Vies futures

Le parcours de vie d’une personne est constitué de la séquence de tous les événements qu’elle a vécus et de tous les rôles qu’elle a joués tout au long de sa vie. Cependant, dans notre ... 13 0,19

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1.0 Avant-propos

Depuis quelques décennies, nombreuses sont les personnes au Canada qui vont à l’école, travaillent, achètent une maison, élèvent une famille et prennent leur retraite vers l’âge de 65 ans. Les gouvernements ont structuré leurs appuis autour de ce parcours de vie typique. Mais le parcours de vie est en train de changer.

De nouveaux rôles et de nouvelles transitions de vie voient le jour. L’étude de la façon dont ces changements pourraient transformer les vies futures pourrait améliorer les résultats de vie de bien des personnes au Canada.

Guidé par son mandat, Horizons de politiques Canada (Horizons de politiques) collabore avec un large éventail de partenaires et d’intervenants pour examiner comment les Canadiens et les Canadiennes pourraient vivre différemment à l’avenir. Nous avons l’intention de recenser les domaines clés du changement social, et de soutenir les responsables politiques et les décideurs dans leur réflexion sur l’évolution du paysage politique.

Au nom d’Horizons de politiques, je tiens à remercier ceux qui nous ont généreusement fait don de leur temps et fait part de leurs connaissances et de leurs réflexions.

Nous espérons que vous trouverez ce travail instructif.

Kristel Van der Elst
Directrice générale
Horizons de politiques Canada

2.0 Résumé

Le parcours de vie d’une personne est constitué de la séquence de tous les événements qu’elle a vécus et de tous les rôles qu’elle a joués tout au long de sa vie. Cependant, dans notre monde en rapide évolution, le parcours de vie type change, et cela pourrait avoir des incidences sur les cadres politiques. Ce rapport présente un cadre initial qui orientera notre réflexion au sujet des changements transformateurs du parcours de vie.

Six composantes du parcours de vie accaparent une grande partie de notre temps, de nos ressources financières et de nos efforts.

Les transformations de ces composantes créeront de nouveaux défis et de nouvelles possibilités dans différents secteurs de la société et de l’économie. Chaque composante peut être considérée séparément, mais elles se chevauchent souvent dans le temps et s’influencent mutuellement. C’est pourquoi il est préférable de les envisager dans leur ensemble.

  • 1. Soins
    • Nous venons au monde en étant dépendants des soins de ceux qui nous entourent, et bon nombre d’entre nous le quitterons de la même manière.
  • 2. Reproduction
    • Pour bien des gens, la création d’une nouvelle vie est un moment charnière du parcours de vie. C’est l’un des principaux moyens grâce auxquels nous établissons des liens entre notre vie et celle des autres.
  • 3. Éducation
    • L’éducation nous permet d’en apprendre davantage sur le monde, et d’y trouver notre place.
  • 4. Travail
    • Pour la plupart d’entre nous, le travail est notre source principale de revenus.
  • 5. Situation de logement
    • Tout le monde a besoin d’un endroit où vivre.
  • 6. Troisième âge
    • Le troisième âge est historiquement associé au fait de travailler moins, et de donner et de recevoir plus de soins.

2.1 Figure 1 : Neuf moteurs de changement

Figure 1 : Neuf moteurs de changement
Figure 1 – Version texte

Neuf moteurs de changement ressortent de nos recherches préliminaires, dont chacun pourrait avoir des effets inattendus sur le parcours de vie.

  1. L’allongement de la durée de vie modifie le moment et la manière dont les gens atteignent certaines étapes de leur vie.
  2. Les gens ont moins d’enfants, et à un âge plus avancé.
  3. L’évolution des normes sociales entourant les familles influe sur les expériences de vie des gens.
  4. Les données et les systèmes fondés sur l’intelligence artificielle sont de plus en plus utilisés pour prendre des décisions à notre sujet, ainsi que pour influencer les décisions que nous prenons nous-mêmes.
  5. La façon dont nous accédons à la richesse et dont nous l’accumulons change, ce qui entraîne une plus grande insécurité économique pour beaucoup de gens, et une plus grande sécurité pour certains.
  6. L’anxiété croissante face aux menaces existentielles comme le changement climatique remet en question les croyances des gens concernant l’avenir.
  7. La migration à destination du Canada et à l’intérieur du pays augmente, mais les tendances futures sont incertaines.
  8. Les forces structurelles qui définissent comment, où et pourquoi nous travaillons au cours de la vie sont en train de changer.
  9. Les attentes des gens à l’égard des options de parcours de vie qui s’offrent à eux remettent de plus en plus en question les contrats sociaux qui reposent sur la cohésion sociale.

Incidences possibles

Ces 9 forces de changement peuvent recouper les 6 composantes du parcours de vie pour transformer les vies futures. À l’avenir, nous pourrions voir les changements suivants :

Soins

  • Les crises sanitaires mondiales pourraient alourdir le fardeau des soins, car les gens vivent plus longtemps et souffrent davantage de maladies chroniques.
  • Ceux qui deviennent parents plus tard dans la vie peuvent avoir besoin de différents types de soutien.
  • Lorsque les gens ont des enfants plus tard dans la vie, les générations futures peuvent assumer la responsabilité des soins aux aînés à un plus jeune âge.

Éducation

  • De fréquentes périodes de chômage au Canada pourraient générer une demande de recyclage professionnel rapide.
  • Des modes de vie plus transitoires pourraient créer une demande de souplesse accrue en matière d’éducation.
  • Des établissements d’enseignement d’un genre radicalement nouveau pourraient demander la reconnaissance du gouvernement.

Situation de logement

  • Un plus grand nombre de personnes au Canada pourraient devoir déménager en raison d’événements climatiques.
  • Un plus grand nombre de gens pourraient migrer temporairement vers le Canada.
  • Des demandes visant à formaliser de nouvelles relations de soins et de cohabitation pourraient voir le jour.

Reproduction

  • Les entreprises technologiques et les détenteurs de données centrales pourraient avoir une influence démesurée sur les décisions concernant la reproduction (qui a des enfants avec qui).
  • Un plus grand nombre de personnes âgées sans enfants pourraient avoir besoin de soins à un âge avancé et manquer d’héritiers évidents.
  • La recherche sur l’impact durable des expériences de la petite enfance peut conduire à de nouveaux défis juridiques.

Travail

  • La division pourrait devenir plus nette entre ceux qui vivent de la richesse accumulée passivement et ceux qui travaillent à plein temps pour gagner leur vie.
  • Le travail de soins pourrait devenir mieux rémunéré – et les soins rémunérés plus coûteux.
  • Les « enfants-influenceurs » peuvent demander aux plateformes de contenu numérique une rémunération équitable, une supervision et des permis de travail, ainsi qu’une refonte des lignes directrices sur les normes de travail.

Troisième âge

  • Les adultes vieillissants pourraient chercher différents moyens d’assurer leur sécurité économique.
  • L’âgisme généralisé pourrait diminuer à mesure que les adultes plus âgés prennent plus de place dans la société par rapport aux autres groupes d’âge.
  • La conception des logements et le développement des infrastructures pourraient évoluer pour répondre aux besoins d’une population vieillissante.

3.0 Introduction

Vies futures explore la façon dont les parcours de vie des personnes au canada pourraient changer.

Au fil des ans, la société a défini en termes généraux un certain type de parcours de vie comme étant « la norme » : naître, aller à l’école, commencer à travailler, quitter le foyer familial, se marier, prendre sa retraite, et ainsi de suite. Depuis la période de l’après-guerre, les gouvernements ont largement structuré les programmes et le soutien offerts aux gens en fonction des rôles et événements de la vie associés à cette norme perçue. Cependant, de très nombreux changements fondamentaux d’ordre social, technologique, économique, environnemental et/ou politique sont en train de transformer nos parcours de vie. Par choix ou par nécessité, certaines personnes au Canada ont rééquilibré le temps qu’elles consacrent aux relations sociales, aux loisirs, à l’emploi et à l’éducation. Par conséquent, ce parcours de vie standard peut ne pas refléter le parcours de vie futur d’un nombre croissant de personnes au Canada. Il se peut également qu’il ne reflète pas les expériences actuelles de certains segments de la population au Canada, comme les peuples autochtones, les immigrants ou les personnes en situation de handicap.

Ce rapport décrit certains éléments clés du parcours de vie de nombreuses personnes au Canada. Il explore les changements qui se produisent dans la société et qui pourraient transformer ces composantes et les parcours de vie en général. Il commence par examiner ce que ces changements pourraient signifier pour le paysage politique.

4.0 Parcours de vie

Qu’entendons-nous par « parcours de vie »?

Le parcours de vie d’une personne est constitué des événements qu’elle a vécus et des rôles qu’elle a joués tout au long de sa vie, ainsi que de la séquence de ces rôles et événements. Nos parcours de vie sont déterminés par des conditions et des contraintes qui échappent à notre contrôle, ainsi que par nos propres choix et décisions. Ils se déroulent dans des contextes historiques, économiques, politiques, culturels, institutionnels et collectifs plus vastes.Note de fin de page1 Nos décisions sont influencées par nos croyances à l’égard de l’avenir, nos états internes et les politiques qui encouragent ou découragent certains choix.

En réfléchissant aux parcours de vie, six composantes de la vie ressortent. Pour beaucoup de gens, ces composantes exigent beaucoup de temps, de ressources financières et d’efforts. Il s’agit des soins, de l’éducation, de la situation de logement, du travail, de la reproduction et du troisième âge. Ces composantes sont influencées par les données, la culture, la société, les structures de gouvernance et les interventions politiques. Elles comportent aussi souvent un ou plusieurs points de décision clés. Chaque composante peut être examinée séparément. Cependant, pour 2 raisons, il est préférable de les envisager dans leur ensemble. Premièrement, elles se chevauchent souvent dans le temps : nous pouvons combiner les rôles de travailleur, de soignant pour nos parents vieillissants et de parent de nos propres enfants. Deuxièmement, elles s’influencent souvent mutuellement : les décisions dans le domaine de l’éducation, par exemple, déterminent nos choix dans le domaine du travail. Par conséquent, les transformations importantes au sein de ces 6 composantes peuvent être importantes pour les politiques futures.

4.1 Soins

Nous entrons dans le monde en étant dépendants des soins de ceux qui nous entourent, et bon nombre d’entre nous le quitterons de la même manière. Les soins consistent à répondre aux besoins physiques, psychologiques, émotionnels et développementaux des autres. Des soins sont nécessaires pendant les périodes de dépendance tout au long du parcours de vie. Ceux qui ont besoin de soins sont généralement les nourrissons, les enfants d’âge scolaire, les personnes malades ou en situation de handicap et les personnes âgées. Au Canada, la plupart des soins sont dispensés, sans rémunération, par des membres de la famille. Les femmes au Canada consacrent environ 2,5 heures de plus par jour que les hommes au travail non rémunéréNote de fin de page2, dont une grande partie est liée aux soins. Des institutions gouvernementales, à but non lucratif et à but lucratif proposent des services de soins rémunérés. Les femmes représentent 75 % des travailleurs dans les professions de soins, comme les soins infirmiers, la médecine, l’éducation de la petite enfance, l’enseignement et les services de soutien à la personneNote de fin de page3. Mais dans l’ensemble, les femmes sont moins bien rémunérées que les hommes dans ce secteur. La pénurie de personnel soignant est une préoccupation émergente. Il y a une demande croissante non satisfaite pour certains types de soins, comme les soins professionnels à domicile.

4.2 Éducation

L’éducation nous permet d’en apprendre davantage sur le monde, et d’y trouver notre place. Elle nous dote de connaissances et de compétences, et peut déterminer notre revenu, notre classe sociale, notre identité et nos réseaux sociaux tout au long de la vie. L’éducation formelle s’est historiquement déroulée dans des institutions, comme les écoles, les collèges et les universités. Aujourd’hui, de nouveaux types de prestataires de services éducatifs apparaissent à toutes les étapes du parcours de vie, comme des écoles maternelles qui optimisent l’apprentissage grâce aux sciences neurologiques et cognitives. De leur côté, les camps spécialisés offrent une formation rapide pour les postes techniques les plus demandés. Les cours en ligne gratuits conçus par de grandes entreprises offrent des emplois privilégiés aux diplômés. L’éducation au Canada est largement financée par des particuliers et divers ordres de gouvernement.

4.3 Situation de logement

Tout le monde a besoin d’un endroit où vivre. L’endroit où l’on peut vivre et les personnes avec lesquelles on peut vivre (en d’autres termes, la mesure dans laquelle les conditions de vie sont sécuritaires, abordables, bien situées et propices au bien-être) influencent profondément le parcours de vie. L’endroit où nous vivons a toujours déterminé nos possibilités d’emploi et le salaire que nous pouvons gagner. Toutefois, les gens vivent de plus en plus là où ils peuvent se permettre de vivreNote de fin de page4. L’endroit où vivent les gens influence également le soutien qu’ils reçoivent de leur famille et de leur communauté. De nos jours, les logements coûtent plus cher que jamais à la location ou à l’achat : 2 ménages locataires sur cinq au Canada consacrent 30 % ou plus de leur revenu au loyer et aux services publicsNote de fin de page5. Le coût de la vie dans un endroit bien situé, sécuritaire et favorable peut peser sur les décisions prises dans d’autres domaines de la vie, comme le choix de la personne avec laquelle on vit ou la décision de fonder une famille. On s’attend de plus en plus à ce que les logements remplissent plusieurs fonctions. Il peut s’agir d’un lieu de travail à distance ou d’apprentissage en ligne, par exemple. Le logement peut aussi être un lieu de soins pour les membres âgés de la famille.

4.4 Reproduction

Pour bien des gens, la création d’une nouvelle vie est un moment charnière du parcours de vie. C’est l’un des principaux moyens grâce auxquels nous établissons des liens entre notre vie et celle des autres. Les idées sur la nature de la « famille » déterminent de nombreuses autres composantes du parcours de vie. Les décisions concernant si, quand, comment et avec qui nous avons des enfants sont influencées par les expériences d’éducation et de travail antérieures. Ces décisions peuvent à leur tour déterminer notre accès ultérieur aux options de travail et de soins. Le parcours de vie de chaque personne, c’est-à-dire son développement, sa santé, son apprentissage et sa perception de sa place dans le monde, est profondément influencé par les expériences vécues pendant la grossesse et l’enfance, ainsi que par les structures socio-économiques pertinentes.

4.5 Travail

Pour la plupart d’entre nous, le travail est notre principal source de revenus. Le soutien que nous avons reçu dans l’enfance, et les parcours éducatifs auxquels nous avons pu accéder, limitent souvent nos options professionnelles. Ce que nous gagnons en travaillant détermine comment nous pouvons vivre et prendre soin des membres de notre famille, et subvenir à nos propres besoins lorsque nous vieillissons. Pendant la majeure partie du XXe siècle, il était normal qu’une personne occupant un emploi à temps plein subvienne aux besoins d’une famille. Cependant, les idées sur le travail et la valeurNote de fin de page6 évoluent rapidement. L’évolution des horaires de travail et les attentes en matière de sécurité de l’emploi influencent les décisions de vie de nombreuses personnes.

4.6 Troisième âge

Le troisième âge est historiquement associé au fait de travailler moins, et de donner et de recevoir plus de soins. Les ressources que nous pouvons ou non accumuler au début de notre vie, de l’épargne au logement, influencent fortement notre expérience de l’âge adulte. De nos jours, de nombreuses personnes continuent de travailler après l’âge traditionnel de la retraite, soit 65 ansNote de fin de page7. Près d’un quart des adultes âgés s’occupent de conjoints, de proches ou d’amis vieillissantsNote de fin de page8. Certains deviennent grands-parents, un rôle qui est de plus en plus reconnu comme étant au cœur de l’apprentissage et du développement de l’enfantNote de fin de page9.

5.0 Moteurs de changement

Le présent rapport décrit 9 moteurs de changement susceptibles d’orienter les choix de vie des gens en influençant ce qu’ils savent, ce qu’ils croient au sujet de l’avenir ou ce à quoi ils accordent de l’importance dans la vie. Les moteurs de changement sont des changements fondamentaux d’ordre social, technologique, économique, environnemental ou politique qui pourraient bouleverser les hypothèses sur le parcours de vie. Ces 9 moteurs de changement ressortent de nos recherches préliminaires. Ils pourraient avoir une incidence sur l’enchaînement et la nature des composantes du parcours de vie décrites dans la section précédente – et transformer les hypothèses – au cours des décennies à venir.

5.1 Figure 2 : Moteurs de changement et éléments du parcours de vie

Moteurs de changement et éléments du parcours de vie
Figure 2 – Version texte

Éléments du parcours de vie

Nous consacrons beaucoup de notre temps, de nos ressources financières et de notre énergie aux 6 éléments du parcours de vie.

  1. Soins
  2. Éducation
  3. Situation de logement
  4. Reproduction
  5. Travail
  6. Troisième âge

Moteurs de changement

Ces 9 forces de changement pourraient modifier l’ordre et la nature des éléments du parcours de vie.

  1. Comment, où et pourquoi nous travaillons
  2. Normes sociales concernant les familles
  3. Attentes liées au contrat social
  4. Accès à la richesse et son accumulation
  5. Avoir moins d’enfants, plus tard
  6. Longévité accrue
  7. Anxiété croissante face aux menaces existentielles
  8. Immigration et migrations internes au Canada
  9. Données et systèmes fondés sur l’IA

5.2 Longévité accrue

L’allongement de la durée de vie modifie le moment et la manière dont les gens atteignent certaines étapes de leur vie. Grâce aux progrès de la science, de la médecine et des politiques sociales, de nombreuses personnes au Canada vivent plus longtemps et en meilleure santé. Cette situation reflète les tendances mondiales : d’ici à 2050, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus doublera pour dépasser deux milliardsNote de fin de page10. Mais les inégalités sociales et économiques continuent de réduire l’espérance de vie de nombreuses personnes au Canada, notamment des Autochtones.

L’allongement de la durée de vie modifie le moment et la nature des événements de la vie. Les jeunes générations commencent leur carrière, se marient, achètent une maison et ont des enfants plus tard que les générations précédentes. Nous assistons peut-être à l’avènement de l’« adolescence prolongéeNote de fin de page11 ». Les comportements historiquement associés aux adolescents (âgés de 14 à 19 ans) s’étendent dans les 2 sens (à partir de 10 ans et jusqu’à 24 ans)Note de fin de page12. Les changements physiologiques de la puberté commencent, en moyenne, plus tôt. Entre-temps, la semi-dépendance qui caractérise l’adolescence s’allonge jusqu’au début de l’âge adulte. Cette évolution reflète des facteurs comme l’augmentation du coût de la vie, la précarité accrue de l’emploi, les changements technologiques et l’évolution des attentes sociales.

La gérontolescence est une étape qui a vu le jour à la suite de l’allongement de l’espérance de vie. Elle réoriente la période approximative de 50 à 75 ans vers la découverte de soi et la poursuite de nouvelles carrières ou de nouveaux passe-temps.

De nombreuses personnes peuvent vivre plus longtemps et en meilleure santé. Certaines personnes donnent la priorité à la santé et au bien-être pour conserver leur vitalité et leurs fonctions physiques, mentales et émotionnelles plus tard dans la vie. Mais les maladies chroniques courantes touchent 73 % des adultes âgés de 65 ans ou plusNote de fin de page13. En outre, un nombre croissant de personnesNote de fin de page14 sont atteintes de deux ou plusieurs de ces maladiesNote de fin de page15. La COVID-19 pourrait alourdir le fardeau des maladies chroniques et réduire l’espérance d’une vie saineNote de fin de page16. Les progrès des technologies bionumériquesNote de fin de page17 permettant de restaurer ou d’améliorer certaines capacités physiques et cognitives sont prometteurs, mais tout le monde n’y aura vraisemblablement pas accès. Parallèlement, des technologies comme l’édition génique peuvent soulever des questions éthiques en raison de leurs répercussions sur les générations à naître.

Comme les gens vivent plus longtemps, ils continuent également à travailler plus longtemps. Plus d’un quart des personnes âgées de 65 à 69 ans au Canada ont encore un emploiNote de fin de page18. Certaines travaillent parce qu’elles n’ont pas d’épargne ni de soutien, mais la plupart disent que c’est une préférence personnelleNote de fin de page19. Pour beaucoup, une nouvelle phase de découverte de soi commence entre l’âge de 50 et 75 ans. On l’appelle parfois « gérontolescenceNote de fin de page20 », une sorte d’adolescence pour les personnes âgées. D’autres n’atteignent jamais cette phase, en raison de désavantages survenus plus tôt dans la vie qui ont une incidence profonde sur la qualité et l’espérance de vie.

L’augmentation de la longévité est loin d’être égale dans tout le Canada. L’espérance de vie est tributaire d’inégalités persistantes dans la pauvreté, le niveau de scolarité, le chômage et l’accès à des soins de santé non discriminatoires. Une étude réalisée à Vancouver révèle un écart de 30 ans dans l’espérance de vie entre les quartiers les plus riches et les plus pauvresNote de fin de page21. Un enfant des Premières Nations, métis ou inuit âgé de 1 an peut s’attendre à vivre 9 à 10 ans de moins qu’un enfant non autochtoneNote de fin de page22. Parallèlement, les adultes autochtones sont 2 fois plus susceptibles de décéder d’une cause évitableNote de fin de page23.

5.3 Avoir moins d’enfants, plus tard

Les gens ont moins d’enfants, et à un âge plus avancé. Grâce aux nouvelles technologies de reproduction, il est plus facile de donner naissance à un âge plus avancé. En outre, la stigmatisation liée au choix de ne pas avoir d’enfant diminue de plus en plus.

Certaines personnes au Canada choisissent d’avoir des enfants plus tard dans la vie ou de ne pas en avoir, pour des raisons comme l’instabilité économique, l’anxiété face à l’avenir ou le manque de services de garde abordables. Selon Statistique CanadaNote de fin de page24, 19 % des personnes âgées de 15 à 49 ans ont déclaré vouloir moins d’enfants ou avoir un bébé plus tard que prévu en raison de la pandémie de COVID-19. Seuls 4 % ont indiqué que la pandémie leur avait donné envie d’avoir plus d’enfants ou d’avoir un bébé plus tôt. Un jeune sur 5 au Canada a déclaré souhaiter avoir des enfants, mais ne pas en avoir les moyensNote de fin de page25. Un adulte sans enfant sur 4Note de fin de page26 déclare que l’inquiétude liée au changement climatiqueNote de fin de page27 a été un facteur dans la décision de ne pas avoir d’enfants.

Les compromis entre la fécondité et la sécurité économique demeurent difficiles, en particulier pour les femmes.Note de fin de page28 Les taux de fécondité sont en baisse chez les jeunes femmes et en hausse chez les femmes plus âgéesNote de fin de page29. Cette situation est due en grande partie à une « pénalité pour enfantsNote de fin de page30 » que les femmes doivent payer lorsqu’elles quittent le marché du travail pendant de longues périodes pour s’occuper de leurs enfantsNote de fin de page31. Les femmes qui prennent cette décision sont devenues de plus en plus nombreuses pendant la pandémieNote de fin de page32. Les femmes sont 2 fois plus susceptibles que les hommes de travailler à temps partielNote de fin de page33. Elles représentent également une part plus importante des professions moins réglementées, comme les travailleurs à la demandeNote de fin de page34 et les créateurs de contenu sur les réseaux sociaux. Un emploi moins stable a une incidence sur les prestations et le congé de maternité. Il influe également sur le moment où les femmes réintègrent le marché du travail, sur le salaire qu’elles gagnent au cours de leur vie et sur le montant qu’elles peuvent épargner en vue de la retraite. L’écart persistant de rémunération entre les sexesNote de fin de page35 se traduit par un écart de pension entre les sexes plus tard dans la vie.

Les personnes qui souhaitent avoir des enfants plus tard dans leur vie ont plus d’options que jamais. Elles se tournent de plus en plus vers les mères porteuses, le don d’ovules ou de sperme, ou les embryons congelés provenant de traitements de FIV d’autres personnesNote de fin de page36 . Ces solutions sont coûteuses et ne sont pas accessibles à tous. Cela pourrait accentuer la tendance à avoir moins d’enfants et à avoir des ménages plus petits. En retour, cela pourrait accroître les pressions exercées sur les gouvernements et le secteur privéNote de fin de page37 pour qu’ils subventionnent ces efforts.

5.4 Normes sociales concernant les familles

L’évolution des normes sociales entourant les familles influe sur les expériences de vie des gens. La proportion de familles formées de deux parents et d’enfants vivant sous le même toit diminue. Parallèlement, le nombre de foyers monoparentaux a augmenté. La société remet en question des normes comme celle d’avoir un seul conjoint. Les jeunes sont plus nombreux à vivre plus longtemps avec leur famille ou en colocation avant de former leur propre ménage. Certains ne quittent jamais la maison.

Les définitions culturelles et politiques de la « famille » sont de plus en plus dissociées de la génétique ou de la biologie. Les personnes dont les enfants sont nés d’un don d’ovules ou de sperme forment de nouveaux types de famille centrés sur les « enfants du même donneurNote de fin de page38 ». De nouveaux types de relations, comme celles qui sont formées par choix et intentionnellement, estompent les distinctions traditionnelles entre « amis » et « familleNote de fin de page39 ».

Les normes sociales relatives à l’orientation sexuelle, au genre et aux relationsNote de fin de page40 évoluent rapidement. Les jeunes ont moins de relations sexuelles que les générations précédentesNote de fin de page41. Ils s’adonnent également à des activités non monogames plus éthiquesNote de fin de page42. Ils s’en tiennent moins aux identités « masculine » et « féminine » et s’identifient à un ensemble d’orientations sexuelles beaucoup plus diverses et fluides. La diminution de la proportion de couples mariés au cours du dernier demi-siècleNote de fin de page43 donne à penser que le mariage pourrait revêtir de moins en moins d’importance pour les jeunes générationsNote de fin de page44. Le mariage peut tomber en désuétude, mais il peut aussi évoluer. Les changements futurs pourraient refléter l’évolution du langage, de la culture et des normes relatives à la fluidité du genre qui remettent en question la domination du mariage entre personnes de sexe opposé.

La composition des ménages et les modalités de travail à domicile influent sur les tendances en matière de prestation de soins et de soutien de la part des familles. L’Enquête sociale générale de 2018 montre qu’un quart des personnes au Canada avaient pris soin d’une personne ayant des besoins à long terme au cours de l’année précédenteNote de fin de page45. Cet engagement en matière de soins nécessite souvent des ajustements dans les conditions de vie ou de travail. Les femmes représentent les deux tiers des aidants qui fournissent plus de 20 heures de soins par semaine. La pandémie de COVID-19 a peut-être aggravé ces tendances sexospécifiques : au Canada, les femmes ont assumé une plus grande part des tâches parentalesNote de fin de page46, surtout lorsqu’elles travaillaient à domicile. Par ailleurs, les ménages multigénérationnels ont connu la plus forte croissance au Canada entre 2001 et 2016. Au cours de cette période, le nombre de ces ménages a augmenté de 37,5 %. Ils étaient particulièrement courants dans les populations d’immigrants et les populations autochtonesNote de fin de page47. Au CanadaNote de fin de page48 et aux États-UnisNote de fin de page49, la COVID-19 a peut-être amené des millions de jeunes à retourner vivre chez leurs parents. En effet, au début de la pandémie, on a constaté une augmentation du nombre de jeunes adultes qui sont retournés au foyer familialNote de fin de page50. En avril 2020, la majorité des Américains âgés de 18 à 29 ans vivaient chez leurs parents pour la première fois depuis la Grande DépressionNote de fin de page51. Au-delà des répercussions initiales de la COVID-19, on observe une tendance soutenue à long terme de jeunes qui vivent chez leurs parents jusqu’à un âge assez avancéNote de fin de page52. Les jeunes peuvent également opter pour d’autres modes de vie, par choix ou par nécessité. Les membres des communautés intentionnellesNote de fin de page53, par exemple, mettent les ressources en commun et forment des collectivités.

De plus en plus, nous nous attendons à ce que nos besoins en matière de santé et de bien-être soient satisfaits à domicile. Cependant, en 2015-2016, un peu plus d’un tiers des Canadiens et Canadiennes qui avaient besoin de soins à domicile — soit environ 433 000 personnes — n’ont pas reçu les services adéquatsNote de fin de page54. À une époque où les libertés individuelles s’accroissent, les maisons unifamiliales sont maintenant le type de logement le plus courant au Canada; elles ont plus que doublé depuis 1981, pour atteindre 4 millionsNote de fin de page55. À mesure que la démographie et la composition des familles évoluent, les services de santé s’élargissent pour combler certaines lacunes en matière de soins. Il s’agit notamment des hôtels post-partumNote de fin de page56 pour les nouveaux parents qui manquent de soutien familial, et des soins dyadiquesNote de fin de page57, où les nouveaux parents et les enfants sont traités ensemble. De plus en plus de prestataires proposent également des services de dépistage et de diagnostic à domicileNote de fin de page58. Dans certaines régions, les employés des postes proposent des visites et des livraisons de médicaments sur ordonnance aux personnes âgées isoléesNote de fin de page59.

5.5 Données et systèmes fondés sur l’IA

Les données et les systèmes alimentés par l’ia sont de plus en plus utilisés pour prendre des décisions à notre sujet, par d’autres ou par nous-mêmes. Les algorithmes d’apprentissage profond utilisent les données recueillies à partir de divers capteurs et dispositifs pour en dégager les tendances. Ces tendances leur permettent de formuler des suppositions éclairées à notre sujet et de prédire notre comportement. Ces algorithmes sont de plus en plus répandus. Ils orientent le parcours de vie en conditionnant ce que nous croyons, les choix que nous faisons, les choix que les autres font à notre sujet, et notre engagement envers les autres et le monde.

Les systèmes alimentés par l’IA transforment les expériences de la vie quotidienne dans un souci d’efficacité accrue. Les services de police et de sécurité des aéroports déploient des technologies capables de reconnaître les traits du visage. Les assureurs automobiles utilisent des dispositifs télématiques pour déterminer les tarifs en fonction de la façon dont nous conduisons. Les prestataires de services financiers utilisent l’IA pour prendre des décisions de négociationNote de fin de page60 et pour évaluer la solvabilitéNote de fin de page61. Les technologies de balises pour la vente au détail relient les comportements d’achat en ligne et dans la vie réelle à des applications qui incitent les utilisateurs à se rendre dans les magasins à proximitéNote de fin de page62. Une fois en magasin, les technologies de suivi des déplacements et du regard recueillent des données qui orientent les suggestions d’achat en magasin à l’intention de l’acheteur. Les technologies qui adaptent les plans d’apprentissage aux besoins des étudiants amélioreraient l’efficacité de l’apprentissage de 5 à 10 foisNote de fin de page63. Des algorithmes d’apprentissage profond sont appliqués pour rendre le dépistage et les diagnostics de santé plus personnalisésNote de fin de page64 et plus précisNote de fin de page65. Cet accent mis sur l’efficacité peut souvent entrer en conflit avec d’autres valeurs comme la liberté, l’équité, la transparence ou la protection des renseignements personnels.

En ligne, les algorithmes sont utilisés pour capter l’attention des gens et influer sur l’information à laquelle ils sont exposés. Cela touche les personnes avec lesquelles ils interagissent et ce qu’ils croient au sujet du monde. Les gens attendent de plus en plus des expériences qui anticipent leurs besoins personnels et y répondent de manière transparenteNote de fin de page66. Ce phénomène peut également modifier nos attentes à l’égard des services gouvernementaux.

Les algorithmes limitent parfois l’intervention humaine, et parfois la favorisent. Dans les 2 cas, ils introduisent plus de rapidité, de complexité et d’opacité dans la prise de décision humaine. Les données personnelles sont de plus en plus accessibles. Par conséquent, l’IA pourrait jouer un rôle de plus en plus important pour guider les gens dans de nombreuses décisions de vie. Nous n’avons peut-être pas encore pleinement conscience de la façon dont la saisie et l’utilisation des données transforment notre façon de comprendre le monde et d’interagir avec lui.

5.6 Accès à la richesse et son accumulation

La façon dont nous accédons à la richesse et dont nous l’accumulons change, ce qui entraîne une plus grande insécurité économique pour beaucoup de gens, et une plus grande sécurité pour certains. La manière dont les gens accumulent et dépensent leur richesse a une incidence sur les parcours de vie au fil des générations. Historiquement, les salaires et l’épargne étaient le moyen le plus courant pour la plupart des gens de se constituer un patrimoine, mais cela commence à changer. La répartition inégale de la richesse continue de limiter les choix de vie des gens, malgré l’augmentation constante de la richesse globale des ménages au Canada au cours des dernières décennies.

Les salaires et l’épargne perdent de leur valeur. Le coût du logement et des autres biens réels augmente dans un contexte de plus grande volatilité du marché de l’emploi et de l’économie. Les salaires et l’épargne deviennent donc beaucoup moins importants pour la sécurité économique future. C’est particulièrement vrai pour les personnes dont le revenu est égal ou inférieur au revenu médian. Ceux qui ne comptent que sur les salaires et l’épargne pourraient devenir plus dépendants de nouvelles formes d’endettement pour maintenir les ménages et réaliser les transitions clés du parcours de vie.

L’insécurité économique et la volatilité rendent la planification à long terme plus difficile. Les gens ne peuvent pas être certains que leur emploi existera dans 10 à 15 ans. Les investissements sont plus volatils, et les rendements à moyen terme sont incertains. Les économies sont devenues plus réactives et sujettes à des fluctuations à court terme en raison de l’instabilité géopolitique et institutionnelle. L’inflation a atteint le niveau le plus élevé de ces dernières décennies; de ce fait, il est plus difficile de se permettre d’engager de grosses dépenses. Le ratio d’endettement des ménages a atteint des niveaux records : chaque dollar gagné par un ménage au Canada est accompagné d’une dette de 1,86 $Note de fin de page67. Combinés, ces facteurs peuvent contribuer à une plus grande instabilité de la situation financière des gens.

L’écart entre les ménages les plus riches et les plus pauvres au Canada reste important, malgré une diminution récente. À la fin de 2021, la tranche supérieure de 20 % des ménages détenait plus des deux tiers (67,13 %) de la valeur nette totale au Canada; la tranche inférieure de 40 % ne représentait que 2,83 %Note de fin de page68. La pauvreté touche particulièrement les personnes vivant seules, dont 33 % des célibataires en âge de travaillerNote de fin de page69. Le revenu annuel moyen des ménages monoparentaux à faible revenu ayant un enfant est désormais inférieur de 44,1 % au seuil de pauvreté après impôts selon la mesure de faible revenuNote de fin de page70.

Les héritages deviennent de plus en plus importants, car la richesse comme la pauvreté peuvent être transmises. Alors que les inégalités de richesse continuent de s’accentuer, les héritages et les gains en capital jouent un rôle de plus en plus important dans la détermination des résultats économiques futurs d’un plus grand nombre de personnesNote de fin de page71. On estime à 1,2 billion de dollars les transferts de richesse intergénérationnels qui auront lieu au cours de la prochaine décennieNote de fin de page72. Les personnes les plus susceptibles d’en bénéficier seront probablement celles qui appartiennent à des ménages aisés et qui sont nées entre 1955 et 1980. Parallèlement, il est de plus en plus difficile d’échapper à la pauvreté. Les enfants nés dans les familles les plus pauvres entre 1982 et 1985 sont plus susceptibles que jamais de rester pauvres, par rapport aux enfants nés dans les familles les plus pauvres entre 1963 et 1966Note de fin de page73.

5.7 Anxiété croissante face aux menaces existentielles

L’anxiété croissante face aux menaces existentielles comme le changement climatique remet en question les croyances des gens concernant l’avenir. Les phénomènes météorologiques extrêmes étant de plus en plus fréquents, les gens se préoccupent de plus en plus des risques écologiques. L’anxiété existentielle croissante affecte la santé des gens, leur sécurité socio-économique, leurs attitudes, leurs pratiques culturelles et leur choix de résidence et de mode de vieNote de fin de page74.

La stigmatisation liée aux problèmes de santé mentale diminue de plus en plus, et ces problèmes font l’objet d’une attention accrue sur le lieu de travail, à l’école et au sein des groupes de pairs. La pandémie de COVID-19 a ajouté aux niveaux élevés de détresse en santé mentale au Canada, ce qui a augmenté la demande de services de santé mentale. Il est reconnu que la pollution et le changement climatique affectent la santé mentale aussi bien que physiqueNote de fin de page75. Le deuil écologique et l’éco-anxiété sont des pathologies émergentes qui ne sont pas toujours faciles à traiter au moyen des méthodes existantesNote de fin de page76.

Les croyances des gens au sujet de l’avenir influent sur leur comportement dans le présent. Certains groupes sont de plus en plus inquiets et en colère face à ce qu’ils considèrent comme l’absence de mesures de lutte contre le changement climatique. C’est notamment le cas des jeunesNote de fin de page77 et des communautés qui entretiennent des liens étroits avec la terreNote de fin de page78. Ces émotions se manifestent par l’engagement politique, l’activisme, la méfiance à l’égard des institutions et les poursuites judiciairesNote de fin de page79 contre les gouvernements pour tenter de les forcer à agir. On réclame de plus en plus de nouvelles formes de législation qui obligent les décideurs à tenir compte de l’impact sur les générations futuresNote de fin de page80. Certaines personnes modifient leurs habitudes de consommation personnelle pour contribuer à la lutte contre le changement climatique. Il peut s’agir d’utiliser des moyens de transport moins polluants ou de manger moins de viande rouge et de produits laitiers.

De nombreuses jeunes familles renoncent à leur rêve d’accession à la propriété en raison de l’incertitude climatique, en plus des raisons économiques. Historiquement, l’achat d’une maison a été largement considéré comme un objectif central dans la vie. Cela s’explique en partie par le fait qu’il permet aux gens de se constituer un patrimoine de manière passive. Cependant, le changement climatique restreint les options. En raison des phénomènes météorologiques plus extrêmes, il est difficile d’assurer les propriétés dans le nombre croissant de zones à haut risque d’inondation, d’incendie de forêt ou de dégel du pergélisol.

Le changement climatique menace la sécurité alimentaire, l’infrastructure et les modes de vie traditionnels des communautés autochtones. Le changement climatique pourrait perturber la production agricole à l’échelle mondiale, ainsi que favoriser l’apparition de nouveaux ravageurs et de nouvelles sécheresses. Cela pourrait, à son tour, avoir une incidence sur la disponibilité et le coût des aliments. Les incendies de forêt et les inondations ont forcé des dizaines de milliers de Britanno-Colombiens à déménager au cours des cinq dernières annéesNote de fin de page81. De nombreux autres habitants des zones à haut risque pourraient choisir de déménager dans les années à venir. Le changement climatique continue de perturber la sécurité alimentaire et les modes de vie. Par exemple, il bouleverse les rythmes saisonniers de la terreNote de fin de page82. Ce bouleversement touche des activités comme la plantation et la récolte de plantes médicinales traditionnelles, la chasse et la pêche sur glace. L’infrastructure de transport est également menacée. Les inondations et les glissements de terrain en Colombie-Britannique, par exemple, ont endommagé des ponts, des autoroutes et de grands tronçons de route. Dans les communautés du Nord, les routes de glace sont de moins en moins sécuritaires. Il est donc plus difficile d’acheminer les fournitures essentielles vers les territoires éloignés. Par conséquent, les communautés ne peuvent plus compter sur la tenue d’événements annuels traditionnels qui sont essentiels pour la santé, la sécurité, le travail et les loisirs.

5.8 Immigration et migrations internes au Canada

L’immigration et les migrations internes augmentent, mais les tendances futures sont incertaines. Le plan d’immigration du CanadaNote de fin de page83 met l’accent sur les avantages sociaux et économiques de l’immigration. En 2021, le Canada a accueilli le plus grand nombre d’immigrants en une seule année de son histoire. Les migrations internes s’accélèrent également. Au cours du deuxième trimestre de 2021, plus de 120 000 personnes ont déménagé dans une autre province ou un autre territoire, soit le plus grand nombre en 30 ansNote de fin de page84.

Le Canada prévoit d’accueillir près d’un demi-million d’immigrants par an entre 2022 et 2024. Les demandes d’autorisation de migration vers le Canada devraient s’intensifier à mesure que les événements climatiquesNote de fin de page85 et les conflits mondiaux continuent de déplacer les gens dans le monde entier. Toutefois, les tendances migratoires futures sont incertaines. Les principales incertitudes comprennent, entre autres, les répercussions à long terme de la COVID-19 sur les frontières et la mobilitéNote de fin de page86, la concurrence croissante pour les immigrants qualifiés entre les pays dont la population est vieillissanteNote de fin de page87, et la mesure dans laquelle les migrants au Canada resteront au Canada à long terme. Par exemple, 30 % des jeunes néo-Canadiens ayant récemment fait des études universitaires ont déclaré qu’il était probable qu’ils déménagent dans un autre pays au cours des 2 prochaines annéesNote de fin de page88. Ils ont été nombreux à citer l’augmentation du coût de la vie au Canada comme un facteur de préoccupation.

La technologie permet à un plus grand nombre de personnes de maintenir leur vie sociale et professionnelle à partir de n’importe où dans le monde. Il est moins nécessaire que les gens vivent là où ils travaillentNote de fin de page89. Certaines personnes au Canada considèrent qu’un mode de vie itinérant est viable, par exemple, vivre toute l’année dans une camionnette, un camion ou un véhicule récréatif, sans domicile fixe. D’autres encore parcourent l’Europe, l’Asie et l’Afrique tout en travaillant à distance, en tant que nomades numériquesNote de fin de page90. Certains pays ont introduit des permis de séjour transitoiresNote de fin de page91 pour les travailleurs isolés qui souhaitent migrer, mais restent employés dans leur pays d’origine ou dans un autre pays.

5.9 Comment, où et pourquoi nous travaillons

Les forces structurelles qui définissent comment, où et pourquoi nous travaillons au cours de la vie sont en train de changer. Un plus grand nombre de personnes en mesure de le faire souhaitent que leur travail s’adapte à leur mode de vie, plutôt que de construire leur vie autour de leur travail. La semaine de travail typique de 5 jours/40 heures du XXe siècle est de plus en plus remise en question. Le travail à distance est devenu une option pour un nombre croissant de gens. Mais le travail contractuel et le travail à la demande ont également rendu les revenus plus imprévisibles. En même temps, l’automatisation rend certaines trajectoires professionnelles moins stables. Les attitudes à l’égard du rôle du travail tout au long de la vie évoluent. On ne sait pas si ces changements se poursuivront après la pandémie.

De plus en plus, les gens gagnent de l’argent d’une manière qui ne cadre pas avec les structures actuelles de réglementation du travail et des revenus. Il s’agit notamment de l’influence des réseaux sociaux et de la transformation informelle de passe-temps en entreprises lucrativesNote de fin de page92. Le cumul d’emplois est de plus en plus courant. Il peut être dû à l’insécurité financière ou au fait qu’il s’agit d’une caractéristique de l’économie à la demande. Il peut également être dû au fait que le travail à distance a facilité le cumul de deux emplois à temps plein à domicile sans que personne ne s’en aperçoiveNote de fin de page93. L’emploi tend à être principalement associé à des employeurs publics ou privés. Les taux de travail autonome n’ont cessé de diminuer au cours de la pandémieNote de fin de page94. Cela laisse entendre un changement structurel dans la faisabilité ou l’opportunité de travailler pour soi-même.

Les changements de carrière sont devenus plus fréquents. La pandémie a conduit de nombreux travailleurs qui jonglaient avec les priorités à réévaluer leur emploi, ainsi que le temps et l’espace que le travail prenait dans leur vie. Certains ont quitté un emploi rémunéré pour s’occuper de leur famille. D’autres réclament de meilleurs salaires et termes, désillusionnés par la façon dont la dynamique du pouvoir et le système fiscal semblent favoriser les richesNote de fin de page95. Cependant, la pénurie de main-d’oeuvreNote de fin de page96 qui donne aux employés un plus grand pouvoir de négociation pourrait ne pas se maintenir. À l’avenir, l’évolution des conditions du marché pourrait limiter les possibilités d’assouplissement des conditions de travail.

La nécessité de se recycler est devenue la norme, car de plus en plus de gens veulent ou doivent changer de carrière. Les connaissances acquises à l’école deviennent plus rapidement obsolètes sur le lieu de travail. Un recyclage professionnel souple et continu tout au long de la vie facilite la transition entre différents secteurs et types d’emploi. L’apprentissage en ligne permet d’acquérir de nouvelles compétences de façon plus souple et à moindre coût. Les options en ligne comprennent un marché informel de formateurs en milieu de travail, des cours en ligne ouverts à tous (CLOT), des camps de formation, des formations conçues par les entreprisesNote de fin de page97 et des accélérateurs de carrière.

5.10 Attentes liées au contrat social

Les attentes des gens à l’égard des options de parcours de vie qui s’offrent à eux remettent de plus en plus en question les contrats sociaux qui reposent sur la cohésion sociale. Au Canada, les gens ont des croyances différentes quant à savoir si et comment le contrat social devrait changer. De plus en plus, les gens expriment des griefs socio-économiques, remettant en cause la relation entre les gouvernements et les populations. Pour certains, les aspirations individuelles ont beaucoup plus d’influence que les objectifs et les identités collectives pour déterminer les allégeances, les comportements et le sentiment d’identité.

Les institutions communautaires qui définissent les normes, comme les écoles, les lieux de travail et les organisations religieuses, sont moins influentes qu’auparavant. Les gens qui fondent leurs décisions de vie en matière de procréation, de soins de santé et d’éducation sur des informations provenant d’autres autoritésNote de fin de page98 et de communautés décentralisées sont plus nombreux que par le passé. Ces communautés ont rassemblé d’importantes ressources par des moyens informels, comme les échanges de cryptomonnaiesNote de fin de page99 et les plateformes de financement participatifNote de fin de page100, ce qui pourrait leur donner plus de pouvoir pour faire avancer leur programme par des moyens nouveaux et moins visibles.

Les communautés qui se perçoivent comme exclues remettent en question la vision du Canada comme une « mosaïque » unique qui accepte tous les types de différences. Elles soulignent les effets des « ismes » systémiques et exigent une représentation et une équité plus substantielles. D’autres rédigent des récits nostalgiques autour des valeurs du « bon vieux temps », élargissant ainsi les fossés sociaux. Certains qui se sentent ignorés et laissés pour compte sur le plan économique sont de plus en plus ouverts à la radicalisation politiqueNote de fin de page101 en raison de leur méfiance à l’égard des institutions gouvernementalesNote de fin de page102.

De plus en plus, les gens aspirent à des modes de vie qu’ils trouvent difficiles à atteindreNote de fin de page103. L’augmentation du nombre de créateurs et d’influenceurs de contenu en ligne creuse l’écart entre ce que les gens pensent pouvoir réaliser et ce qui est faisable dans le climat socio-économique et politique actuel. Cela rend les gens mécontents du soutien institutionnel existant et conduit même à une augmentation des « morts de désespoirNote de fin de page104 ».

6.0 Incidences possibles

Que pourrions-nous voir dans les décennies à venir? Les 9 moteurs de changement peuvent recouper les 6 composantes du parcours de vie, ce qui pourrait créer de nouveaux défis et de nouvelles possibilités dans différentes parties de la société et transformer les vies futures de manière inattendue.

6.1 Soins

Les crises sanitaires mondiales pourraient alourdir le fardeau des soins, car les gens vivent plus longtemps et souffrent davantage de maladies chroniques. Si les gens vivent à la fois plus longtemps et en meilleure santé, ils pourraient avoir besoin de moins de soins à mesure qu’ils vieillissent. Mais les crises mondiales peuvent avoir l’effet inverse. Par exemple, les effets à long terme sur la santé de la COVID-19, du changement climatique et de l’augmentation des taux de pauvreté et de maladie mentale restent inconnus. En raison des besoins croissants en matière de soins, de plus en plus de gens risquent d’abandonner leurs études et leur emploi rémunéré pour s’occuper d’autres personnes. En outre, ces besoins croissants en matière de soins peuvent entraîner de nouvelles demandes de soutien.

Ceux qui deviennent parents plus tard dans la vie peuvent avoir besoin de différents types de soutien. Comme les gens fondent une famille plus tard, il se peut que les grands-parents vieillissants ne puissent pas aider à s’occuper des enfants. En effet, les membres de la « génération sandwichNote de fin de page105 », dont le nombre ne cesse de croître, ont du mal à répondre aux exigences de prise en charge simultanée des enfants et des personnes âgées. Compte tenu de la tendance à la réduction des familles, les parents peuvent également avoir moins de frères et soeurs, de sorte qu’il est possible que les parents n’aient pas autant d’aide directement après la naissance du bébé ou pour élever l’enfant à long terme.

Lorsque les gens ont des enfants plus tard dans la vie, les générations futures peuvent assumer la responsabilité des soins aux aînés à un plus jeune âge. Comme les gens ont des enfants plus tard dans la vie et que les réseaux de soutien familial diminuent, un plus grand nombre de jeunes pourraient être amenés à jouer un rôle de soignant plus tôt dans leur vie. Cela pourrait avoir une incidence sur leur capacité de terminer des études postsecondaires ou une formation, de gagner un revenu ou de fonder une famille. Les systèmes de soins au Canada supposent que les aidants sont des adultes qui peuvent avoir accès au soutien des employeurs ou des gouvernementsNote de fin de page106. Il n’existe pas de structures institutionnelles permettant de réunir sous un même toit des familles ayant des besoins de soins complexes et intergénérationnels.

6.2 Éducation

De fréquentes périodes de chômage au Canada pourraient générer une demande de recyclage professionnel rapide. L’obsolescence accélérée des connaissances sur le marché du travail pourrait entraîner une demande de recyclage professionnel rapide Cela vaut aussi bien pour les gens qui ont un emploi que pour ceux qui le perdent parce que leurs compétences ne sont plus pertinentes. Les diplômes et certificats officiels pourraient devenir moins importants pour l’embauche. Il pourrait devenir normal que les gens acquièrent de nouvelles compétences tout au long de leur vie. Par conséquent, les gens pourraient trouver de nouveaux moyens de prouver leurs compétences aux employeurs potentiels.

Des modes de vie plus nomades pourraient créer une demande d’assouplissement des systèmes éducatifs. Comme l’apprentissage en ligne permet aux étudiants de vivre n’importe où, les frais de scolarité pourraient être liés au lieu de résidence plutôt qu’à l’établissement dans lequel ils étudient. Compte tenu des règles relatives à la résidence, les jeunes enfants de parents « nomades » pourraient avoir du mal à accéder à l’éducation et à certains types de prestations lorsqu’ils se déplacent d’un endroit à l’autre. Les horaires de travail des parents devenant généralement plus flexibles et moins prévisibles, la journée scolaire « normale » devra peut-être aussi être repensée.

Des établissements d’enseignement d’un genre radicalement nouveau pourraient demander la reconnaissance du gouvernement. À mesure que la demande d’apprentissage augmente tout au long de la vie, de nouveaux types d’établissements d’enseignement pourraient voir le jour. Certains peuvent mettre l’accent sur l’acquisition de compétences pour l’emploi. D’autres peuvent chercher à promouvoir certaines idéologies, comme celles des divers groupes de la droite alternativeNote de fin de page107. Ces établissements pourraient naître initialement de campagnes de financement privées. En fin de compte, ils pourraient chercher à obtenir une reconnaissance officielle du gouvernement, voire un financement.

6.3 Situation de logement

Un plus grand nombre de personnes au Canada pourrait devoir déménager en raison d’événements climatiques. Les catastrophes naturelles comme les inondations, les vagues de chaleur et les incendies de forêt se produisaient autrefois « une fois par siècle ». Comme ces catastrophes deviennent plus fréquentes, de plus en plus de gens peuvent avoir besoin d’aide pour se reloger leurs familles, entreposer leurs biens et assurer leurs moyens de subsistance. Ils peuvent également avoir besoin d’aide pour adapter leur bien le plus précieux — leur logement — au changement climatique. Dans certains cas, les efforts visant à atténuer le changement climatique ou à s’y adapter peuvent obliger les gens à quitter leur foyer. Parallèlement, un plus grand nombre de migrants climatiques pourrait chercher à s’installer au Canada, car il devient impossible de vivreNote de fin de page108 dans leur pays d’origine.

Un plus grand nombre de gens pourraient migrer temporairement vers le Canada. L’hypothèse selon laquelle les gens qui immigrent au Canada y resteront pourrait être erronée. Les immigrants s’installent généralement dans les grands centres urbains. Par conséquent, ils peuvent être plus touchés par la hausse du coût de la vie. Ils peuvent aussi avoir un plus grand besoin de partager leur logement avec leur famille élargie. Les immigrants au Canada peuvent envisager de retourner dans leur pays d’origine ou d’émigrer ailleurs si les conditions socio-économiques changent ou si de nouvelles incitations surviennent. De nouvelles questions concernant les prestations et la protection sociales pourraient se poser si la migration temporaire devient plus courante.

Des demandes visant à formaliser de nouvelles relations de soins et de cohabitation pourraient voir le jour. À mesure que les nouvelles configurations familiales et relations de soins se normalisent, nous pourrions voir des demandes visant à ce que ces relations reçoivent un statut juridique officiel. On pourrait exiger que des relations différentes en ce qui concerne la garde d’enfants ou les soins aient un statut juridique officiel analogue à celui du mariage. Ces relations peuvent comprendre, par exemple, des partenaires non sexuels ou plus de 2 parents principauxNote de fin de page109. Il peut s’agir de demandes de prestations et d’obligations légales dans des domaines comme les soins et la cohabitation, ainsi que le transfert de patrimoine et d’actifs.

6.4 Reproduction

Les entreprises technologiques et les détenteurs de données centrales pourraient avoir une influence démesurée sur la procréation. De plus en plus de gens pourraient continuer de trouver des partenaires romantiques au moyen d’applications de rencontre. Si tel est le cas, les algorithmes réuniront d’autres nouveaux parents à l’avenir. Les applications de rencontre fondées sur la compatibilité génétiqueNote de fin de page110 pourraient être commercialisées comme un moyen de prévenir les maladies héréditaires, mais elles pourraient renforcer les préjugés à l’encontre de certains groupes et susciter des préoccupations éthiques quant à de nouvelles formes d’eugénisme.

Un plus grand nombre de personnes âgées sans enfants pourraient avoir besoin de soins à un âge avancé et manquer d’héritiers évidents. À l’heure actuelle, les jeunes membres de la famille s’occupent en grande partie des soins aux personnes âgées. Par conséquent, les personnes âgées sans enfant peuvent exiger d’autres modalités pour recevoir les soins dont elles ont besoin. Elles peuvent également se tourner vers des mécanismes sociaux informels, comme la recherche de soins auprès d’amis ou des modalités de vie coopérative plus formelles. Les personnes âgées sans enfants peuvent trouver de nouveaux moyens de distribuer le patrimoine et les biens qu’elles ont accumulés.

La recherche sur l’impact durable des expériences de la petite enfance peut conduire à de nouveaux défis juridiques. Les gouvernements et les entreprises sont de plus en plus confrontés à des défis juridiques fondés sur le droit des générations futures à la justice climatique et à un avenir durableNote de fin de page111. Les futures contestations juridiques pourraient s’appuyer sur la recherche en épigénétique, en particulier les effets des interventions financées par le gouvernement sur le développement du cerveau de l’enfantNote de fin de page112. Les gens peuvent faire remonter leurs désavantages sur le plan de la santé physique et mentale à des expériences comme la pauvreté, la malnutrition, l’exposition à des produits chimiques ou des traumatismes pendant la grossesse ou la petite enfance. En réponse, ils peuvent demander réparation aux parents, aux gouvernements et aux entreprises.

L’épigénétiqueNote de fin de page113 est l’étude de la manière dont les facteurs environnementaux et comportementaux peuvent activer ou désactiver certains gènes. Certaines modifications épigénétiques sont réversibles, tandis que d’autres sont permanentes. Les modifications épigénétiques se poursuivent tout au long de la vie. Cependant, la recherche laisse entendre que la grossesse et les années de la petite enfance sont particulièrement sensibles. Pendant la grossesse, par exemple, le stress, les traumatismes et la pauvreté, relayés par des facteurs comme la nutrition, peuvent modifier l’expression génétique du futur bébé. Cela peut augmenter les risques de maladies cardiaques, de schizophrénie et de diabète plus tard dans la vie.

6.5 Travail

La division pourrait devenir plus nette entre ceux qui vivent de la richesse héritée et ceux qui travaillent à plein temps pour gagner leur vie. Le « grand transfert de patrimoine intergénérationnelNote de fin de page114 » pourrait creuser le fossé entre les classes sociales. D’un côté, il y a ceux qui doivent travailler pour vivre. De l’autre, il y a ceux qui peuvent vivre de leurs biens en capital, comme les biens immobiliers et les actions. Ceux qui n’héritent pas d’avoirs peuvent avoir de plus en plus de difficulté à les accumuler, ce qui pourrait conduire à une recrudescence de la discorde sociale et des pratiques contre-culturelles. Par exemple, dans le mouvement « tangpingNote de fin de page115 », ou « s’allonger à plat », les jeunes Chinois choisissent tout simplement de ne pas travailler. Les gens qui n’ont pas de fortune personnelle peuvent se tourner davantage vers les gouvernements pour obtenir un soutien. Entre-temps, les riches pourraient chercher des moyens encore plus complexes de dissimuler leurs avoirs.

« S’allonger à plat » signifie renoncer à de nombreux événements marquants de la vie, comme se marier, avoir des enfants et acheter une maison. Il peut également s’agir du refus de travailler.

Le travail de soins pourrait devenir mieux rémunéré — et les soins rémunérés plus coûteux. Un plus grand nombre d’adultes âgés pourraient ne pas avoir de membres de leur famille à proximité pour s’occuper d’eux, et dépendre davantage des travailleurs sociaux rémunérés, ce qui peut entraîner des pénuries de personnel soignant. Ces pénuries peuvent alors conduire à une augmentation des salaires afin d’attirer les gens vers ces emplois et de leur donner une raison d’y rester. Les pays risquent d’être de plus en plus en concurrence pour le recrutement de membres du personnel soignant qualifiés. L’augmentation des coûts des soins pourrait accroître la pression exercée sur les membres de la famille pour qu’ils quittent le marché du travail afin de s’occuper de leurs proches.

Les « enfants-influenceurs » pourraient demander aux plateformes de contenu numérique une rémunération équitable, une supervision et des permis de travail, ainsi qu’une refonte des lignes directrices sur les normes de travail. La ligne de démarcation entre l’activité économique productive et les loisirs s’estompe à mesure que les plateformes en ligne tirent profit de l’engagement de leurs utilisateurs en regroupant et en monétisant les données. Dans certains cas, comme celui des « enfants-influenceurs », le contenu vidéo des enfants qui font des activités comme ouvrir ou jouer avec des jouets est monétisé grâce aux revenus publicitaires. À mesure que les enfants-influenceurs grandissent, ils peuvent collectivement commencer à soulever des questions sur le consentement, la rémunération équitable, la surveillance, les permis de travail, les lignes directrices sur les normes de travail et la fiscalité.

Les « enfants-influenceurs » sont des enfants qui ont un grand nombre d’adeptes sur les médias sociaux et qui gagnent souvent de l’argent pour du contenu commandité, un montant estimé à 8 milliards de dollars en 2020Note de fin de page116. Leurs parents gèrent habituellement leurs activités. Certaines administrations édictent des lois pour classer cette pratique comme une forme de travail des enfants.

6.6 Troisième âge

Les adultes vieillissants pourraient chercher différents moyens d’atteindre la sécurité économique. La retraite, telle que nous la connaissons, pourrait devenir beaucoup moins courante. Un plus grand nombre de personnes ayant moins d’épargne pourraient devoir prendre leur retraite plus tard. D’autres pourraient se livrer à un géoarbitrageNote de fin de page117 : les pays à faible revenu offrent aux retraités de plus en plus d’incitations au déménagement, qu’il s’agisse de la catégorie de citoyens des « retraités » ou de réductions sur les factures de services publicsNote de fin de page118. Différentes décisions concernant la retraite et l’épargne pourraient être prises plus tôt dans le parcours de vie. Les demandes pourraient se multiplier pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge dans le recrutement sur le lieu de travailNote de fin de page119 et les mesures d’adaptation.

Le géoarbitrage consiste à déménager dans un endroit où le coût de la vie est moins élevé, tout en conservant le même niveau de revenu.

L’âgisme généraliséNote de fin de page120. De nouveaux choix s’offrent aux personnes âgées fortunées pour passer le « troisième acte » de leur vie. Les communautés de retraite sur les campus universitaires d’Amérique du Nord visent à fournir de nouvelles sources de revenus aux universités et des « laboratoires vivants » aux chercheursNote de fin de page121. Nous pourrions assister à la naissance d’une « politique de la vieillesse » plus radicale, qui préconise une augmentation des droits et une meilleure prise en compte des besoins des personnes âgées. Elle pourrait prendre la forme de mouvements populaires ou de partis politiques du « pouvoir gris ».

La conception des logements et le développement des infrastructures peuvent évoluer pour répondre aux besoins d’une population vieillissante. Aujourd’hui, les villes sont en grande partie bâties autour des besoins des adultes en âge de travailler et physiquement aptes. Les gens qui vivent en meilleure santé plus longtemps s’attendent à une plus grande autonomie au troisième âge que les générations précédentes. De nouvelles maisons et infrastructures pourraient anticiper l’évolution des besoins de santé tout au long du parcours de vie. La majeure partie des personnes âgées de 65 ans et plus au Canada vit dans les régions rurales et les banlieuesNote de fin de page122. Par conséquent, nous pourrions assister à une hausse de la demande de services à domicile et de transports en commun. Les municipalités pourraient créer de nouveaux règlements de zonage pour permettre aux personnes âgées de former des coopératives de logement.

7.0 Conclusion

Le parcours de vie est en train de changer. Beaucoup de gens reprennent des études à l’âge adulte afin d’acquérir de nouvelles compétences dans un marché du travail en mutation. Comme il est plus difficile d’acheter une maison, bon nombre de personnes vivent plus longtemps avec leur famille ou chez des amis. Certains ont des enfants plus tard dans la vie, et les élèvent tout en s’occupant de parents vieillissants. D’autres n’ont pas d’enfants et s’inquiètent de savoir qui s’occupera d’eux dans leurs derniers jours. Certains espèrent profiter d’une longue retraite en étant en bonne santé. D’autres craignent de devoir continuer à travailler pour subvenir à leurs besoins. Ce sont là quelques changements du parcours de vie qui sont déjà en cours, mais de nombreuses autres transformations sont susceptibles de se manifester au cours des prochaines décennies, sous l’effet de changements importants dans la société.

Le présent rapport a défini un premier cadre de réflexion sur les changements transformateurs qui affecteront nos vies futures. Il décrit les répercussions potentielles pour les spécialistes des politiques, les organisations communautaires prestataires de services, le secteur privé et les personnes vivant au Canada. Il constitue le point de départ d’autres travaux de prospective menés par Horizons de politiques dans ce domaine. Les futurs travaux porteront sur la manière dont les moteurs de changement interagissent les uns avec les autres, opèrent dans des contextes différents et s’appliquent à différentes sous-populations dont les parcours de vie peuvent être confrontés à des contraintes spécifiques et comporter différentes options.

Nous nous réjouissons à l’idée de collaborer avec des partenaires et des intervenants pour bâtir une vision prospective pertinente sur les vies futures.

Remerciements

Le présent rapport résume les réflexions, les idées et les analyses de nombreux collaborateurs au moyen de recherches, d’entretiens, de conversations et d’ateliers.

L’équipe du projet tient à remercier les experts qui ont généreusement fait don de leur temps et de leur savoir à l’appui de la recherche : Faiz Abhuani, Kristopher Alexander, Suzanne Brant, Alana Cattapan, Robert Crampton, Jacquie Eales, Gillian Einstein, Janet Fast, Nicole Frenette, Ilana Gershon, Alison Gopnik, Deborah Hayek, Andy Hines, Brett Kubicek, Blair McMurren, Gail Mitchell, Christine Overall, Peter Padbury, Atiq Rahman, Patti Ranahan, Kathleen Rice, Jennifer Robson, Sahar Sadjadi, Nathan Svenson, C. Thi Nguyen, Amanda Watson, Donna Wilson, ainsi que ceux et celles qui souhaitent rester anonymes.

Équipe du projet

John Beasy, analyste en prospective
Jennifer Lee, analyste en prospective
Nicole Rigillo, analyste principale en prospective
Simon Robertson, gestionnaire, prospective sociale
Tieja Thomas, analyste principale en prospective et chef de projet
Kristel Van der Elst, directrice générale

Communications

Maryam Alam, conseillère en communications
Laura Gauvreau, gestionnaire, Communications
Géraldine Green, conseillère en communications
Alain Piquette, graphiste
Andrew Wright, rédacteur (externe)
Nadia Zwierzchowska, conseillère principale en communications

Nous tenons à remercier nos collègues Imran Arshad, Marcus Ballinger, Fannie Bigras-Lafrance, Alexis Conrad, Kurt Richardson et Claire Woodside pour leur soutien à ce projet.

© Sa Majesté la reine du chef du Canada, 2022

Pour obtenir des informations sur les droits de reproduction : Communiquez avec Horizons de politiques

PDF : PH4-192/2022F-PDF
ISBN : 978-0-660-43262-5


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