L’avenir de l’IA générative

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Que pourrait-on voir cinq ans après le lancement de ChatGPT?

AVERTISSEMENT
Horizons de politiques Canada (Horizons de politiques) est le centre d’excellence en prospective du gouvernement du Canada. Notre mandat est de doter le gouvernement du Canada d’une perspective et d’un état d’esprit tournés vers l’avenir afin de renforcer la prise de décisions. Le contenu de ce document ne représente pas nécessairement le point de vue du gouvernement du Canada ou des agences et ministères participants.

La première itération de cette note de prospective (mai 2023) explore certains changements et perturbations potentiels qui pourraient survenir en raison des technologies génératives d’intelligence artificielle (IA) au cours des cinq prochaines années.

Alors que ChatGPT a attiré l’attention du monde entier, cette note de prospective met en lumière huit choses essentielles à savoir sur l’IA générative, ainsi que des implications importantes dans trois domaines clés : les infrastructures essentielles, les conditions de travail et de marché, ainsi que la production et le traitement de contenu.

L’IA générative pourrait libérer l’innovation scientifique, augmenter la productivité et changer la façon dont les gens trouvent l’information. Ces technologies sont également susceptibles de créer des perturbations et des défis pour de nombreux domaines politiques. En réfléchissant à ce qui pourrait se produire à l’avenir, Horizons de politiques Canada vise à renforcer la prise de décision au sein du gouvernement du Canada.

Introduction

L’intelligence artificielle (IA) générative est une technologie qui amène un changement de paradigme, susceptible de libérer l’innovation scientifique, augmenter la productivité et changer la façon dont les gens trouvent des informations en ligne. Elle suscite un certain nombre d’inquiétudes quant à la manière dont elle pourrait perturber les marchés du travail. Elle a également des conséquences importantes pour les infrastructures canadiennes essentielles, ainsi que pour la production et le traitement du contenu.

Alors que les développements de l’IA générative remontent aux années 1950, diverses améliorations ont conduit à l’émergence de l’IA générative que nous connaissons aujourd’hui.[1],[2] À la fin de 2022, la société américaine OpenAI a publié des versions gratuites de ChatGPT (un outil pour le texte généré par l’IA) et de DALL-E (un outil pour les images et les œuvres d’art générées par l’IA). En 2023, OpenAI a publié GPT-4, la première d’une série des IA multimodales, ce qui signifie qu’elles peuvent utiliser une variété de formats de médias différents en tant qu’entrées et/ou sorties.[3]

ChatGPT est un produit commercial qui utilise l’IA générative (voir le tableau 1 pour des exemples de capacités et de produits de l’IA générative). « GPT » dans ChatGPT signifie « generative pretrained transformer ». Tous les produits de l’IA générative sont construits sur des modèles de base préalablement entraînés, qui sont formés à partir de vastes ensembles de « données non étiquetées qui peuvent être utilisées pour différentes tâches, avec un ajustement minimal ».[4] Cela permet à ces technologies de déterminer des modèles et des structures dans les données existantes afin de générer un contenu nouveau et original.

Les algorithmes de l’IA générative peuvent rapidement générer ou créer divers types de contenus apparemment nouveaux, notamment des textes, des images, des vidéos, des sons et des données synthétiques.[5] Les outils de l’IA générative sont utilisés pour écrire du code informatique[6] et des dissertations de niveau universitaire,[7] ainsi que pour développer des univers de jeux vidéo plus réalistes et interactifs.[8] Ils permettent également la création rapide de contenus préjudiciables comme la désinformation,[9],[10] la pornographie de vengeance[11] et les contenus médiatiques destinés à semer la discorde sociale.[12] De plus, comme les algorithmes d’IA reflètent les valeurs et les hypothèses de leurs créateurs, ils peuvent perpétuer des préjugés conscients et inconscients qui conduisent à l’exclusion ou à la discrimination.

Tableau 1 : Exemples de capacités et de produits de l’IA générative
Mode Cas d’utilisation Modèles de l’IA qui alimentent les produits commerciaux Produits commerciaux

Texte

  • Génération de contenu
  • Synthèse
  • Réponse aux questions
  • GPT-4
  • LaMBDA
  • LLaMA
  • ChatGPT
  • Microsoft Bing
  • Google Bard
Image
  • Génération texte-image
  • Manipulation d’images
  • Mise à l’échelle de la résolution
  • DALL-E 2
  • Stable Diffusion
  • Midjourney
  • Image Creator de Microsoft Bing
  • Adobe Firefly
  • Nvidia Picasso
Vidéo
  • Génération de texte-vidéo
  • Manipulation vidéo
  • Mise à l’échelle de la résolution
  • First Order Motion Model
  • Modelscope
  • Adobe Sensei
  • Synthesia
  • Make-A-Video
  • Adobe Premier
Modèles 3D
  • Génération de modèles 3D
  • Édition de modèles 3D
  • Animation de modèles 3D
  • Point-E
  • Get3D
  • BioNeMo
  • Move.ai
  • Masterpiece Studio
  • Sloyd
Musique
  • Génération de musique
  • Changement de style musical
  • Remixage
  • MuseNet
  • MusicLM
  • Soundraw
  • Jukebox AI
Discours
  • Synthèse vocale
  • Reconnaissance vocale
  • Manipulation de la voix
  • Audio LM
  • VALL-E
  • Murf AI
  • Jouer.ht
  • Resemble AI
Codage
  • Génération de codes
  • Achèvement du code
  • Codage en langage naturel
  • GPT-4
  • Codex AI
  • ChatGPT
  • Github Copilot X
Certains modèles de l’IA sont multimodaux, ce qui signifie qu’ils peuvent utiliser une variété de formats de médias différents en tant qu’entrées et/ou sorties. Par exemple, le GPT-4 peut générer du texte sur la base d’une mesure incitative contenant à la fois du texte et une image.

Huit choses à savoir sur l’IA générative

L’IA générative suscite actuellement beaucoup d’intérêt et fait l’objet d’une couverture médiatique importante. Voici quelques points clés à garder à l’esprit :

1. L’IA générative est susceptible de comporter des erreurs qu’il est difficile de détecter.

Si les modèles linguistiques étendus (MLE) comme ChatGPT peuvent sembler aussi « intelligents » que les humains, ils s’apparentent davantage à des systèmes de remplissage automatique bien élaborés. Ils sont donc susceptibles de comporter des erreurs. Ils peuvent générer des textes qui semblent crédibles, mais qui sont incorrects ou absurdes. Certains éminents chercheurs dans le domaine de l’IA se demandent s’il existe une solution technique à ce problème ou s’il faut passer à de nouveaux types d’IA afin de le résoudre.[13]

2. Les données utilisées pour former les modèles de l’IA générative pourraient porter atteinte à la vie privée et aux droits de propriété intellectuelle.

De nombreux modèles génératifs sont formés à partir de grands pans d’Internet. Cela a des répercussions sur la propriété intellectuelle, la vie privée, l’utilisation équitable et l’exploitation équitable. Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et l’autorité italienne de protection des données enquêtent sur ChatGPT afin de déterminer s’il y a eu violation de la vie privée.[14] Le générateur d’images Stable Diffusion fait l’objet d’une action collective en justice pour violation du droit d’auteur de la part d’artistes et d’une autre de la part de Getty Images. Open AI et Microsoft font l’objet de poursuites en matière de droits d’auteur concernant Github Copilot.[15] Les plaintes pour violation du droit d’auteur fondées sur le contenu vocal généré par l’IA de musiciens comme Drake pourraient s’avérer difficiles à défendre, car le contenu généré par l’IA n’est pas une copie conforme de quoi que ce soit d’existant.[16] Les décisions rendues dans de tels cas pourraient ébranler les fondements sur lesquels ces technologies fonctionnent.

3. Les données utilisées pour former les modèles de l’IA générative peuvent également perpétuer les préjugés.

L’utilisation de données tirées d’Internet pour créer de nouveaux contenus générés par l’IA amplifie de manière disproportionnée les points de vue de ceux qui sont surreprésentés sur Internet, à savoir les anglophones.[17] Par conséquent, certaines perspectives culturelles sont mises en avant, tandis que les perspectives de personnes non anglophones, de femmes, de personnes âgées, de personnes autochtones, de personnes avec handicap et d’autres groupes marginalisés ont tendance à être exclus.[18],[19],[20] Étant donné que plusieurs modèles d’IA sont à source fermée et ne sont donc pas transparents pour leurs auditeurs et les utilisateurs, ces biais peuvent être difficiles à identifier et à traiter.

4. L’IA générative pourrait néanmoins ouvrir une nouvelle ère en matière d’innovation et de gains de productivité.

L’IA générative est une technologie polyvalente qui pourrait accélérer les développements scientifiques. Elle pourrait perturber certains domaines de travail. Elle peut également accroître la productivité dans tous les secteurs, améliorer l’accessibilité et remodeler l’éducation.

5. Il pourrait être difficile d’exploiter les gains en matière d’innovation à l’échelle locale en raison de la domination des entreprises basées aux États-Unis, du manque de puissance informatique nationale et des inquiétudes concernant les données hébergées à l’étranger.

La formation de modèles de l’IA générative nécessite des quantités massives de données et de puissance en matière de calcul, ce qui rend les acteurs américains comme OpenAI, Microsoft et Amazon dominants dans ce domaine.[21] Le manque de puissance de calcul à l’échelle nationale pourrait limiter la capacité des entreprises et des chercheurs canadiens à développer des modèles de l’IA générative au Canada. Le stockage ou l’utilisation de données personnelles de Canadiens à l’étranger comporte des risques juridiques et en matière de protection de la vie privée. Cela peut créer des obstacles à la recherche et au développement d’applications qui reposent sur des centres de données basés à l’étranger. Des collaborations internationales financées par le gouvernement  sur le développement de l’infrastructure de l’IA voient le jour afin de contrebalancer la domination des acteurs privés.[22]

6. Il n’est pas évident de savoir où la valeur de l’utilisation de l’IA générative sera récupérée.

La gamme technologique de l’IA générative comprend les applications, les modèles de l’IA générative qui alimentent les applications et l’infrastructure qui permet aux modèles et aux applications de fonctionner. Dans certains cas, cela peut s’avérer difficile de gagner de l’argent avec des modèles propriétaires et fermés comme le GPT-3. Les modèles de l’IA générative en libre accès[23],[24] permettent à tout un chacun de développer gratuitement ses propres applications. Si un nombre suffisant de personnes adoptent ces modèles en libre accès, et si ces modèles affichent un rendement suffisant, les modèles à source fermée deviendront moins attrayants. Plusieurs couches et acteurs sont impliqués. La tendance au libre accès et les litiges en matière de propriété intellectuelle non encore résolus décrits ci-dessus font qu’il est difficile de prédire où et pour qui l’IA générative créera le plus de valeur, et où cette valeur sera récupérée. Les fournisseurs d’infrastructures sont probablement parmi les mieux placés pour tirer parti de cet écosystème.[25] Le montant de la valeur générée pour le Canada et à l’intérieur du pays reste toutefois incertain.

7. La rapidité des progrès arrimée aux lacunes de la réglementation pourrait entraîner des risques complexes et imprévus.

L’IA a des répercussions sur la société, l’environnement, l’économie, la politique et les valeurs. Les approches réglementaires actuelles se concentrent sur les produits finis plutôt que sur l’intégration de normes dans le processus de développement technologique. Par exemple, il n’est pas nécessaire actuellement de déterminer le type de données utilisées pour former un modèle de l’IA.[26] Cette lacune, conjuguée à l’évolution rapide des systèmes et applications de l’IA générative, pourrait entraîner des risques complexes et imprévus. En outre, le rythme rapide du développement pourrait rendre difficile l’adaptation des réglementations relatives à l’IA à l’avenir.

8. L’IA générative pourrait soulever de nouvelles préoccupations concernant les coûts environnementaux du calcul.

L’IA générative est une technologie particulièrement gourmande en termes d’énergie et d’eau, tant pour son développement que pour son utilisation.[27],[28] Les technologies de l’information et de la communication (TIC) qui soutiennent le développement et l’utilisation de l’IA générative sont également énergivores. Une estimation place l’empreinte totale des TIC entre 2,5 % et 3,7 % de toutes les émissions mondiales de gaz à effet de serre.[29] Ce chiffre dépasse les émissions des vols commerciaux (environ 2,4 %).[30] L’industrie des technologies de l’information (TI) pourrait finir par doubler son empreinte carbone au cours de la prochaine décennie, tandis que d’autres industries évoluent dans la direction opposée.[31]

Trois domaines clés de répercussions au cours des cinq prochaines années

L’IA générative est estimée comme une technologie transformatrice qui pourrait stimuler les niveaux de productivité stagnants et déclencher une nouvelle vague d’innovation scientifique. Selon une estimation récente, l’IA générative pourrait entraîner une augmentation de 7 % du produit intérieur brut mondial sur une période de dix ans.[32] Elle pourrait ajouter environ 7 000 milliards de dollars par an et augmenter la productivité nette du travail de 1,5 point de pourcentage par an dans les pays occidentaux au cours des dix prochaines années.[33] L’utilisation de l’IA générative afin de résoudre les problèmes de la science du repliement des protéines pourrait conduire à de nouveaux traitements contre le cancer, la grippe et la COVID-19.[34] Les données synthétiques pourraient également accélérer l’apprentissage des modèles de l’IA, en particulier pour ceux qui s’appuient sur des données sensibles comme les dossiers des patients.

Si ces gains potentiels sont impressionnants, les technologies de transformation comme l’IA générative sont également susceptibles de créer des perturbations et des défis.

Voici quelques sujets de réflexion pour l’avenir :

Infrastructures essentielles canadiennes

L’IA générative pourrait exercer une pression sur les vulnérabilités existantes dans les infrastructures informatiques essentielles. L’utilisation d’applications de l’IA générative par les entreprises, les administrations et le public repose sur des infrastructures nationales comme les câbles terrestres à fibre optique et les centres de données. Les centres de données devraient être multipliés par dix entre 2022 et 2032.[35] Une grande partie de cette croissance sera probablement causée par l’IA générative. La distribution des centres de données au Canada est déjà très concentrée : la majorité des centres de données sont situés à Montréal et à Toronto. Cela signifie qu’un événement critique dans l’une ou l’autre de ces villes pourrait mettre hors service Internet dans une grande partie du Canada. Cela pourrait devenir problématique dans un avenir où les attaques de centres de données par des acteurs étatiques, des groupes extrémistes ou des acteurs isolés deviennent plus fréquentes.[36]

De nombreuses régions du Canada pourraient encore attirer des investisseurs dans les centres de données à court terme, mais la nécessité d’accéder à des ressources stratégiques pourrait entrer en concurrence avec la transition écologique. Par rapport à la plupart des pays, le Canada dispose d’une énergie hydroélectrique renouvelable et bon marché,[37] ainsi que d’un climat frais. Cela pourrait réduire les coûts de refroidissement des centres de données et permettre aux entreprises du secteur de l’IA d’annoncer une empreinte carbone réduite. Toutefois, l’accès aux métaux stratégiques, aux terres, à l’eau et à l’approvisionnement régional en électricité pourrait devenir une question politique de plus en plus controversée à mesure que la demande de centres de données augmentera au cours de la prochaine décennie.[38] L’augmentation du nombre de centres de données, par exemple, pourrait entraîner une augmentation des émissions et des déchets électroniques,[39] ainsi que des appels à la réglementation environnementale. La pression économique en faveur de l’expansion des centres de données peut également entrer en concurrence avec la transition vers les énergies vertes. En effet, le matériel informatique des centres de données utilise un grand nombre de minéraux stratégiques que l’on retrouve dans les panneaux solaires, les batteries électriques et d’autres technologies vertes.

Conditions de travail et de marché

L’IA générative pourrait automatiser partiellement ou totalement le travail créatif et linguistique. Elle est plus susceptible « d’augmenter » le travail technique et en matière de connaissance. Les métiers sont les moins susceptibles d’être touchés. L’IA générative pourrait remodeler radicalement et peut-être automatiser un sous-ensemble étroit de fonctions professionnelles qui reposent sur des travaux créatifs et linguistiques. Ces emplois comprennent la conception graphique, la rédaction et, dans une certaine mesure, la rédaction technique, l’édition et la composition musicale. Au cours des cinq prochaines années, l’augmentation est plus probable pour les rôles où l’IA générative ajoute à la qualité et à la quantité du travail effectué par les humains : informaticien, développeur de logiciels, professionnel des finances et de la comptabilité, architecte, réceptionniste, représentant du service à la clientèle, technicien et ingénieur. L’IA générative permettra également de renforcer de manière plausible les rôles des dirigeants d’entreprise, des scientifiques et des analystes politiques dans des domaines comme la génération d’idées, l’élaboration d’hypothèses, la synthèse et la prise de décision. Les répercussions seront probablement assez faibles dans le secteur des métiers.

L’IA générative peut automatiser partiellement ou totalement de nombreuses tâches en matière de codage technique. Cela pourrait entraîner une baisse des taux horaires et des licenciements dans ce qui était autrefois estimé comme des emplois technologiques « hautement qualifiés ». Les systèmes de l’IA générative peuvent désormais résoudre des problèmes de codage complexes dans une variété de langages techniques avec un minimum d’aide humaine. La capacité du GPT-4 à écrire des programmes ciblés qui s’appuient sur des bibliothèques de codes publiques, par exemple, « se compare favorablement à la capacité moyenne d’un ingénieur en logiciel ».[40] Le code généré par l’IA peut également être plus facile à lire et à suivre pour les humains. Par exemple, il peut générer automatiquement une documentation en langage clair qui décrit la fonction de chaque section de code d’une manière qui peut être normalisée. Ces capacités accrues pourraient entraîner une baisse des taux horaires dans les emplois technologiques hautement rémunérés, voire une réduction d’emplois.

L’adoption d’outils d’aide à l’IA générative pourrait s’avérer difficile pour les domaines préoccupés par la responsabilité en cas de violation de la vie privée et d’erreurs de jugement. Des domaines comme la médecine, le droit, la banque et les finances pourraient exiger que des humains vérifient les informations générées par l’IA afin de respecter les codes de conduite professionnelle. Rendre ces outils plus fiables et les résultats plus faciles à interpréter pourrait favoriser leur adoption dans ces domaines.[41]

L’utilisation de technologies de l’IA générative spécialisées pourrait conduire à une concentration du marché ou à des mégafirmes dans des domaines où il n’en existait pas auparavant. Le développement de modèles de l’IA générative sur mesure, formés à partir de données propriétaires, pourrait favoriser l’adoption de ces modèles dans des domaines spécialisés. L’IA générative pourrait entraîner de profonds changements dans des secteurs comme le droit, en particulier si la technologie peut prendre en charge une grande partie du travail de manière fiable. Toutefois, les coûts d’adoption de ces technologies pourraient limiter leur adoption aux grandes organisations, ce qui pourrait conduire au développement de mégafirmes.

Production et traitement du contenu

La démocratisation de la production de contenus de haute qualité pourrait nuire à la cohésion sociale. L’adoption de l’IA générative marque un tournant, au même titre que l’essor des médias sociaux et la transition vers le Web 2.0. Si le Web 2.0 a permis aux utilisateurs de générer du contenu et de participer plus activement à des communautés virtuelles et réelles,[42],[43] il a également suscité des inquiétudes concernant les bulles de filtres, la désinformation, l’extrémisme et l’ingérence dans les élections. Grâce à l’IA générative, les personnes seront bientôt en mesure de créer des contenus de divertissement à faible coût et de qualité professionnelle. Cela pourrait donner lieu à un flot de nouveaux contenus amateurs qui ne seraient pas limités par les normes établies par les organistations médiatiques établies. Par exemple, cela pourrait conduire à des longs métrages viraux de grande qualité exprimant de la désinformation, des griefs et de la haine contre les dirigeants politiques, les immigrés ou les femmes.

L’IA générative pourrait améliorer l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap en modifiant la perception d’une nouvelle manière. Les produits de l’IA générative multimodale, comme l’application bêta de la jeune entreprise danoise Be my Eyes, s’appuient désormais sur le GPT-4 plutôt que sur des bénévoles humains pour décrire des images en temps réel à l’intention des personnes souffrant de déficiences visuelles. Les utilisateurs peuvent cliquer sur une photo, la partager au moyen l’application et demander à un bénévole virtuel doté d’une intelligence artificielle de répondre à toute question concernant cette image et de fournir une assistance instantanée pour une grande variété de tâches. Il peut décrire les aliments présents dans un réfrigérateur, par exemple, et proposer des recettes pour les cuisiner.[44] Les entrées vidéo en direct pourraient offrir des descriptions en temps réel de l’environnement ainsi que d’autres personnes, ce qui changerait la façon dont les personnes souffrant de déficiences visuelles perçoivent le monde et se mobilisent à son égard. De la même manière, les technologies de transcription linguistique en temps réel pourraient modifier les expériences des personnes souffrant de déficiences auditives. Mais ces technologies pourraient également susciter des inquiétudes quant au consentement et à la responsabilité en cas d’erreur.[45]

Conclusion

L’IA générative est une technologie qui favorise un changement de paradigme. Au cours des années 2020, elle devrait connaître une croissance exponentielle, avec des répercussions dans de nombreux secteurs. Étant donné que l’IA générative peut offrir une productivité nettement supérieure à celle du travail humain, il pourrait y avoir une ruée afin de l’utiliser partout où cela est possible.

Le rendement ultime de l’IA générative demeure inconnu. Toutefois, la qualité des résultats obtenus à partir de modèles plus vastes et soutenus par de nouveaux algorithmes peut continuer à surprendre. Au cours des 10 à 15 prochaines années, des technologies de l’IA plus récentes et plus puissantes entraîneront des changements profonds dans de nombreux domaines de la société. Il est probable que cela entraînera des perturbations plus importantes allant bien au-delà des domaines de répercussions initiales ou évidentes comme l’emploi et la productivité.

Les nouvelles technologies sont souvent surestimées à court terme et sous-estimées à long terme. La prospective dans ce domaine pourrait contribuer à jeter les bases d’une préparation à des avenirs davantage perturbés. Si personne ne peut prédire l’avenir de l’IA générative, la prospective stratégique peut cependant aider les responsables politiques et les décideurs à mieux s’y préparer.

Remerciements

La présente note de prospective résume les réflexions, les idées et les analyses de nombreux collaborateurs au moyen de recherches, d’entretiens, de conversations et d’ateliers. L’équipe du projet souhaite remercier les experts qui ont généreusement accepté d’accorder de leur temps ainsi que de faire part de leur expertise en vue de soutenir la recherche, ainsi que ceux et celles qui souhaitent rester anonymes.

Jacob Browning
Associé postdoctoral, science informatique
Université de New York

Wendy Chun
Chaire de recherche Canada 150 et professeure en nouveaux médias à l’école de communication
Université Simon Fraser

Janna Frenzel
Doctorante, études en communication
Université de Concordia

Victoria Fricke
Candidate à la maîtrise en droit de l’intelligence artificielle et en droit des affaires
Université McGill

Sasha Luccioni
Chercheure scientifique et responsable du climat
Hugging Face

Fenwick McKelvey
Codirecteur de l’Applied AI Institute
Professeur adjoint en politique des technologies de l’information et de la communication au sein du département des études en communication
Université de Concordia

Chris Meserole
Directeur, Artificial Intelligence and Emerging Technology Initiative
Membre, Politique étrangère, Strobe Talbott Center for Security, Strategy, and Technology
Brookings Institution

Équipe de projet

Nicole Rigillo, analyste principale en prospective et chef de projet, recherche en prospective
Simon Robertson, directeur, recherche en prospective
Tieja Thomas, gestionnaire par intérim, recherche en prospective
Kristel Van der Elst, directrice générale
Meaghan Wester, analyste en prospective, recherche en prospective

Communications

Mélissa Chiasson, conseillère en communications
Laura Gauvreau, gestionnaire en communications
Nadia Zwierzchowska, conseillère principale en communications

Nous tenons à remercier nos collègues Imran Arshad, John Beasy, Steffen Christensen, Nicole Fournier-Sylvester, Chris Hagerman, Jennifer Lee, Pascale Louis-Miron, Megan Pickup, Elisha Ram et Julie-Anne Turner pour leur soutien à ce projet.

Notes de fin

[1] Yihan Cao, Siyu Li, Yixin Liu, Zhiling Yan, Yutong Dai, Philip S. Yu, et Lichao Sun, « A Comprehensive Survey of AI -Generated Content (AIGC) : A History of Generative AI from GAN to ChatGPT, » arXiv 7 mars, 2023, http://arxiv.org/abs/2303.04226.

[2] Dominique Cardon, Jean-Philippe Cointet, Antoine Mazières et Liz Carey-Libbrecht, « Neurons Spike Back », Réseaux 211 no 5 (2018) : 173-220.

[3] Sébastien Bubeck et coll., « Sparks of Artificial General Intelligence : Early Experiments with GPT-4,” arXiv preprint arXiv:2303.12712 (2023).

[4] « What are Foundation Models? », IBM, repéré le 28 avril 2023, https://research.ibm.com/blog/what-are-foundation-models.

[5] George Lawton, « What Is Generative AI? Everything You Need to Know », Enterprise AI, repéré le 19 avril 2023, https://www.techtarget.com/searchenterpriseai/definition/generative-AI.

[6] Belle Lin, « Generative AI Helping Boost Productivity of Some Software Developers », Wall Street Journal, 22 février 2023, sec. C Suite, https://www.wsj.com/articles/generative-ai-helping-boost-productivity-of-some-software-developers-731fa5a.

[7] Beatrice Nolan, « Two Professors Who Say They Caught Students Cheating on Essays with ChatGPT Explain Why AI Plagiarism Can Be Hard to Prove », Business Insider, repéré le 19 avril 2023, https://www.businessinsider.com/chatgpt-essays-college-cheating-professors-caught-students-ai-plagiarism-2023-1.

[8] Tamulur @Tamulur, « ChatGPT-driven NPC Experiment #1 », TikTok, 16 avril 2023, https://www.tiktok.com/@tamulur?_t=8bd8qABhs10&_r=1.

[9] Giovanni Spitale, Nikola Biller-Andorno et Federico Germani, « AI Model GPT-3 (Dis)Informs Us Better than Humans », arXiv, 31 janvier 2023, https://doi.org/10.48550/arXiv.2301.11924.spi.

[10] Sophia Khatsenkova, « Criminals are Using AI to Sound like Family Members to Scam People,” euronews, 25 mars, 2023, https://www.euronews.com/next/2023/03/25/audio-deepfake-scams-criminals-are-using-ai-to-sound-like-family-and-people-are-falling-fo.

[11] CBS News, “‘Deepfake’ Porn Could Be a Growing Problem as AI Editing Programs Become More Sophisticated, » 17 avril 2023, https://www.cbsnews.com/news/deepfake-porn-ai-technology/.

[12] Noor Al-Sibai, « Google Not Releasing New Video-Generating AI Because of Small Issue With Gore, Porn and Racism », Futurism, repéré le 19 avril 2023, https://futurism.com/the-byte/google-ai-imagen-not-releasing.

[13] Craig Smith, « Hallucinations Could Blunt ChatGPT’s Success – IEEE Spectrum », repéré le 19 avril 2023, https://spectrum.ieee.org/ai-hallucination.

[14] Katyanna Quach, « Canadian Privacy Watchdog Probes OpenAI’s ChatGPT », The Register, 6 avril 2023, https://www.theregister.com/2023/04/06/canadas_privacy_chatgpt/.

[15] Timothy B. Lee, « Stable Diffusion Copyright Lawsuits Could Be a Legal Earthquake for AI », Ars Technica, 3 avril 2023, https://arstechnica.com/tech-policy/2023/04/stable-diffusion-copyright-lawsuits-could-be-a-legal-earthquake-for-ai/.

[16] Nilay Patel, « AI Drake Just Set an Impossible Legal Trap for Google, » The Verge, 19 avril 2023, https://www.theverge.com/2023/4/19/23689879/ai-drake-song-google-youtube-fair-use.

[17] Emma Charlton, « Chart of the Day: The Internet Has a Language Diversity Problem, » World Economic Forum, 13 décembre 2018, https://www.weforum.org/agenda/2018/12/chart-of-the-day-the-internet-has-a-language-diversity-problem/.

[18] Emily M. Bender et coll., « On the Dangers of Stochastic Parrots: Can Language Models Be Too Big?,” dans Proceedings of the 2021 ACM Conference on Fairness, Accountability, and Transparency. https://dl.acm.org/doi/10.1145/3442188.3445922.

[19] Safiya Umoja Noble, « Algorithms of Oppression : How Search Engines Reinforce Racism », dans Algorithms of Oppression (New York University Press, 2018), https://doi.org/10.18574/nyu/9781479833641.001.0001.

[20] James Vincent, « Twitter Taught Microsoft’s AI Chatbot to Be a Racist Asshole in Less than a Day », The Verge, 24 mars 2016, https://www.theverge.com/2016/3/24/11297050/tay-microsoft-chatbot-racist.

[21] Meredith Whittaker, « The Steep Cost of Capture », SSRN Scholarly Paper, Rochester, NY, 2021, https://papers.ssrn.com/abstract=4135581.

[22] Mario Kovač, « European Processor Initiative : The Industrial Cornerstone of EuroHPC for Exascale Era, » in Proceedings of the 16th ACM International Conference on Computing Frontiers, 2019 : 319.

[23] Stefan Baack, « Datafication and Empowerment : How the Open Data Movement Re-Articulates Notions of Democracy, Participation, and Journalism, » Big Data et Society 2, no. 2 (1er décembre, 2015) : 2 053 951 715 594 634, https://doi.org/10.1177/2053951715594634.

[24] Starr Hoffman, « Open Source vs. Open Access (vs. Free) », Geeky Artist Librarian (blog), 26 juin 2014, https://geekyartistlibrarian.wordpress.com/2014/06/26/open-source-vs-open-access-vs-free/.

[25] Martin Casado, Matt Bornstein et Guido Appenzeller, « Who Owns the Generative AI Platform », Andreesen Horowitz, repéré le 23 avril 2023, https://a16z.com/2023/01/19/who-owns-the-generative-ai-platform/.

[26] Timnit Gebru, Jamie Morgenstern, Briana Vecchione, Jennifer Wortman Vaughan, Hanna Wallach, Hal Daumé Iii, et Kate Crawford, « Datasheets for Datasets, » Communications of the ACM 64, no. 12 (2021) : 86-92.

[27] Yanan Liu et coll., « Energy Consumption and Emission Mitigation Prediction Based on Data Center Traffic and PUE for Global Data Centers, » Global Energy Interconnection 3, no. 3 (2020) : 272-82.

[28] Chris Stokel-Walker, « The Generative AI Race Has a Dirty Secret », Wired UK, repéré le 20 avril 2023, https://www.wired.co.uk/article/the-generative-ai-search-race-has-a-dirty-secret.

[29] The Shift Project, « ”Lean ICT : Towards Digital Sobriety” : Our New Report, » The Shift Project, 2019, https://theshiftproject.org/en/article/lean-ict-our-new-report/.

[30] Jeff Overton, « Issue Brief : The Growth in Greenhouse Gas Emissions from Commercial Aviation » (2019, révisé en 2022), White Papers, EESI, 2022.

[31] Jennifer Riggins, « Next-Generation Sustainable Data Center Design », The New Stack (podcast), 2 janvier 2020, https://thenewstack.io/next-generation-sustainable-data-center-design/.

[32] « Generative AI Could Raise Global GDP by 7 % », Goldman Sachs, 18 avril 2023, https://www.goldmansachs.com/insights/pages/generative-ai-could-raise-global-gdp-by-7-percent.html.

[33] « Generative AI. »

[34] Cade Metz, « A.I.Turns Its Artistry to Creating New Human Proteins », The New York Times, 9 janvier 2023, sec. Science, https://www.nytimes.com/2023/01/09/science/artificial-intelligence-proteins.html.

[35] Global Market Insights, « Graphics Processing Unit (GPU) market size by component, service, by deployment model, by application, COVID-19 impact analysis, regional outlook, application potential, competitive market share et forecast, 2023-2032”, 2023, https://www.gminsights.com/industry-analysis/gpu-market.

[36] Brian Barrett, « A Far-Right Extremist Allegedly Plotted to Blow up Amazon Data Centers », Wired, 9 avril 2021, https://www.wired.com/story/far-right-extremist-allegedly-plotted-blow-up-amazon-data-centers/.

[37] Barrett, « Far-Right Extremist. »

[38] Steve McLean, « Toronto, Montreal Data Centre Markets Grow, but Face Challenges », Renx.ca, 29 avril 2022, https://renx.ca/toronto-montreal-data-centre-markets-grow-but-face-challenges.

[39] Analyse d’Horizons politiques Canada à partir des tableaux des comptes d’immobilisations du BEA des États-Unis, section 3, tableaux des comptes d’immobilisations, section 3, Immobilisations privées par branche d’activité, pour le matériel des services d’information et de traitement des données, données de 2021. (BEA 2023).

[40] Sébastien Bubeck et coll., « Sparks of Artificial General Intelligence : Early Experiments with GPT-4,” arXiv preprint arXiv:2303.12712 (2023) : 21.

[41] Stephanie Palazzolo, « How Anthropic Cofounder Daniela Amodei Plans to Turn Trust and Safety into a Feature, Not a Bug », Business Insider, 24 avril 2023, https://www.businessinsider.com/anthropic-cofounder-daniela-amodei-trust-safety-generative-artificial-intelligence-2023-4.

[42] Zeynep Tufekci, Twitter and Tear Gas : The Power and Fragility of Networked Protest (Yale University Press, 2017);

[43] Danah Boyd, It’s Complicated : The Social Lives of Networked Teens (Yale University Press, 2014).

[44] Thomas Macaulay, « New GPT-4 App Can Be ‘Life-Changing, » TNW | Deep-Tech, 17 mars 2023, https://thenextweb.com/news/be-my-eyes-app-uses-openai-GPT-4-help-visually-impaired.

[45] S. A. Applin, « Google Is Working on Language-to-Text AR Glasses. It’s a Complicated Idea », Fast Company, 18 mai 2022, https://www.fastcompany.com/90753311/google-is-working-on-language-to-text-ar-glasses-its-a-complicated-idea.


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