Vies futures : incertitudes

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- 1.0 Avant-propos
- 2.0 Introduction
- 3.0 L’avenir des ménages
- 3.1 Facteur qui change la donne 1 : Les ménages composés de familles nucléaires pourraient devenir moins économiquement viables pour un plus grand nombre de personnes
- 3.2 Facteur qui change la donne 2 : L’évolution des valeurs socioculturelles peut remettre en question les attentes traditionnelles à l’égard des familles et de la composition des ménages
- 3.3 Facteur qui change la donne 3 : La cohabitation entre personnes non apparentées pourrait devenir plus fréquente à différents stades de la vie
- 4.0 L’avenir de l’assurance
- 4.1 Facteur qui change la donne 1 : Les mégadonnées et l’intelligence artificielle (IA) pourraient rendre l’accès à l’assurance et les primes d’assurance de plus en plus liés aux facteurs de risque personnels
- 4.2 Facteur qui change la donne 2 : Les changements climatiques peut introduire de nouveaux risques et exacerbent les risques existants, menaçant l’assurabilité de nombreuses habitations et régions
- 4.3 Facteur qui change la donne 3 : L’évolution du parcours de vie pourrait rendre certains produits d’assurance moins pertinents et créer une demande pour de nouveaux produits
- 5.0 L’avenir des attentes des jeunes
- 5.1 Facteur qui change la donne 1 : Les jeunes sont de plus en plus précaires sur le plan économique et pourraient le rester tout au long de leur vie
- 5.2 Facteur qui change la donne 2 : Les changements climatiques peut amener les jeunes à réévaluer leurs attentes quant à l’avenir
- 5.3 Facteur qui change la donne 3 : Les gouvernements et les institutions clés peuvent éprouver des difficultés à impliquer les individus lorsqu’ils sont jeunes, et par la suite tout au long de leur vie
- 6.0 Conclusion
- Remerciements
- Notes de fin de page
1.0 Avant-propos
Le parcours de vie, autrefois considéré comme un chemin prévisible, est aujourd’hui caractérisé par une incertitude sans précédent. Les étapes de vie traditionnelles se déplacent ou disparaissent. Les trajectoires de vie sont façonnés par les tendances économiques, les avancées technologiques et les changements sociétaux.
L’incertitude peut pousser les gens à éviter les risques et à rechercher la stabilité et la sécurité. Elle peut aussi inspirer l’innovation. Les changements dans les attentes des individus quant à ce qu’ils pourraient être en mesure de réaliser dans la vie, et leurs décisions quant à leur parcours de vie, pourraient influencer de nombreux domaines politiques et exiger notre attention immédiate.
Dans la continuité de notre premier rapport, Vies futures : Explorer les transformations du parcours de vie, ce rapport présente certaines des opportunités et des incertitudes qui pourraient découler des changements survenant dans 3 domaines : les ménages, l’assurance et les attentes des jeunes. Nous espérons susciter la réflexion et la conversation sur la manière dont ces changements pourraient affecter les individus, les gouvernements et la société dans son ensemble. Notre objectif est de contribuer à l’élaboration de politiques et de programmes solides face aux changements à venir.
Au nom d’Horizons de politiques Canada, je tiens à remercier ceux qui ont généreusement partagé leur temps, leurs connaissances et leurs réflexions avec nous.
Nous espérons que vous trouverez ce travail instructif.
Kristel Van der Elst
Directrice générale
Horizons de politiques Canada
2.0 Introduction
Les vies changent. La technologie, l’environnement, l’économie ainsi que la société se transforment. De nouvelles incertitudes remodèlent les choix auxquels les personnes sont confrontées, influençant les décisions concernant la manière de vivre, les voies à suivre et les rôles à assumer.
L’incertitude rend l’avenir davantage précaire. Souvent, les personnes réagissent à l’incertitude en essayant d’éviter le risque – par exemple, en faisant des choix qu’ils estiment comme plus stables ou en rejoignant des institutions qui offrent plus de sécurité. Toutefois, l’incertitude peut également conduire les personnes à emprunter de nouvelles voies dans leur vie. Elle peut inciter à l’innovation ainsi qu’à de nouvelles façons de penser.
Notre précédent rapport, Vies futures : Explorer les transformations du parcours de vie (juin 2022), visait à aider les personnes à réfléchir aux changements dans le cadre du parcours de vie. Il a défini le parcours de vie comme la séquence d’événements et de rôles qu’une personne connaît au cours de sa vie.
Il détermine 6 domaines du parcours de vie : la reproduction, les soins, la situation du logement, l’éducation, le travail et le troisième âge. Il a exploré ce qui change dans ces domaines et a examiné 9 forces de changement afin d’expliquer pourquoi ces changements se produisent.
Ce rapport examine plus en détail 3 domaines pour illustrer comment les parcours de vie pourraient changer à l’avenir : les ménages (où vivre et avec qui), les assurances (comment atténuer les risques), et les attentes des jeunes (ce que les jeunes attendent et désirent de l’avenir). On estime généralement qu’il s’agit de questions d’ordre privé. Toutefois, des forces macroéconomiques influencent les attentes et les choix des personnes dans ces domaines. La prospective stratégique peut aider à comprendre comment cela se produit.
Les lecteurs sont encouragés à utiliser ce rapport pour vérifier leurs hypothèses au sujet de l’avenir. Ils peuvent également l’utiliser pour déterminer les mesures permettant de relever les défis et de saisir les occasions. Toute personne travaillant dans les domaines suivants pourrait trouver ce rapport pertinent pour son travail : éducation et formation; familles, enfants, jeunes et personnes âgées; santé; logement; cohésion sociale; et travail.
3.0 L’avenir des ménages
Le ménageNote de fin de page1 constitue une unité de base de la société. Il offre aux personnes à la fois un soutien et une compagnie. Il leur permet de répartir le travail et de mettre en commun les ressources afin d’atténuer les risques. Il s’agit également d’une unité d’analyse clé pour tous les ordres de gouvernement. La façon dont nous définissons, mesurons et comprenons les ménages revêt des implications politiques pour les régimes fiscaux, les prestations sociales, les cadres d’assurance et l’accès au crédit, entre autres aspects. Cela façonne les analyses démographiques de la population et de l’économie. À leur tour, de nombreuses décisions politiques dans ces domaines ont une incidence sur la santé mentale et le sentiment d’appartenance.
L’incertitude croissante et les nouveaux types de risques amènent les gens à modifier l’organisation de leurs ménages. De nombreuses politiques ont été conçues afin de soutenir les ménages comme ils se présentaient dans le passé. À l’avenir, les ménages au Canada pourraient être très différents.
Ci-dessous se trouvent 3 changements majeurs que les décideurs politiques devraient prendre en compte lorsqu’ils réfléchissent à l’avenir des ménages.
3.1 Facteur qui change la donne 1 : Les ménages composés de familles nucléaires pourraient devenir moins économiquement viables pour un plus grand nombre de personnes
Dans le cadre de cet avenir, l’idée de la famille nucléaire est devenue moins viable économiquement. Les salaires stagnent, les dettes augmentent et le coût de la vie augmente. Par le passé, une personne gagnant un « salaire familial » pouvait subvenir aux besoins d’une famille typeNote de fin de page2. Cela est devenu de moins en moins réaliste pour de nombreuses personnes. Par conséquent, de nouvelles formes de ménages ont vu le jour. Nombre d’entre eux impliquent de multiples sources de revenus.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
Le logement est devenu moins abordable, tant pour les propriétaires que pour les locataires. Les prix des logements ont augmenté plus de 2 fois plus vite que celui des revenus entre 1975 et 2021. Depuis 2005, ils ont même augmenté presque 3 fois plus viteNote de fin de page3. Nombreuses sont les personnes qui n’imaginent pas pouvoir un jour devenir propriétaires de leur logement. Les loyers moyens dans les 20 plus grandes villes du Canada ont augmenté de 24 % entre 1992 et 2022, et ce, après correction de l’inflationNote de fin de page4. Le logement est estimé comme « abordable » lorsqu’un travailleur au salaire minimum peut louer un logement d’une chambre à coucher pour moins de 30 % de son revenu avant impôt. Cela n’existe plus dans aucune province du CanadaNote de fin de page5.
Les salaires ne vont pas de pair avec l’augmentation du coût de la vie. Les prix à la consommation augmentent bien plus rapidement que les salaires moyens. Cela signifie que la population canadienne voit son pouvoir d’achat diminuer. Entre 1992 et 2021, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 62 %Note de fin de page6 mais le revenu médian n’a augmenté que de 32 %Note de fin de page7. L’écart de valeur nette entre les ménages les plus riches et les plus pauvres se creuse davantage égalementNote de fin de page8.
Les ménages au Canada sont les plus endettés de tous les pays du G7. Les trois quarts de cette dette représentent des hypothèquesNote de fin de page9. Cela signifie que les personnes ont moins de revenus à dépenser en termes de biens ou à investir dans l’épargne pour se protéger contre le risque d’une perte d’emploi.
3.2 Facteur qui change la donne 2 : L’évolution des valeurs socioculturelles peut remettre en question les attentes traditionnelles à l’égard des familles et de la composition des ménages
Les valeurs des personnes changent en ce qui concerne les relations amoureuses, l’éducation des enfants et la cohabitation. Cela a ouvert la voie à des parcours de vie et à des types de ménages davantage diversifiés. Au Canada, de plus en plus de personnes forment des relations et des familles d’une nouvelle manière. Certaines personnes choisissent de rester célibataires ou de vivre seules.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
Au Canada, les personnes sont de plus en plus susceptibles de demeurer célibataires et de vivre seules à tous les stades de leur vieNote de fin de page10. Les ménages qui sont composés d’une seule personne constituent le type de ménage le plus important au Canada. Ils représentent 29 % de l’ensemble des résidences. Cependant, tous les ménages composés d’une seule personne ne sont pas économiquement indépendants. De nombreux jeunes adultes qui vivent seuls reçoivent une aide financière de leurs parents. L’indépendance et l’autonomie sont souvent estimées comme des marqueurs de réussite et de maturité. À l’avenir, un nombre croissant de personnes pourraient ne pas être en mesure d’atteindre cela.
Le Canada présente une diversité culturelle croissante. Cela contribue à une plus grande diversité dans la composition des ménages. Par exemple, les nouveaux arrivants au Canada et les peuples autochtones sont davantage susceptibles de vivre dans des ménages où plusieurs générations vivent sous le même toit. Ces personnes sont plus susceptibles de vivre dans le foyer familial à l’âge adulteNote de fin de page11. D’ici 2041, les nouveaux arrivants pourraient représenter jusqu’à 34 % de la population au Canada. Cela pourrait diversifier les normes familiales et des ménagesNote de fin de page12.
Les valeurs sociales concernant la monogamie sont en train de changer. Le polyamour, les relations ouvertes et la non-monogamie éthique sont de plus en plus courants. Ces choix de vie sont moins stigmatisés. En Amérique du Nord, jusqu’à 7 % des personnes pratiquent la non-monogamie consensuelleNote de fin de page13. Les applications de rencontres populaires offrent désormais la possibilité de filtrer les utilisateurs qui ne sont pas monogamesNote de fin de page14. Certains tribunaux au Canada ont même reconnu que les relations polyamoureuses peuvent être des environnements aimants et stables pour élever des enfantsNote de fin de page15.
Au Canada, de plus en plus de personnes deviennent parents, et ce, sans cohabiter. Cela comprend les parents célibataires et les co-parents qui ne forment pas un couple. Les familles monoparentales sont quant à elles de plus en plus nombreuses. Certaines personnes deviennent parents célibataires parce qu’elles se séparent de leur partenaire. D’autres choisissent d’être des parents célibataires. La plupart sont constituées de mères célibataires, bien que le nombre de pères célibataires ait augmenté depuis 2011Note de fin de page16. Certains parents se répartissent la responsabilité de leurs enfants sans être engagés dans une relation amoureuseNote de fin de page17. D’autres vivent séparémentNote de fin de page18 mais mettent en commun leurs ressourcesNote de fin de page19.
3.3 Facteur qui change la donne 3 : La cohabitation entre personnes non apparentées pourrait devenir plus fréquente à différents stades de la vie
Dans le passé, les gens vivaient généralement avec d’autres personnes non apparentées après avoir grandi avec leurs parents et avant de s’installer avec un partenaire de vie. Toutefois, cette tendance est en train de changer. De plus en plus de personnes vivent à long terme avec d’autres personnes non apparentées. Cela peut se produire pour des raisons économiques ou sociales.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
L’accession à la propriété constitue le moyen le plus courant de se constituer un patrimoine au Canada. Pour de nombreux jeunes, cela est hors de portée. L’âge moyen des acheteurs d’un premier logement est passé de 29 ans en 2013Note de fin de page20 à 36 ans en 2020Note de fin de page21. Les jeunes ont de plus en plus besoin du patrimoine familial afin d’acheter un logement. En 2015, 20 % des acheteurs d’un premier logement ont eu recours à des contributions financières de la part de membres de leur famille pour effectuer leur versement initial. En 2021, ce chiffre est passé à 30 %Note de fin de page22. Ces contributions sont souvent substantiellesNote de fin de page23. La plupart des jeunes disent croire que l’accession à la propriété est réservée aux riches, comme le montre L’avenir des attentes des jeunesNote de fin de page24.
Les ménages en colocation sont en train de devenir le type de ménage présentant la croissance la plus rapide au CanadaNote de fin de page25. En règle générale, seuls les jeunes adultes formaient un ménage avec des amis ou encore avec des étrangers. C’est aujourd’hui un moyen plus courant de faire face à l’augmentation du coût de la vie ainsi qu’à l’insécurité du logement. Pour certaines personnes, vivre avec d’autres constitue la seule option financière viable. Cela peut les exposer à des conditions de vie indésirables. Dans certains ménages, les colocataires ne se répartissent pas que les coûts qui ne peuvent être individualisés, comme le loyer ou l’hypothèque et les charges. D’autres mettent en commun leurs ressources financières sur des comptes communs, comme une famille.
De plus en plus de personnes choisissent de louer ou d’acheter une maison avec des amis. En plus d’économiser de l’argent, ils bénéficient d’un soutien socialNote de fin de page26. Les gens créent de plus en plus de familles choisies, et ce, avec des personnes non apparentées. Les membres de ces familles choisies se soucient les uns des autres et s’engagent aussi les uns envers les autres. La cohabitation peut aider les personnes à répondre à des besoins comme la prise en charge d’enfants ou d’animaux domestiques. Par exemple, dans les « mommunes », les mères célibataires se répartissent les responsabilités associées à la garde des enfants. Elles cherchent à créer un sentiment de communauté pour leurs enfantsNote de fin de page27.
De plus en plus de personnes âgées choisissent de vivre en communauté, et ce, pas seulement dans des maisons de retraiteNote de fin de page28. Cela peut être attribuable à des besoins de soins de santé ou encore à des pressions économiques. Certaines personnes âgées, qui souhaitent vieillir dans le logement qu’elles possèdent, utilisent des services de mise en relation avec une personne colocataire. Il peut s’agir d’une autre personne âgéeNote de fin de page29 ou d’un étudiant universitaireNote de fin de page30. Certaines administrations ont mis en place des politiques visant à faciliter la vie en communauté des personnes âgées, comme la Loi de 2019 sur les Golden Girls de l’OntarioNote de fin de page31.
Que peuvent représenter ces changements?
Au cours des prochaines décennies, les changements décrits ci-dessus pourraient se poursuivre et s’intensifier. Une série de conditions sociales et économiques pourraient émerger, mais aucune n’est inévitable. Ne pas y réfléchir pourrait conduire à l’échec des politiques.
Les implications politiques suivantes sont possibles dans un monde où les 3 facteurs en matière de changements susmentionnés sont présents. Cette liste n’est pas exhaustive et les décideurs politiques sont invités à approfondir leur réflexion sur les défis et les possibilités énumérés ici.
Conséquences
Les personnes et les familles peuvent être amenées à vivre ensemble d’une nouvelle manière pour pouvoir s’offrir un logement adéquat. De plus en plus de personnes envisagent de vivre avec d’autres amis ou des colocataires à long terme, plutôt que d’attendre d’être propriétaires de leur logement. Davantage de familles pourraient vivre au sein de ménages comptant plusieurs générations. Les enfants adultes peuvent continuer à vivre avec leurs parents, et ce, même après avoir eu leurs propres enfants. Les grands-parents pourraient assumer davantage de responsabilités en matière de garde d’enfants, et ce, lorsqu’ils n’ont pas besoin de continuer à travailler.
Lorsque les gens choisissent de vivre ensemble d’une nouvelle manière, ils peuvent avoir besoin de nouveaux types de logements. Les promoteurs immobiliers privilégient actuellement les petits logements destinés aux personnes seules ou aux familles nucléairesNote de fin de page32. Les municipalités sont zonées principalement en fonction de maisons individuellesNote de fin de page33. À l’avenir, davantage de promoteurs pourraient construire des maisons qui sont adaptées aux ménages familiaux multigénérationnelsNote de fin de page34. Lorsque des personnes non apparentées vivent ensemble, elles peuvent avoir des préférences différentes de celles des familles nucléaires. Par exemple, ils peuvent préférer des chambres de taille égale ou des suites séparées avec leur propre salle de bain. Par le passé, cela était généralement caractérisé comme des logements pour étudiants.
L’augmentation du nombre de personnes vivant sous le même toit pourrait accroître la demande de services et d’infrastructures. Une population plus dense pourrait exercer une pression accrue sur la circulation, le stationnement et les programmes communautaires. Cela pourrait également créer des marchés plus importants pour les entreprises locales. Les urbanistes pourraient établir davantage de zones de colocation pour les familles. Plus de ménages pourraient aussi rénover leurs bâtiments. Cela pourrait accroître la demande de personnes de métier.
L’insécurité économique peut mener à de nouveaux modèles de mobilité physique et sociale. Davantage de personnes pourraient s’installer dans des régions où le coût de la vie est moins élevé. Cela pourrait entraîner une hausse des prix dans ces régions. Les employeurs pourraient avoir du mal à attirer des candidats dans les villes où le coût de la vie est élevé. Les personnes qui vivent seules ou avec d’autres colocataires plutôt qu’avec leur famille peuvent avoir plus de mal à faire face à leurs problèmes personnels ou financiers. Il peut être plus difficile de s’élever socialement lorsque seules les personnes disposant d’un patrimoine familial peuvent s’offrir un logement, comme l’explique L’avenir des attentes des jeunes. Les personnes peuvent être amenées à s’endetter davantage si elles souhaitent vivre seules ou au sein d’une famille nucléaire. Les prêts hypothécaires pourraient se transmettre de génération en génération. Cela pourrait mener à repenser les hypothèses relatives à la planification financière à long termexi.
Les personnes peuvent se tourner vers des colocataires et des locataires afin de répondre à leurs besoins en matière de sécurité financière et de soins. Les amis qui ont en commun une maison pourraient s’engager à se soutenir mutuellement comme des partenaires romantiques. Davantage de propriétaires plus âgés pourraient vouloir louer des chambres en échange de soins. Cela peut toutefois poser des problèmes si le propriétaire lègue la maison à sa famille, mais que l’aidant souhaite continuer à y vivre.
De nouveaux modes de financement relatifs aux nouveaux modes de vie pourraient voir le jour. Les gouvernements et les banques partent souvent du principe que les hypothèques conjointes sont détenues par des couples. En fait, il n’y a pas de limite au nombre de personnes qui peuvent se répartir la propriété d’un bien. Les sociétés immobilières et hypothécaires qui n’ont pas l’habitude d’aider des groupes de personnes sans lien de parenté à naviguer dans les systèmes financiers et juridiques pour acheter un bien immobilier pourraient être confrontées à des défis. De nouvelles idées pour le financement de l’achat d’un logement pourraient voir le jour, comme les programmes de répartition des capitaux propres.
Un plus grand nombre de familles économiques pourraient être dispersées dans plusieurs ménages. L’idée de famille économique fait référence à des personnes qui sont liées et vivent ensembleNote de fin de page35. À l’avenir, davantage de membres de la famille pourraient vivre séparément, et ce, tout en constituant une seule unité économique. D’autre part, les personnes qui vivent ensemble sont moins susceptibles de dépendre les unes des autres sur le plan financier. Le revenu des ménages peut devenir un indicateur moins utile, car il ne reflète pas nécessairement la manière dont les ressources économiques sont réparties. De nouvelles mesures permettant de comprendre les ménages ainsi que leurs ressources économiques pourraient voir le jour.
4.0 L’avenir de l’assurance
Au Canada, les gens comptent sur l’assuranceNote de fin de page36 pour se protéger contre l’incertitude. L’assurance aide les gens à faire face aux catastrophes, aux accidents ainsi qu’à d’autres événements défavorables. Pour ce faire, elle répartit les risques. Cela aide les personnes à gérer les risques associés aux activités quotidiennes. Il s’agit par exemple d’investir de l’argent, d’ouvrir une entreprise, d’acheter une maison ou de conduire une voiture. L’assurance est également essentielle à la stabilité de l’économie à l’échelle mondiale.
L’évolution de l’environnement des risques peut mener à des besoins différents en matière d’assurance. À l’avenir, cela pourrait toutefois modifier le fonctionnement de l’assurance. Cela peut exposer les gouvernements, les assureurs et les particuliers à des coûts imprévus.
Ci-dessous se trouvent 3 changements majeurs que les décideurs politiques devraient prendre en compte lorsqu’ils réfléchissent à l’avenir de l’assurance.
4.1 Facteur qui change la donne 1 : Les mégadonnées et l’intelligence artificielle (IA) pourraient rendre l’accès à l’assurance et les primes d’assurance de plus en plus liés aux facteurs de risque personnels
Dans ce contexte, les personnes ont plus de difficultés à satisfaire leurs besoins en matière d’assurance. Le pouvoir est transféré aux assureurs. Les primes sont de plus en plus étroitement associées aux facteurs de risque personnels. La recherche et l’accès à des primes abordables pourraient de plus en plus influencer des décisions importantes de la vie.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
Les mégadonnées, l’IA et l’analyse prédictive modifient la manière dont les assureurs évaluent les risques.. Traditionnellement, les assureurs analysent les risques au moyen de la théorie actuarielle. Il s’agit d’une modélisation statistique basée sur la distribution normale des événements au sein d’un groupe donné. Aujourd’hui, ils tentent plutôt de prédire les risques pour des personnes données. Les assureurs utilisent la segmentation des clients au moyen de l’IANote de fin de page37 afin de déterminer la probabilité que les différents types de clients fassent une demande d’indemnisation. Cela permet une plus grande personnalisation des primes. Par exemple :
- Les assureurs dans le secteur de la santé avaient l’habitude de calculer les primes en posant des questions aux gens et en examinant leurs dossiers médicaux. Aujourd’hui, ils examinent les données provenant d’outils comme les montres intelligentes et les appareils médicaux. Ces outils fournissent des informations granulaires en temps réel sur les choix et les comportements des personnes.
- Les assureurs dans le secteur de l’immobilier avaient l’habitude d’examiner les données à l’échelle des codes postaux. Les souscripteurs d’assurance observaient également la qualité de l’entretien d’une maison. Aujourd’hui, les assureurs recueillent des données à partir d’appareils domestiques intelligents et de l’Internet des objetsNote de fin de page38. Cela leur permet d’évaluer les risques en temps réelNote de fin de page39.
Les assureurs peuvent adapter les primes aux clients en fonction de leur niveau de risque individuel. Ils peuvent également modifier les primes en fonction de l’évolution du niveau de risque.
L’asymétrie de l’information dans le secteur de l’assurance est en train de s’inverser. Auparavant, les personnes disposaient de plus d’informations que les assureurs au sujet de leur exposition au risque. Ces personnes choisissaient les détails fournis aux assureurs au sujet de leur vie, de leurs habitudes et de leur patrimoine. Cette situation a profité aux consommateursNote de fin de page40. Aujourd’hui, les assureurs peuvent en savoir davantage sur les profils de risque des clients qu’auparavantNote de fin de page41.
4.2 Facteur qui change la donne 2 : Les changements climatiques peut introduire de nouveaux risques et exacerbent les risques existants, menaçant l’assurabilité de nombreuses habitations et régions
Dans certaines régions du Canada, il pourrait devenir trop coûteux d’assurer les biens face aux catastrophes. Cela peut obliger les gens à quitter ces régions ou rendre encore la vie dans ces régions intrinsèquement risquée.
Une force de changement qui soutient ce facteur qui change la donne
Les changements climatiques exacerbent les catastrophes et les rendent plus fréquentes. Cela entraîne une augmentation des primes d’assurance. Cela rend certaines maisons et régions inassurablesNote de fin de page42. Les catastrophes climatiques comme les inondations, les feux de forêt et les tornades touchent un nombre croissant de foyers au CanadaNote de fin de page43. In 2021, for instance, a tornado in Barrie, Ontario, En 2021, par exemple, une tornade à Barrie, en Ontario, a laissé des dizaines de maisons inhabitablesNote de fin de page44. Dans certaines régions, les assureurs ont temporairement cessé d’octroyer de nouvelles polices d’assurance habitation. C’est par exemple ce qui s’est passé dans la région d’Halifax en 2023 à cause des feux de forêtNote de fin de page45. Dans certaines régions, il pourrait devenir impossible d’assurer les habitations afin de les protéger de certains risques. Les acheteurs ne sont pas toujours au courant des données disponibles, comme les cartes des inondations ou des feux de forêt. Ils peuvent ne pas comprendre le risque qu’ils assument lorsqu’ils achètent un bien immobilierNote de fin de page46.
4.3 Facteur qui change la donne 3 : L’évolution du parcours de vie pourrait rendre certains produits d’assurance moins pertinents et créer une demande pour de nouveaux produits
Les personnes ont moins d’enfants à un âge avancé, ont moins accès à la propriété que par le passé et vivent plus longtemps et en meilleure santéNote de fin de page47. Cela a une incidence sur les types d’assurance dont ces personnes ont besoin.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
Les polices d’assurance reposent sur des hypothèses concernant la vie des personnes. Bon nombre de ces hypothèses ne sont peut-être plus vraies. L’assurance-vie en constitue un exemple. Elle est généralement estimée comme un produit destiné aux personnes ayant un partenaire, des enfants uniquement issus de cette union et un prêt hypothécaire. De plus en plus de personnes vivent aujourd’hui au sein de ménages et de structures familiales atypiques. Il peut être plus difficile pour ces dernières de comprendre les options qui s’offrent à elles afin de protéger leurs proches en cas de décèsNote de fin de page48.
De nombreux locataires au Canada n’ont pas de couverture pour leurs biens personnels en cas de catastrophe naturelle. L’assurance des propriétaires quant à elle ne couvre que le bâtiment, et non les biens du locataire. Quelque 50 % des locataires n’ont pas d’assurance locativeNote de fin de page49. Ceux qui souscrivent à une telle assurance peuvent ne pas avoir de couverture complète. Par exemple, de nombreuses personnes peuvent ne pas être couvertes en cas de dommages causés en raison d’une inondation. Cette option est généralement proposée moyennant un coût supplémentaireNote de fin de page50.
Que peuvent représenter ces changements?
Au cours des prochaines décennies, les changements décrits ci-dessus pourraient se poursuivre et s’intensifier. Une série de conditions sociales et économiques pourraient émerger, mais aucune n’est inévitable. Ne pas y réfléchir pourrait conduire à l’échec des politiques.
Les implications politiques suivantes sont possibles dans un monde où les 3 facteurs en matière de changements susmentionnés sont présents. Cette liste n’est pas exhaustive et les décideurs politiques sont invités à approfondir leur réflexion sur les défis et les possibilités énumérés ici.
Conséquences
Un accès réduit à l’assurance pourrait rendre les personnes plus réticentes à prendre des risques. Cela pourrait avoir des répercussions sur l’économie au sens large. Le coût et la disponibilité de l’assurance influencent les choix des personnes. Lorsque les personnes se sentent protégées contre les risques, ils sont plus à même de faire des choix susceptibles de stimuler la croissance et l’innovation. Il peut s’agir d’investir dans une nouvelle technologie ou encore de créer une entreprise. La protection peut provenir d’une assurance privée, d’une aide publique ou encore d’un filet de sécurité personnel ou familial. L’absence de protection pourrait étouffer l’esprit d’entreprise ainsi que la croissance économique. Elle peut également empêcher les gens à poursuivre leur développement personnel.
Il peut être plus difficile pour les personnes de protéger leur vie privée et leur autonomie. Les assureurs ont de plus en plus accès aux données personnelles. Les gens devront peut-être accepter un certain degré de surveillance numérique afin d’obtenir une assurance pour leur santé ou leurs biens. La Loi sur la non-discrimination génétique (2017) empêche les assureurs canadiens d’exiger des tests génétiquesNote de fin de page51. Cependant, les assureurs ont accès à davantage de sources de données pour classer les personnes, déterminer l’admissibilité et fixer les primes. Un plus grand nombre de personnes peuvent être évaluées comme étant trop risquées pour être assurées. Cela pourrait créer un fossé entre celles qui peuvent et celles qui ne peuvent pas se permettre de souscrire une assurance contre les risques pour la santé.
L’augmentation de la fréquence des catastrophes et des coûts de reconstruction risque de peser lourd sur les fonds publics. Les montants accordés aux provinces et aux territoires dans le cadre de programmes comme les accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC) du Canada risquent d’être insuffisants pour financer les efforts de reconstruction, compte tenu de la fréquence croissante des catastrophes et de l’augmentation des coûts de constructionNote de fin de page52. Les personnes peuvent avoir à faire face elles-mêmes à davantage de coûts de réparation et de reconstruction après une catastrophe. Elles peuvent également solliciter l’aide de fonds privés en cas d’urgence. Certaines personnes devront peut-être même quitter des régions où elles ne peuvent pas obtenir de prêt hypothécaire. Cela peut conduire à une dépopulation dans certaines régions ou à des changements dans leur composition démographique.
Il pourrait y avoir une augmentation des « risques de vides ». Il s’agit d’activités, d’espaces ou de personnes qui sont possiblement devenus trop risqués pour être assurésNote de fin de page53. Par exemple, lors de la pandémie de COVID-19, la plupart des assureurs ont déclaré que les polices existantes ne couvraient pas les interruptions d’activité en raison de la pandémie. Les conditions météorologiques extrêmes, comme les inondations et les feux de forêt, pourraient devenir moins assurables à mesure qu’ils deviennent plus prévisibles. Alors que les assureurs ont accès à des données de plus en plus granulaires concernant les personnes et les environnements, et qu’ils utilisent l’apprentissage automatique pour détecter et prédire les comportements, ils risquent de n’assurer que les risques qui comportent une grande part d’éléments aléatoires.
La réduction de l’accès à l’assurance habitation pourrait transformer l’espace et le logement. Les décisions relatives à ce qui peut être assuré et à qui peut souscrire une assurance ont façonné les paysages urbains. Comme de plus en plus de maisons ne sont plus assurables, un plus grande nombre de personnes pourraient se tourner vers les logements informels. Il peut s’agir de véhicules récréatifs (VR) ou de tentes. Il pourrait également s’agir de logements multifamiliaux, comme décrits dans L’avenir des ménages. Les personnes qui n’ont pas accès à l’assurance peuvent également manquer de fonds afin de rendre leurs maisons résistantes aux événements climatiques. L’augmentation du nombre de locataires pourrait entraîner une diminution du nombre de personnes qui assurent leur patrimoine. Les exemples issus de l’Australie et du Royaume-Uni montrent qu’une augmentation du taux de location accroît la sous-assuranceNote de fin de page54.
Les maisons qui ne peuvent pas être assurées peuvent aussi ne pas pouvoir être hypothéquées. Cela pourrait réduire la richesse des personnes et des familles au Canada. Les prêteurs hypothécaires exigent des propriétaires qu’ils souscrivent une assurance habitation. L’augmentation du coût de l’assurance habitation pourrait laisser certains propriétaires sans assurance, ce qui les mettrait dans l’impossibilité de respecter les conditions de leur prêt hypothécaire. Ils peuvent également être dans l’incapacité de vendre parce que des acheteurs potentiels ne peuvent pas non plus obtenir un prêt hypothécaire. Cette situation pourrait avoir des répercussions considérables sur le secteur immobilier et entraîner une augmentation des appels à des programmes d’aide publique.
De plus petites parties prenantes peuvent entrer sur le marché de l’assurance avec de nouveaux types de produitsNote de fin de page55. La micro-assurance est généralement destinée aux consommateurs les plus pauvres. Toutefois, cela pourrait être élargi à mesure qu’un plus grand nombre de personnes sont confrontées à des primes plus élevées de la part d’entreprises plus importantes. Davantage de consommateurs peuvent rechercher une assurance plus souple ou encore une assurance contre de nouveaux risques. D’autres sociétés en matière de micro-assurance ciblant des risques particuliers pourraient voir le jour.
Les entreprises peuvent avoir besoin de différentes assurances afin de gérer les risques liés à la chaîne d’approvisionnement. Les chaînes d’approvisionnement deviennent de plus en plus complexes et vulnérables face aux perturbations causées par des catastrophes naturelles ou d’origine humaine qui sont de plus en plus fréquentes. Les entreprises canadiennes peuvent avoir besoin de nouveaux types de couverturesNote de fin de page56. Des lacunes à court terme dans les types de couvertures pourraient accroître les risques. À plus long terme, les coûts d’assurance pour les entreprises peuvent augmenter en raison des différents types de couvertures requis. Cela pourrait entraîner une hausse des coûts pour les consommateurs.
L’augmentation des demandes d’indemnisation en raison des catastrophes naturelles pourrait remettre en cause le fonctionnement du marché mondial de la réassurance. Les assureurs nationaux risquent de s’effondrer si une catastrophe locale entraîne de nombreuses réclamations. Ils utilisent le marché mondial de la réassurance pour souscrire à ce risque. Les changements climatiques pourraient rendre plus difficile la diversification des réassureurs. Cela pourrait avoir une incidence sur leur solvabilité. Le secteur pourrait s’orienter vers des formes non traditionnelles de réassurance. Il peut s’agir par exemple d’obligations catastrophes ou d’obligations vertesNote de fin de page57. Le fonctionnement actuel du marché de l’assurance des consommateurs pourrait subir des transformations en conséquence. Cela pourrait exercer une influence sur les types d’assurance et leur disponibilité à l’avenir.
L’assurance communautaire pourrait devenir davantage importante. Cela pourrait couvrir des risques climatiques que d’autres assureurs ne couvrent pas. Par exemple, les communautés pourraient mettre en commun leurs ressources en vue de réparer les infrastructures locales comme les parcs ou les centres communautaires après une catastropheNote de fin de page58.
5.0 L’avenir des attentes des jeunes
L’avenir des jeunesNote de fin de page59 constitue l’avenir du parcours de vie au Canada. Les aspirations et les attentes des jeunes sont façonnées au moyen des politiques gouvernementales. Ces politiques fournissent les structures autour desquelles les personnes bâtissent leur vie. L’évolution rapide de l’économie, de la société et de l’environnement crée de nouveaux risques. Ces éléments peuvent avoir des répercussions sur ce qui est considéré comme un parcours de vie normatif. Ils peuvent participer à modifier ce que les jeunes attendent de leur avenir.
Les jeunes d’aujourd’hui ne sont peut-être pas pas en mesure de planifier leur avenir avec autant de confiance que les générations précédentes. Leur seule certitude est que l’avenir est incertain. L’évolution des attentes des jeunes peut mener à de nouvelles exigences en matière de politiques et de programmes gouvernementaux.
Ci-dessous se trouvent 3 changements majeurs que les décideurs politiques devraient prendre en compte lorsqu’ils réfléchissent à l’avenir des attentes des jeunes.
5.1 Facteur qui change la donne 1 : Les jeunes sont de plus en plus précaires sur le plan économique et pourraient le rester tout au long de leur vie
Dans cet avenir, la majorité des jeunes sont confrontés à un marché du travail particulièrement difficile. L’écart de richesse entre les générations se creuse. Il pourrait se renforcer de lui-même. Cela pourrait nuire à la capacité de nombreux jeunes à accumuler des actifs et des richesses.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
Par rapport aux générations précédentes, les jeunes adultes sont confrontés à des revenus inférieurs et à un coût de la vie plus élevé. Au cours des 45 dernières années, les revenus marchands des personnes âgées de 16 et 24 ans ont chuté de 24 %. Les transferts gouvernementaux ont chuté quant à eux de 75 %Note de fin de page60. À l’échelle mondiale, la moitié des membres de la génération du millénaire et de la génération Z indiquent vivre d’un chèque de paye à l’autreNote de fin de page61.
Les jeunes d’aujourd’hui sont plus endettés que ceux des générations précédentes. Le nouveau diplômé moyen, titulaire d’un baccalauréat, a une dette d’études de 28 000 $Note de fin de page62. Un jeune sur quatre a recours à l’endettement pour couvrir ses frais de subsistanceNote de fin de page63. Les niveaux élevés d’endettement reflètent l’augmentation des frais de scolarité. En 1980, les frais de scolarité moyens pour un diplôme de premier cycle au Canada s’élevaient à 2 511,00 $ de 2023Note de fin de page64. En 2023, il s’élèvera à 7 076 $Note de fin de page65. L’augmentation du coût de la vie a également accru le besoin de prêts étudiants.
L’emploi des jeunes est précaire. Les jeunes connaissent une plus grande insécurité de l’emploi et bénéficient de moins d’avantages que les générations précédentes. Cela est attribuable à des changements techniques et économiques. En outre, les attentes du marché du travail évoluent. La délocalisation, l’économie de plateforme et l’automatisation au moyen de l’IA en sont les raisons. Le marché du travail est tendu. La plupart des emplois vacants concernent des postes de service de niveau débutant, qui nécessitent peu d’expérience et sont faiblement rémunérésNote de fin de page66.
Les jeunes sont plus susceptibles de se mobiliser dans le travail à la demande que les adultes plus âgés. Les personnes au Canada âgées de 18 à 34 ans représentent 43 % de l’ensemble des travailleurs indépendantsNote de fin de page67. Les jeunes qui exercent un travail temporaire indépendant ont aussi des revenus imprévisibles. Ils ne bénéficient pas d’avantages comme l’assurance-emploi, les congés de maladie et les cotisations de retraite versées par l’employeurNote de fin de page68. Les travailleurs temporaires indépendants représentent désormais plus de 20 % de la main-d’œuvre. Ils constituent aussi le groupe de travailleurs dont la croissance est la plus rapide au CanadaNote de fin de page69. La moitié des travailleurs indépendants estiment qu’ils exercent leur activité à long terme. Il est prouvé que certains travailleurs préfèrent la flexibilité offerte par ce type d’emploiNote de fin de page70. Cela remet en question l’idée selon laquelle les jeunes se sortiront du travail précaire en vieillissantNote de fin de page71. Une proportion croissante de jeunes occupe aussi plusieurs emplois. En 1976, cela concernait 1,3 % des jeunes femmes actives non scolarisées. En 2019, ce pourcentage est passé à 8,4 %. Chez les hommes, l’augmentation est passée de 2,3 % à 5,2 %Note de fin de page72.
5.2 Facteur qui change la donne 2 : Les changements climatiques peut amener les jeunes à réévaluer leurs attentes quant à l’avenir
Les changements climatiques ont une incidence sur la santé mentale des jeunesNote de fin de page73. Ils se sentent désemparés face à l’avenir. Cela peut modifier les valeurs sociales, les comportements ainsi que les pratiques.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
Les jeunes ont tendance à être plus conscients des effets des changements climatiques et davantage préoccupés par ses risques. Les jeunes adultes au Canada sont, en moyenne, plus préoccupés que leurs aînés par les questions environnementalesNote de fin de page74. Ils sont parfaitement conscients des risques existentiels posés par les changements climatiques. Ils sont également conscients des conséquences potentielles des changements climatiques pour leur propre avenir. Les jeunes sont à l’avant-garde des mouvements pour la lutte contre les changements climatiques, tant au Canada que dans le reste du monde. Certains mouvements plus radicaux ont même commencé à émergerNote de fin de page75. Ces mouvements appellent à passer de l’éco-anxiété à « l’écofureur »Note de fin de page76. La fureur est largement dirigée contre les gouvernements et les personnes ultra-riches.
Les changements climatiques ont des répercussions sur la santé mentale et physique des jeunes. Les effets des changements climatiques sont particulièrement graves pour les enfants et les jeunesNote de fin de page77. Il s’agit notamment des phénomènes météorologiques extrêmes, des déplacements de population ainsi que de la pollution atmosphérique. Par exemple, les enfants sont plus sensibles à la fumée des feux de forêtNote de fin de page78. Ils sont davantage vulnérables à l’hyperthermie et à la déshydratation en cas de chaleur extrêmeNote de fin de page79. Les conditions météorologiques extrêmes entraînent aussi une augmentation des visites aux urgences pour des enjeux de santé mentale. Elles ont des répercussions sur la capacité d’apprentissage des jeunesNote de fin de page80. La moitié des jeunes au Canada se sentent effrayés, anxieux, tristes et impuissants face aux changements climatiquesNote de fin de page81. Ils estiment que leur génération n’a pas de chance par rapport aux autres générationsNote de fin de page82. Quelque 78 % affirment que les changements climatiques ont des répercussions sur leur santé mentale générale. Quelque 37 % indiquent que cela a des répercussions sur leur vie quotidienneNote de fin de page83.
Les jeunes citent les changements climatiques comme une raison de prendre des décisions différentes dans leur vie. Près de 2 personnes sur 5 hésitent à avoir des enfants en raison des changements climatiquesNote de fin de page84. Ceux qui ont des enfants peuvent être confrontés à une anxiété accrue au sujet de l’avenir de ces derniers. De plus en plus de parents s’organisent pour défendre des politiques de lutte contre les changements climatiques, car ils souhaitent améliorer l’avenir de leurs enfantsNote de fin de page85, Note de fin de page86. Certains jeunes se demandent s’il est utile d’épargner pour la retraite. Ils s’attendent plutôt à ce que le monde soit inhabitable lorsqu’ils vieilliront. Ils choisissent de donner la priorité au présent et de se concentrer sur l’acquisition d’une plus grande autonomie ou d’une vie plus simpleNote de fin de page87.
5.3 Facteur qui change la donne 3 : Les gouvernements et les institutions clés peuvent éprouver des difficultés à impliquer les individus lorsqu’ils sont jeunes, et par la suite tout au long de leur vie
Les facteurs qui influencent la confiance à l’égard du gouvernement pourraient être plus persistants dans la vie des jeunes. Il s’agit notamment de faibles revenus, de difficultés économiques ainsi que d’un statut social peu élevé. Cela pourrait avoir une incidence l’efficacité des institutions clés à l’avenir.
Les forces de changement qui soutiennent ce facteur qui change la donne
Les jeunes du Canada sont davantage démobilisés des processus démocratiques que les générations plus âgées. Ils sont moins susceptibles de voter que les baby-boomers. Ils sont moins à même de dire que le système électoral est juste et représentatifNote de fin de page88. La participation des jeunes aux élections a diminué au fil du tempsNote de fin de page89. Les jeunes s’intéressent cependant aux questions politiquesNote de fin de page90. Beaucoup se mobilisent dans le cadre d’activités non électorales comme la protestation, le boycottage, l’échange d’informations politiques ou la signature de pétitionsNote de fin de page91.
Les jeunes sont moins à même d’accepter les autorités traditionnelles et les récits établis. La moitié des jeunes consultent des nouvelles au moins une fois par jourNote de fin de page92. Et la plupart le font en ligneNote de fin de page93. Mais ils sont moins susceptibles que les groupes plus âgés de faire confiance aux organes de presse établisNote de fin de page94. Au lieu de cela, ils recherchent un large éventail de sources d’information différentesNote de fin de page95. Certaines sont fondées sur des faits, tandis que d’autres peuvent relever de la désinformation.
Les jeunes se méfient des institutions clés. Cette situation est attribuable à la privation des droits économiques et aux changements climatiques. Il peut en être ainsi tout au long de leur vie. Les jeunes sont moins susceptibles que les adultes plus âgés de faire confiance au gouvernement. Ils sont également moins susceptibles de faire confiance aux services de police, aux tribunaux, aux écoles, aux banques, aux entreprises ou aux médiasNote de fin de page96. Le manque de confiance des jeunes à l’égard des institutions est corrélé avec le sentiment de ne pas être entendu. Ils trouvent que les systèmes publics sont optimisés pour les styles de communication inhérents aux générations plus âgéesNote de fin de page97. Les personnes à faible revenu sont particulièrement concernées.
Que peuvent représenter ces changements?
Au cours des prochaines décennies, les changements décrits ci-dessus pourraient se poursuivre et s’intensifier. Une série de conditions sociales et économiques pourraient émerger, mais aucune n’est inévitable. Ne pas y réfléchir pourrait conduire à l’échec des politiques.
Les implications politiques suivantes sont possibles dans un monde où les 3 facteurs en matière de changements susmentionnés sont présents. Cette liste n’est pas exhaustive et les décideurs politiques sont invités à approfondir leur réflexion sur les défis et les possibilités énumérés ici.
Conséquences
L’insécurité financière, le changement climatique et le sentiment d’être déconnecté des institutions clés peuvent faire naître chez de nombreux jeunes un sentiment de désespoir face à l’avenir. Ces facteurs s’alimentent mutuellement dans le cadre d’un cercle vicieux. Une mauvaise santé mentale et un environnement médiatique complexe constituent d’autres facteurs. La détresse psychologique est associée aux difficultés financières. Elle est davantage prononcée chez les personnes célibataires, les chômeurs, les personnes à faible revenu et les locataires. Tous ces facteurs sont aussi associés à la jeunesseNote de fin de page98. Les jeunes peuvent aussi s’attendre à un effondrement environnemental, économique ou social au cours de leur vie. Ces facteurs peuvent entraîner un plus grand nombre de jours sans travailler et un moins bon rendement au travail. Les jeunes peuvent être inhibés concernant leur prise de décision. Ils peuvent être réticents à investir dans des institutions et des actifs établis comme les fonds de retraite et le logement.
La précarité économique et les changements climatiques peuvent modifier les attentes et les expériences des jeunes en matière de logement. Les politiques actuelles en matière de logement risquent de ne pas répondre aux attentes des jeunes pour l’avenir. Les jeunes pourraient tourner le dos aux villes où le coût de la vie est très élevé. Ils pourraient se tourner vers des régions plus abordables, tant au Canada ou à l’étranger. Nombreux sont ceux qui abandonnent l’idée d’accéder à la propriété. Ils peuvent s’attendre à toujours vivre avec leurs parents, des colocataires ou même des personnes âgées, comme le montre L’avenir des ménages.
Les jeunes du Canada ne s’attendent peut-être pas à ce que les gouvernements et les institutions les soutiennent lorsqu’ils vieillissent. Historiquement, en vieillissant, les jeunes font souvent la paix avec le système. Cela se produit lorsqu’ils accumulent des responsabilités, deviennent propriétaires ou élèvent une familleNote de fin de page99. Cependant, les jeunes d’aujourd’hui se méfient des tentatives de mesures de soutien des gouvernements et des institutions. Leur confiance à l’égard des institutions clés peut ne pas augmenter avec l’âge. Des facteurs comme les faibles revenus et le statut social inférieur ont des répercussions sur la confiance à l’égard du gouvernement. On s’attend à ce que ces facteurs soient davantage persistants tout au long de la vie des jeunes. En vieillissant, les jeunes peuvent rester méfiants à l’égard du gouvernement. Ils peuvent continuer à se désintéresser des processus démocratiques. Ils peuvent préférer d’autres formes d’organisation et de mesures politiques. L’unité nationale et la légitimité du gouvernement pourraient alors s’éroder. Le sentiment qu’un contrat intergénérationnel a été rompu peut se développer. Les gouvernements de l’avenir pourraient être moins en mesure de s’appuyer sur le soutien populaire et l’autorité morale afin d’atteindre leurs objectifs politiques.
Les jeunes sont préoccupés par la satisfaction de leurs besoins fondamentaux à court terme. Ils peuvent être incapables de planifier l’avenir. Beaucoup n’ont pas les moyens d’investir dans l’épargne-retraite ou encore l’assurance. Cela les rend vulnérables à l’effondrement financier ou encore au sans-abrisme. De faibles revenus, une épargne réduite ainsi que des niveaux d’endettement élevés peuvent placer de nombreuses personnes sur une trajectoire de désavantage tout au long de leur vie. Des récessions à venir ou des transformations du marché du travail pourraient exacerber la situation. Ces facteurs peuvent aussi contribuer à une réticence à prendre des risques. Un plus grand nombre de jeunes pourraient préférer la stabilité à l’esprit d’entreprise, comme cela est exploré dans L’avenir de l’assurance.
6.0 Conclusion
L’incertitude peut devenir une force palpable qui participe à remodeler l’avenir du parcours de vie. Les pressions exercées sur l’économie et l’environnement peuvent rendre l’avenir plus difficile à prévoir. Les technologies y contribueront également. Les changements radicaux en cours peuvent devenir des conditions prédominantes.
Ce rapport explore les changements dans 3 domaines : la composition des ménages, l’assurance ainsi que les attentes des jeunes. Il éclaire la façon dont la vie des personnes au Canada pourrait changer à moyen terme. Le rapport examine comment ces 3 domaines clés s’influencent à la fois mutuellement et de multiples façons. Il examine également les stratégies utilisées par les personnes afin de s’adapter à l’incertitude et de se protéger contre les risques. Elles vont de l’assurance privée aux relations sociales.
À l’avenir, de nouvelles forces de changement pourraient créer de nouveaux risques et de nouvelles exigences. Les valeurs et les normes sociales peuvent continuer à évoluer. Les personnes peuvent reconsidérer leurs aspirations normatives. Elles peuvent rejeter les étapes traditionnelles de la vie. Les personnes peuvent constituer des familles atypiques. Elles peuvent repenser leur relation avec le gouvernement ainsi qu’avec d’autres institutions clés.
Les forces de changement peuvent amener de nombreuses personnes à se remettre en question et perturber les politiques existantes. Toutefois, elles peuvent également créer un espace d’innovation et d’occasions.
Remerciements
Ce rapport de prospective synthétise les réflexions, les idées et les analyses de nombreux contributeurs et contributrices à travers des recherches, des entretiens, des conversations et des ateliers. L’équipe du projet souhaite remercier les expert.e.s qui ont généreusement partagé leur temps et leur expertise pour soutenir la recherche, y compris ceux et celles qui ont choisi de rester anonymes.
Équipe du projet
John Beasy, analyste, recherche en prospective
Christopher Hagerman, gestionnaire intérimaire, recherche en prospective
Amanda Joy, analyste, recherche en prospective
Nicole Rigillo, analyste principale et chef de project, recherche en prospective
Simon Robertson, directeur, recherche en prospective
Tieja Thomas, gestionnaire, recherche en prospective
Kristel Van der Elst, directrice générale
Meaghan Wester, analyste, recherche en prospective
Communications
Mélissa Chiasson, conseillère en communication
Laura Gauvreau, gestionnaire, communications
Andrew Wright, rédacteur (externe)
© Sa Majesté le Roi du chef du Canada, 2024
Pour obtenir des informations sur les droits de reproduction : https://horizons.gc.ca/fr/contactez-nous/
PDF: PH4-199/2024F-PDF
ISBN: 978-0-660-71298-7