et la fragilité des longues chaînes de valeurs pourraient s’ajouter aux nouvelles technologies de fabrication pour faire revenir la production de biens au Canada. Quels sont les programmes et les politiques qui pourraient faciliter un secteur de la fabrication local et écosensible? La biologie synthétique et la fabrication additive pourraient-elles offrir des façons de fabriquer des produits à moindre coût, tout en limitant ou même en inversant les effets de la fabrication sur les écosystèmes locaux?

La pandémie ne sera terminée que lorsqu’elle le sera partout. La gestion des échanges et des voyages entre les régions et les pays affichant différents taux d’infection demeurera un défi sans fin. Prenons la frontière Canada–É.-U. : si la pandémie n’est pas contenue et la COVID-19 demeure plus prévalente aux États-Unis, comment le Canada s’adaptera-t-il pour maintenir les liens économiques et sociaux avec eux?

Certaines industries pourraient ne jamais rebondir pendant une période perturbatrice longue et turbulente, imposant ainsi certains choix difficiles. De nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) du secteur touristique pourraient faire faillite bien avant que la pandémie ne soit contrôlée. Quels sont les choix osés et difficiles qui pourraient contribuer à éviter cette situation?

Pendant une longue période de perturbation, les puissantes entreprises ou institutions privées pourraient demander des aides financières. Quels modèles de financement, et sous quelles conditions, pourraient permettre une transformation économique qui placerait le Canada dans une position favorable à l’avenir?

Une perturbation prolongée pourrait imposer des orthodoxies économiques post-Deuxième Guerre mondiale. De quelle manière les gouvernements pourraient-ils réagir à un changement de consensus à propos du rôle des marchés et de la politique économique? Une économie numérique accélérée pourrait-elle obliger les gouvernements à réviser leurs hypothèses — par exemple, que le but de la politique monétaire est d’empêcher l’inflation plutôt que la déflation? Quels sont les nouveaux modèles qui pourraient être mis en place pour éviter les conséquences telles qu’une augmentation de l’inégalité entre les sexes?

Une diminution du financement, jumelée à une aversion accrue au risque, pourrait entraîner des obstacles supplémentaires pour les femmes et les minorités visibles qui tentent de créer de nouvelles entreprises. Comment les responsables des politiques peuvent-ils travailler avec les institutions financières pour réduire les pratiques discriminatoires qui empêchent les femmes, les nouveaux arrivants et les minorités visibles d’accéder à des taux favorables et à des possibilités de financement?

Repenser les priorités sociales

Avant la pandémie, des changements dans les fonctions sociales — et dans une plus large mesure, dans les systèmes sociaux — étaient déjà en cours. La pandémie de COVID-19 a accéléré certains des changements, soulevant ainsi certaines questions entourant nos avenirs sociaux.

Une expérience partagée de la vulnérabilité aux perturbations et de l’appréciation de l’interdépendance pourrait établir la toile de fond pour repenser le contrat social. Il pourrait y avoir des pressions pour revoir l’entente de base entre le gouvernement, les particuliers, les entreprises, les travailleurs, les consommateurs et les groupes sociaux. Les façons dont les Canadiens et leurs institutions partagent les risques, protègent les vulnérables, éliminent les pratiques discriminatoires, répondent aux chocs, tissent des liens à travers les générations et encouragent l’innovation pourraient devoir changer. Les inégalités persistantes ainsi que de nouvelles sources d’insécurité économique et sociale pourraient aussi remettre en question les liens qui unissaient auparavant les différences et encourageaient les groupes à promouvoir la cohésion et cimenter un nouveau contrat social.

Certaines réponses à la pandémie pourraient créer un contexte encore plus difficile pour l’égalité des genres à l’avenir. De quelle manière les gouvernements peuvent-ils se pencher sur le fardeau disproportionné et les répercussions négatives qui touchent les femmes pendant les perturbations économiques, les fermetures d’entreprises et autres réponses en matière de santé à la pandémie? Quelles sont les conséquences politiques, économiques et sociales qui pourraient se produire à la suite d’un ralentissement marqué du lent progrès durement gagné des femmes sur le plan de l’inégalité des revenus et du travail non rémunéré? Le travail non rémunéré (comme de prendre soin des enfants ou de parents âgés) sera-t-il reconnu d’une manière qui permet aux femmes de conserver leur emploi et de poursuivre leur avancement professionnel?

L’accès aux réseaux et aux applications numériques sécurisés devient critique. Quel rôle l’accès sécurisé aux réseaux numériques jouerait-il dans un contrat social renouvelé? Quels nouveaux biens, droits ou avantages sociaux numériques pourraient émerger en tant qu’éléments centraux?

La pandémie offre une occasion de revoir notre contrat social sur la protection des renseignements personnels et l’information de nature sociale. Quelles données le gouvernement pourrait-il collecter et utiliser pour répondre rapidement aux besoins sociaux changeants pendant les pandémies? Quelles sont les nouvelles technologies et approches à l’égard de la gouvernance des données qui pourraient permettre d’exploiter pleinement les avantages collectifs des données, tout en protégeant les personnes contre la manipulation ou le ciblage?

Les divisions non résolues de la société peuvent menacer sa capacité de réagir en périodes d’adversité. De quelle manière le Canada pourrait-il poursuivre ses travaux sur la réconciliation pendant une urgence prolongée? Comment l’autochtonisation et une meilleure acceptation institutionnelle de la vision du monde des Autochtones pourraient-elles contribuer à la résilience et aux réponses à la perturbation?

Le contrat social intergénérationnel entre les jeunes et les aînés pourrait se détériorer alors que la pandémie se poursuit. Les études des jeunes canadiens et leur entrée sur le marché du travail sont perturbées par la réponse à une maladie qui a d’importantes répercussions sur la santé des personnes âgées. Que pourraient demander les jeunes Canadiens en retour, par exemple, en ce qui a trait à la dette étudiante, à l’aide aux études et à la transition sur le marché du travail, et au progrès sur leurs principales préoccupations, comme les changements climatiques?

La pandémie pourrait créer de nouvelles attentes sur la valeur et la dignité du travail qui a été qualifié d’essentiel. Les travailleurs essentiels ont porté l’économie sur leurs épaules et ont pris des risques supplémentaires pendant la pandémie qui se poursuit. À long terme, à quelles indemnités et quelle reconnaissance pourraient-ils s’attendre en retour?

Les perturbations persistantes à l’économie et à la vie sociale, et le stress qu’apporte la menace constante d’être exposé au virus pourraient entraîner une crise de santé mentale. Cette situation pourrait créer une pression pour fournir plus de soutien en santé mentale financé par le public. Elle pourrait aussi accélérer les efforts déployés depuis longtemps pour réduire les stigmates entourant les problèmes de santé mentale et le recours aux services de santé mentale. Les gouvernements pourraient aussi voir augmenter les appels de financement pour la recherche liée à la santé mentale, alors que les découvertes scientifiques en génomique, épigénétique, neuroscience et déterminants sociaux de la santé exposent le lien entre la santé mentale et la santé physique.

Une forte demande pour revoir l’aide sociale et le soutien du revenu pourrait émerger. La perturbation économique persistante et l’automatisation accrue pourraient-elles remettre en question la logique actuelle du soutien du revenu qui est largement concentré sur l’assurance contre les interruptions de travail? Quelles sont les autres options qui pourraient être envisagées pour les soutiens du revenu ou la fourniture de biens publics? Pourrait-on s’attendre que les programmes de soutien du revenu offrent un appui lors de vastes transitions économiques et environnementales? Les nouveaux groupes vulnérables financièrement touchés par la pandémie — p. ex., travailleurs et professionnels contractuels à revenus élevés dans des domaines tels que les voyages et l’accueil — exigeront-ils de nouvelles formes d’aide sociale?

Le rôle des ONG et du secteur de bienfaisance pourrait changer en raison d’une diminution du financement et des taux de participation. Bien qu’une société civile solide soit cruciale à la résilience de la communauté pendant des perturbations, elle est elle-même vulnérable. Le bénévolat pendant la pandémie est plus risqué, plus particulièrement pour les personnes âgées. Les dons de charité pourraient diminuer pendant longtemps en raison des inquiétudes financières. Quels outils le gouvernement pourrait-il utiliser pour appuyer ce secteur, plus particulièrement les plus petits organismes de bienfaisance au service des communautés marginalisées qui ne reçoivent aucune aide d’autres organismes?

Les conditions de vie des personnes âgées au Canada pourraient être grandement modifiées à la suite de la pandémie. Pendant une pandémie prolongée, les personnes âgées au Canada pourraient reporter leur retraite ou retourner sur le marché du travail pour subvenir à leurs besoins ou augmenter les revenus de leurs familles. Elles pourraient aussi voir leurs investissements et leur héritage économique baisser à un moment où elles en ont le plus besoin. La situation des soins de longue durée pourrait entraîner un stress et une souffrance considérables pour les personnes âgées malades. Les conditions de fin de vie — particulièrement dans les services de soins liés à la COVID-19 — pourraient raviver le débat sur le thème de mourir dans la dignité. Quelles options liées aux soins de longue durée pourraient émerger pour les personnes âgées au Canada? Comment leurs intérêts pendant une longue urgence — comme de maintenir la valeur d’actifs à prix élevé — pourraient-ils concurrencer les besoins des jeunes Canadiens qui peinent à s’établir? L’attention portée par les Canadiens plus âgés à leur héritage pourrait-elle entraîner des transformations importantes et des projets collectifs?

Bâtir une résilience systémique

La résilience pourrait devenir une des priorités politiques principales en période de perturbation continue et de tentatives de rétablissement après des chocs. Les systèmes résilients peuvent gérer de multiples perturbations. Le terme résilience utilisé ici englobe le concept « d’antifragilité », qui désigne comment les systèmes résilients peuvent non seulement survivre, mais en fait s’améliorer, plus ils sont mis à l’épreuve par un changement perturbateur. Les conséquences de la pandémie se sont répercutées à travers de nombreux systèmes (p. ex., service de garde d’enfants, commerce de détail, hôpitaux, chaînes d’approvisionnement), illustrant ainsi dans quelle mesure leur résilience est interreliée. En conséquence, le défi pour les décideurs politiques pourrait être : comment promouvoir la résilience de systèmes complexes interreliés?

De nouvelles aptitudes et de nouveaux mécanismes pourraient être requis pour bâtir des systèmes plus résilients. La pandémie a révélé l’ampleur de l’interdépendance systémique entre différents aspects de la société et a exposé dans quelle mesure la vulnérabilité de l’un pourrait nuire à l’ensemble du système. La société s’attendra à ce que les systèmes soient transformés pour être plus résilients aux futures pandémies ou à d’autres grands chocs. La plupart des institutions du gouvernement sont organisées pour cibler leurs forces, leurs tâches et leurs fonctions distinctes sur des objectifs particuliers au sein du portefeuille de leur ministre. Comment les institutions du gouvernement fédéral pourraient-elles viser une résilience interreliée de la meilleure façon qui soit? Quels sont les nouveaux outils, processus ou pouvoirs qui pourraient encourager les portefeuilles à viser l’atteinte de leurs objectifs mutuellement lorsque leurs responsabilités sont interreliées? Quelles compétences, quels acquis scolaires et quelles expériences supplémentaires pourraient aider davantage la communauté de politique à analyser et à concevoir des systèmes résilients?

La société pourrait commencer à voir les systèmes de base comme des « investissements » plutôt que des « coûts », ouvrant la voie à la possibilité d’accorder plus d’investissements aux offres publiques. Comment les gouvernements peuvent-ils lier l’impact de leurs investissements à long terme dans les systèmes de base (comme l’éducation et le développement de la petite enfance) à la résilience de l’économie? Y a-t-il d’autres endroits où des investissements stratégiques pourraient produire plus de résilience à long terme?

En portant une attention accrue à la résilience, l’ouverture à l’adoption de la vision du monde des Autochtones et de leur compréhension des systèmes complexes et reliés pourrait augmenter. Existe-t-il des possibilités de consultation et de développement conjoint avec les partenaires autochtones à l’intérieur du processus d’élaboration de politiques? Comment le gouvernement pourrait-il mettre en pratique le futurisme autochtone dans le cadre de ses travaux sur les politiques axées sur la résilience?

La résilience pourrait devenir un domaine important pour l’innovation et les possibilités d’investissement. Si la résilience est au cœur des préoccupations, les États, les sociétés et les entreprises pourraient profiter de possibilités d’investir dans les technologies, les applications et les modèles commerciaux qui se penchent sur les risques de perturbation systémique. Quels sont les programmes et les politiques qui pourraient placer les Canadiens en position d’innover et de fournir des solutions pour une résilience accrue tant au pays qu’à l’étranger? Certains secteurs particuliers, comme la sécurité alimentaire ou les systèmes de bio/d’écosurveillance, pourraient-ils être en forte demande? Pourrait-il y avoir des possibilités de tourner l’IA vers des projets très complexes pour bâtir des systèmes résilients interreliés? Où ces travaux pourraient-ils rejoindre l’innovation pour mettre au point des solutions contre les changements climatiques?

Les liens sociaux, qui sont essentiels à la résilience sociale, pourraient se détériorer considérablement si la pandémie perdure. Alors que le gouvernement déploie des services numériques et appuie les mesures d’adaptation à la distanciation physique, quelles seront les conséquences de ses programmes et politiques pour les liens sociaux? Comment pourrions-nous être à l’affût des causes non intentionnelles de l’érosion de la résilience sociale, de l’isolement ainsi que des modèles opérationnels et des comportements ponctuels qui dégradent les liens, minent la confiance et endommagent l’environnement social? Pendant et après les perturbations, quels sont les programmes, les politiques et les communications qui pourraient protéger les liens sociaux et contribuer à régénérer ceux qui ont été endommagés?

Les politiques protectionnistes à travers le monde, et le découplage partiel de grandes économies pourraient mettre à l’essai la résilience des systèmes canadiens. Quels sont les cadres juridiques et les capacités industrielles, agricoles, culturelles et d’infrastructure (dans les domaines physique et numérique) qui pourraient être nécessaires pour nous prémunir contre les futurs chocs aux chaînes d’approvisionnement mondiales et y répondre?

Pendant la convergence des technologies biologiques et numériques, la biorésilience pourrait bien être un nouveau point d’intérêt particulier de la politique. Par exemple, que pourrait nous enseigner cette pandémie qui évolue naturellement à propos des risques et des possibilités à grande échelle des agents biologiques mis au point?

Les domaines des sciences biologiques et sociales se développent rapidement, permettant de mieux comprendre comment les expériences négatives génèrent des traumatismes persistants pour créer des effets biologiquement mesurables à travers les générations. Les conclusions pourraient nous permettre de développer de nouveaux schémas de pensée à propos des interventions qui pourraient accroître la capacité des Canadiens de s’épanouir et de prospérer dans l’adversité, et de limiter les effets des traumatismes en périodes de perturbations économiques, de santé et sociales stressantes.

Évolution du fédéralisme et des rôles du fédéral

Des débats à propos des rôles de l’État dans l’économie et du modèle de fédéralisme fiscal ont fait surface pendant la pandémie, et pourraient persister dans un état de perturbations économiques qui se poursuit.

Pendant une longue perturbation, la société pourrait s’attendre du gouvernement fédéral qu’il soit automatiquement garant de la dette provinciale. De quelle manière la reconnaissance de ce rôle changerait-elle les relations fédérales-provinciales-territoriales? Quelles conditions (le cas échéant) pourraient s’appliquer pour que le gouvernement fédéral entre en jeu et fournisse cette garantie?

On pourrait s’attendre du gouvernement fédéral qu’il continue de couvrir bon nombre de risques et de pertes sociaux et opérationnels non assurés. Quelles pourraient être les conséquences pour le fédéralisme si le gouvernement commence à fournir une aide aux entreprises et aux ménages en difficulté qui ne s’inscrivent pas à l’intérieur des programmes actuels d’assurance-emploi et de développement économique?

Les municipalités pourraient vivre une « tempête parfaite », qui augmenteraient les demandes tant auprès des gouvernements provinciaux que du gouvernement fédéral. Pendant la pandémie et lors de périodes de perturbations prolongées, les municipalités pourraient être confrontées à des demandes de services accrues, malgré des baisses de revenus. Dans une situation de désastre, elles pourraient abandonner partiellement des actifs municipaux comme les transports publics, alors que moins de travailleurs les utilisent pour se rendre au travail et les services sur demande s’adaptent pour répondre aux besoins occasionnels en mobilité. Les restrictions sur les conférences, les événements et le tourisme pourraient limiter davantage les revenus potentiels. Quelles demandes supplémentaires le gouvernement fédéral pourrait-il recevoir pour appuyer les municipalités qui ont du mal à générer des revenus? Quels sont les nouveaux partenariats et les nouvelles possibilités qui pourraient en découler?

Création de sens en temps d’urgence

Recevoir des renseignements liés à la pandémie, les traiter et y réagir, tout cela dépend du résultat de la lutte entre des modèles fondés sur la science et d’autres modèles de création de sens. La pandémie a mis en lumière la division entre les modèles actuels de création de sens. Au fil des années, la tendance était de s’éloigner de la création de sens fondée sur la science, où la désinformation, un paysage médiatique fracturé, et une érosion des hiérarchies des connaissances traditionnelles étaient en jeu. La pandémie a permis à la science de revenir à l’avant-scène, et certains gouvernements ont réussi à mettre de l’avant leurs experts et scientifiques médicaux pour communiquer à propos de la compréhension du virus en constante évolution afin de mobiliser l’action collective. Quel modèle de création de sens prévaudra? Comment les gouvernements adapteraient-ils leurs méthodes de communication à la lumière du modèle dominant de création de sens? Comment le gouvernement favorisera-t-il la confiance?

Une campagne de vaccination pourrait bien être un test déterminant de l’époque pour la création de sens fondée sur la science. La désinformation du mouvement « anti-vaccins » a gagné du terrain grâce aux réseaux sociaux. Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre, quelques mois avant que le vaccin ne soit prêt, pour parvenir à un consensus et protéger l’environnement de création de sens contre la désinformation, la paranoïa et la polarisation?

La création culturelle pourrait diminuer à un moment où elle est nécessaire pour aider les Canadiens à donner un sens au changement. Les spectacles en direct et les événements artistiques pourraient continuer d’être annulés ou transformés pour s’adapter aux exigences de santé publique en constante évolution. Quelles sont les mesures d’aide et les politiques qui pourraient aider les industries culturelles et les créateurs au Canada à produire des œuvres qui contribuent à donner un sens aux perturbations qui nous ont touchés?


2.3 Mettre les hypothèses à l’essai

La réflexion sur les avenirs qui pourraient se concrétiser contribue à mettre à l’essai les hypothèses que les décideurs — consciemment ou inconsciemment — envisagent et utilisent pour guider les décisions stratégiques liées à la pandémie de COVID-19.

Il est utile de les rendre explicites et de les évaluer. Les hypothèses peuvent être considérées comme crédibles, incertaines ou vulnérables :

  • crédibles — elles sont robustes dans tous les avenirs. Elles peuvent être utilisées pour guider les politiques et la prise de décision.
  • incertaines — nécessitent plus de recherche, de débats et d’essais. Elles sont imprévisibles. Les résultats de leur utilisation pourraient apporter des surprises, des contradictions, des perturbations ou des répercussions que nous n’avons pas entièrement explorées.
  • vulnérables — elles sont inexactes, dépassées ou fausses et ne devraient pas guider les politiques et les décisions. Elles devraient être mises de côté ou révisées.

Les conversations peuvent explorer :

  • Si l’hypothèse ne tient pas, dans quelle mesure l’avenir pourrait-il être différent?
  • Quelles surprises ou quels défis en matière de politiques pourraient survenir dans cet avenir?
  • Comment pouvons-nous reformuler l’hypothèse pour la rendre plus robuste et utile dans le cadre de la planification?

Vous trouverez ci-dessous quelques-unes des principales hypothèses incertaines et vulnérables qui doivent être examinées :

  • Le changement progressif peut fournir des programmes sociaux justes, équitables et abordables après la pandémie
  • La croissance économique et les niveaux d’emploi retourneront éventuellement aux niveaux prépandémiques
  • Le gouvernement peut se fier à des sources de revenus traditionnelles comme les ressources pétrolières et naturelles
  • Les préoccupations en matière de santé publique peuvent être équilibrées avec les considérations économiques
  • Les mesures de stimulation traditionnelles seront efficaces pour accroître la demande
  • La société veillera à ce que les femmes ne soient pas désavantagées sur les plans économique et social (c.-à-d., en ce qui a trait à la responsabilité de la garde des enfants, au travail non rémunéré pour prendre soin des personnes âgées et des enfants, aux congés payés et non payés et aux conditions de travail)
  • Le filet de sécurité sociale est assez solide dans l’ensemble pour répondre aux attentes ou aux nouvelles circonstances
  • Les mêmes outils et stratégies politiques qui ont été utilisés pour nous permettre de passer à travers les récessions précédentes seront efficaces pour mettre fin à cette récession

2.4 Pensée visionnaire

Les visions, c’est-à-dire, les avenirs souhaités, se manifestent sous différentes formes, sont préférablement élaborées conjointement avec les intervenants et doivent être utiles aux yeux des décideurs. À ce titre, il peut y avoir plus d’un seul ensemble de visions. À Horizons de politiques, nous aidons le gouvernement dans le cadre des exercices sur les visions, mais ce n’est pas notre rôle d’établir la vision.

Dans le cadre de notre travail interne, et tout au long de nos engagements avec les fonctionnaires fédéraux, nous avons trouvé utile de réfléchir sur la manière dont nos décisions collectives — dans la phase d’urgence et la phase prolongée des perturbations — peuvent se combiner et se traduire en résultats à long terme. La création d’images simplifiées de la « nouvelle normalité » qui pourrait se produire peut contribuer à guider nos décisions pour donner lieu aux avenirs que nous trouvons plus souhaitables.

Voici un ensemble d’avenirs possibles qui pourraient se produire, différenciés par les zeitgeists (ou l’air du temps) généraux. L’air du temps détermine souvent le ton pour l’espace politique qui encadre les politiques et les décisions. Il détermine ce qui est possible. En même temps, les actions et les décisions prises par différents intervenants à l’intérieur d’un système — p. ex., individus, société civile, entreprises, entrepreneurs, gouvernements — influencent le zeitgeist qui prévaudra avec le temps.

Ces scénarios de zeitgeist nous aident à réfléchir aux conséquences à long terme de nos décisions en périodes de grandes incertitudes et perturbations, sur la « nouvelle normalité » qui pourrait naître au Canada au cours des prochaines années, et sur l’avenir privilégié de nos sociétés ou la vision que nous voulons réaliser.

À quel zeitgeist assisterons-nous et contribuerons-nous?

Compte tenu de l’objectif de nos travaux prospectifs sur la COVID-19, nous situons les scénarios de zeitgeist ci-dessous dans le contexte de perturbations continues liées à la pandémie — p. ex., résurgences, ouvertures et fermetures à l’intérieur des régions et entre les frontières, et un environnement économique très incertain.

Paralysie collective Darwinisme social Croissance empathique
Zeitgeist Découragement Compétitivité Collectivisme
États d’esprit et attitudes Pensée à court terme

Aucune prise de risque/pas de jeux

Concentré à passer à travers
Individualiste/en groupe

Jeu à somme nulle

Accent sur l’économie
Empathie et intérêt personnel éclairé

Jeu à somme positive

Accent sur le collectif, l’ensemble
Ce que nous pourrions voir dans un tel monde Investissement limité des entreprises

Efforts limités en matière d’entrepreneuriat

Réduction des études et des cours de recyclage, alors que les gens évitent de s’ajouter des dettes qui pourraient ne rien donner de plus à la fin

Piètre santé mentale

Régression pour les groupes vulnérables, plus particulièrement les femmes et les minorités
Consolidation du pouvoir économique

Croissance sans emploi

Taux de chômage élevé (forte automatisation), et principalement des emplois et des salaires précaires

Augmentation des inégalités, vastes écarts de richesse

Communautés protégées

Grands obstacles à l’entrée pour les minorités et les femmes
Appréciation de la vie plus globale, y compris la reconnaissance de la vulnérabilité collective, du travail non rémunéré, des participants à la société qui sont essentiels, mais traditionnellement sous-estimés, et de l’environnement biologique

Réduction du consumérisme

Volonté d’échanger des privilèges contre le bien collectif
Répercussions possibles La confiance du public envers les gouvernements diminue

Demande élevée de soutien économique et social du gouvernement

Revenus fiscaux limités, notamment en raison d’une croissance réduite

Violence fondée sur le sexe
Diminution de l’unité nationale/de la cohésion sociale

Le contrat social devient de plus en plus fragile

Les revenus fiscaux sont limités, notamment en raison de la réduction de l’impôt sur le revenu et des régimes d’optimisation de l’impôt

Risque accru de troubles sociaux
Les secteurs comme l’éducation et la santé sont considérés comme des investissements et non des coûts

Meilleure disposition pour payer des taxes

Espace politique pour une importante transformation dans des domaines comme les changements environnementaux et l’inégalité des revenus

Exemples de l’utilisation de la pensée zeitgeist (ou de l’air du temps) dans la prise de décisions

Coûts des soins de santé hors province ou frais de rapatriement découlant d’une infection de COVID-19

Un grand nombre de retraités canadiens passent leurs hivers dans le sud des États-Unis et au Mexique, tandis que d’autres Canadiens passent de plus courtes vacances dans ces destinations (p. ex., Relâche de mars). Selon les tendances actuelles aux États-Unis, certaines de ces destinations pourraient être « ouvertes » même si la transmission de la COVID-19 n’est pas contenue, plus particulièrement compte tenu des énormes répercussions des voyages sur les économies locales. Les réponses du gouvernement et de la société aux Canadiens qui tombent malades à l’étranger pourraient varier selon les trois scénarios suivants :

Dans le zeitgeist de la Paralysie collective, une absence d’approche et de conseils uniformes pourrait laisser la décision aux Canadiens de risquer de voyager aux États-Unis et de vivre une incertitude à propos de la couverture des soins de santé à l’étranger. Les réponses du gouvernement pourraient être réactives et inégales.

Dans le zeitgeist du Darwinisme social, il pourrait y avoir de fortes divisions entre les cohortes d’âges, alors que les jeunes et les personnes âgées ont chacun l’impression que l’autre cohorte adopte un comportement à risque qui mène à des coûts en soins de santé qui pourraient être évités. Il pourrait y avoir une pression des gens pour fournir des directives claires selon lesquelles les Canadiens qui se rendent en toute connaissance de cause dans des régions connues pour présenter un risque élevé d’infection de COVID-19 doivent assumer leurs propres coûts en soins de santé alors qu’ils sont à l’extérieur du pays, et pourraient s’exposer à une surcharge pour soins d’isolement s’ils doivent être hospitalisés à leur retour au Canada. Autrement, une cohorte particulièrement vocale pourrait réussir à convaincre les décideurs d’assumer la couverture médicale, malgré le fait que les destinations sont à risque élevé d’infection.

Dans le scénario de Croissance empathique, il pourrait y avoir un vaste consensus sur une approche reposant sur la gestion des risques. Par exemple, on pourrait s’attendre des voyageurs qu’ils prennent des mesures pour limiter leur exposition à la COVID-19 à l’étranger, et qu’ils aient un plan d’urgence permettant l’auto-isolement sur place ou au retour au Canada s’ils tombent malades. Les voyageurs pourraient conserver un accès à leurs services de consultation et de télémédecine provinciaux ou fédéraux, réduisant éventuellement le besoin de se rendre dans des installations médicales à l’étranger et les coûts afférents. Cela pourrait comprendre un suivi des données sur la santé en ligne pour signaler une infection, facilitant ainsi la gestion des capacités de mobilisation à l’intérieur du système de soins de santé en cas de flambée des infections alors que les Canadiens reviennent.

Collecte et accès aux données

À travers le monde, les gouvernements mettent en œuvre des mesures de surveillance telles que le traçage des contacts pour atténuer les vagues subséquentes de COVID-19.

Dans le zeitgeist de la Paralysie collective, la collecte de données pourrait être inégale ou non uniforme à travers les populations ou les régions, compte tenu de l’absence de consensus sur les données requises, qui pourrait les recueillir et comment. Une grande variété d’acteurs (sociétés privées, gouvernements, particuliers) pourraient les recueillir, avec peu de connexion ou d’interopérabilité des bases de données. L’adhésion à la fourniture volontaire de données pourrait être inégale, sans compréhension collective de qui en sont les propriétaires, qui peuvent les utiliser, quels sont les avantages de les utiliser et qui en profite. Dans un tel monde, les gouvernements à tous les échelons pourraient avoir du mal à extraire des perspectives des données pour lutter contre la pandémie.

Dans le zeitgeist du Darwinisme social, différents acteurs pourraient recueillir et exploiter les données pour leurs propres besoins. La collecte de données pourrait devenir obligatoire pour obtenir un emploi, ou accéder à des installations privées telles que les restaurants. Cela ferait naître des mégaentreprises dans cet espace, qui pourraient rendre les données privées.

Dans le scénario de croissance empathique, un contrat social pourrait voir le jour, dans lequel les citoyens sont disposés à fournir leurs données personnelles pour obtenir un avantage social collectif.

Annexe 1 : Intervenants et experts

(Mise à jour le 24 juillet 2020)

Denise Amyot
Président-directeur général
Collèges et instituts Canada

Jeremy Bentham
Vice-président, Environnement économique mondial
Shell International

Jean-Thomas Bernard
Professeur invité
Université d’Ottawa, Département de science économique

Clement Bezold
Futuriste
Clem Bezold

Francesca Birks
Directrice adjointe, Prospective et stratégie conceptuelle
Arup

Suzanne Brant
Présidente
First Nations Technical Institute

Mel Cappe (ancien greffier du Conseil privé)
Professeur
Munk School of Global Affairs & Public Policy, University of Toronto

Duncan Cass-Beggs
Conseiller en prospective stratégique
Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Paul Davidson
Président-directeur général
Universités Canada

Ged Davis
Président exécutif, Scénarios
World Energy Council

Tim Draiman
Conseiller principal
La Fondation familiale J. W. McConnell

Philip Dawson
Chef des politiques publiques
Element AI

Drew Fagan
Professeur
University of Toronto, Munk School of Global Affairs and Public Policy

Professeur Derrick P. Gosselin Ph. D FRSA FIEE MAE
Chercheur associé, Green Templeton College
University of Oxford

Carol Graham
Agrégé supérieur
The Brookings Institution

Stefan Hajkowicz
Chercheur principal, Stratégie et prospective
The Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO)      

Gareth Jones
Chef, Division de l’infrastructure et des réseaux ferroviaires urbains
Arup

Dr Cho Khong
Analyste politique principal
Shell International

Mark Kingwell
Professeur de philosophie
University of Toronto

Alana Klein
Professeur associé
Université McGill, Faculté de droit

Michael Kobor
Professeur
University of British Columbia, Département de la génétique médicale

Philip Landon
Vice-président, Gouvernance et programmes
Universités Canada

Catherine Latimer
Directrice générale
La Société John Howard du Canada

Chor Pharn Lee
Stratégiste principal
Singapore Centre for Strategic Futures

Sheryl Lightfoot
Conseillère principale au Président des Affaires autochtones
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits et la situation politique des Autochtones dans le monde
University of British Columbia

Gustav Lindstrom
Directeur
European Institute for Security Studies

John McArthur
Agrégé supérieur
The Brookings Institution

Kwame McKenzie
Président-directeur général
Wellesley Institute

Aaron Maniam
Secrétaire adjoint
Ministère des Communications et de l’Information, Singapour

Jean-Marc Mangin
Président-directeur général
Philanthropic Foundations Canada

Kevin McCort
Président
Vancouver Foundation

Rohinton Medhora
Président
Centre for International Governance Innovation

David Moscrop
Stagiaire postdoctoral du CRSH
Université d’Ottawa, Département des communications

Pierre-Olivier Pineau
Professeur
HEC Montreal

Elaine Power
Chef, Département des études de genre
Queen’s University

Robin Prest
Directeur de programme
Morris J. Wosk Centre for Dialogue, Simon Fraser University

Jennifer Robson
Professeure agrégée
Carleton University

Stephen Sanford
Directeur, Centre de prospective stratégique
United States Government Accountability Office

Yves Savoie
Strategic Consultant
Philanthropic Foundations Canada

Wendy Schultz
Directrice
Infinite Futures

Peter Schwartz
Vice-président principal, Planification stratégique
Salesforce.com, Inc

Fabiana Scapolo
Directrice adjointe
EU Policy Lab

Sean Speer
Professeur adjoint, Politiques publiques
Munk School of Global Affairs & Public Policy, University of Toronto

Nora Spinks
Directrice générale
Institut Vanier de la famille

Lindsay Tedds
Professeur associé
University of Calgary, École des politiques publiques

Jean-Louis Tiernan
Ministre-conseiller, Ambassade du Canada, Washington D.C.
Affaires mondiales Canada

Trevor Tombe
Professeur associé
University of Calgary

Cat Tully
Cofondatrice et directrice
School of International Futures (SOIF)

Michael Ungar
Professeur de travail social
Dalhousie University

Christopher Waddell
Professeur de journalisme et des communications
Carleton University

Annexe 2 : Suggestions de lecture

(Mise à jour le 24 juillet 2020)

Remerciements

Ce rapport est le résultat de recherches approfondies sur la COVID-19 et sur les changements et perturbations éventuels qui pourraient survenir. Nous souhaitons remercier nos équipes pour leur travail acharné, leurs contributions et leur dévouement.

Prospective

Katherine Antal, analyste principale de la prospective
Marcus Ballinger, gestionnaire, prospective économique
Steffen Christensen, analyste principal de la prospective
Pierre-Olivier DesMarchais, analyste principal de la prospective
Avalyne Diotte, analyste de la prospective
Chris Hagerman, analyste de la prospective
Darren McKee, analyste principal de la prospective
Peter Padbury, futuriste en chef
Kurt Richardson, analyste de la prospective
Simon Robertson, gestionnaire, prospective sociale
Sven Schirmer, analyste de la prospective
Jessica Strauss, conseillère principale
Julie-Anne Turner, analyste de la prospective
Kristel Van der Elst, directrice générale
Eric Ward, directeur principal

Communications

Maryam Alam, conseillère en communications
Géraldine Green, conseillère en communications
Nelly Leonidis, gestionnaire des communications
Alain Piquette, graphiste
Nadia Zwierzchowska, conseillère en communications

Relations avec le public et collaboration

Imran Arshad, directeur des Communications et des Relations avec le public
Martin Berry, analyste de la prospective
Blaise Hébert, conseiller en relations publiques
Rachel Ostep, coordonnatrice d’événements
Claire Woodside, analyste principale de la prospective

Nous tenons à exprimer notre profonde reconnaissance à Fannie Bigras-LaFrance, Amy Heaslip, Pascale Louis et Ved Shimpi pour leur soutien.


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