Causeries d’Horizons : Les futurs pluriels – Une voie à suivre
La série de conférences Causeries d’Horizons réunit des experts du Canada et du monde entier qui partagent leurs recherches et leurs idées prospectives avec les fonctionnaires.
Prateeksha Singh, chef de l’expérimentation du Centre régional d’innovation Asie-Pacifique du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), nous fera part de ses réflexions sur l’importance de la pluralité et de l’équité en matière de prospective – un domaine qui n’a pas été suffisamment développé – et sur les raisons de cette importance. Elle présentera également Lotus, un cadre qu’elle est en train de mettre en place pour soutenir les praticiens de la prospective qui souhaitent s’engager consciencieusement dans un travail de prospective axé sur l’équité et l’inclusion.
La présentation de Prateeksha et la conversation qui suivra incluront des exemples de son travail avec les jeunes immigrés à Toronto, de ses installations expérientielles, de la coécriture d’un cadre de prospective féministe post-COVID-19 avec l’Agence internationale pour le développement des femmes (Australie), et de son expérience avec les bureaux du PNUD dans la région Asie-Pacifique.
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Transcription
ERIC WARD : Merci, Imran. Et Prateeksha, c’est un réel plaisir de vous avoir ici. C’est très gentil de nous rejoindre, merci.
Prateeksha Singh est une professionnelle pluridisciplinaire. Elle cherche à tirer parti des expériences du terrain pour fournir des outils et des perspectives supplémentaires afin de relever des défis complexes mais adaptatifs. Elle est motivée de composer avec une diversité de voix et d’images inclusives et plurielles de l’avenir.
Actuellement basée à Bangkok, Prateeksha est responsable de l’expérimentation au sein du Centre d’innovation régional Asie-Pacifique du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), où elle soutient le renforcement des capacités d’innovation institutionnelle au sein des bureaux régionaux du PNUD. Ces capacités couvrent notamment la prospective et la réflexion sur la cohésion des portefeuilles actuels, la théorie du changement des systèmes et l’innovation en matière de politique publique.
Prateeksha détient une maîtrise en prospective stratégique et en innovation de l’Université de l’EADO de Toronto. Elle siège au conseil d’administration de l’Association of Professional Futurists (APF) et y préside un festival virtuel annuel. Elle est la lauréate du prix mondial 2019 Next Generation Foresight Practitioner. Par ailleurs, elle est photographe noir et blanc engagée. Aspect, non anodin, qui sera peut-être traité plus tard.
Merci beaucoup et, sans prendre plus de temps, Prateeksha, je vous cède la parole.
PRATEEKSHA SINGH : Donc merci beaucoup pour cette introduction. Je suis en effet basée à Bangkok. Nous avons 12 heures d’avance, il est 21 heures ici. Vous avez déjà une petite idée de mon parcours et de mon travail. J’espère qu’à la fin de cette présentation, vous en saurez davantage (inaudible) sur la façon dont j’exerce mon métier, les valeurs et les principes qui ont guidé mon activité de prospective. Vous constaterez que je m’appuie beaucoup sur ces fondements au conseil d’administration, notamment ceux relatifs à l’équité et à la représentation, la prospective étant généralement peu mondiale ou diversifiée. Toutefois, ces dernières années ont été marquées par de réelles améliorations à ce sujet.
Les mots « prospective » et « avenirs » ont en quelque sorte gagné en popularité et je pense que c’est une étape encourageante pour que davantage de voix se fassent entendre. On pourrait évoquer aussi le fonctionnement du festival Futures. J’ai hâte de vous présenter comment, en tant qu’organisateurs d’événements, nous pouvons donner écho à la diversité des visions du monde, et pas seulement la diversité visuelle, grâce à la sélection de nos intervenants.
Comme Éric l’a mentionné, j’ai étudié à l’EADO. J’ai fait une pause dans mes études pour travailler quelques années à mon compte afin notamment d’explorer les moyens d’appliquer les théories apprises sur la prospective et les systèmes dans les communautés. J’ai fait le choix de ne pas travailler dans la prospective axée sur l’université et l’entreprise, au profit principalement des gouvernements.
Je me suis donc interrogée sur la façon de partager ces concepts et principes avec des personnes qui ne les ont pas étudiés ou des professionnels qui ne peuvent pas nécessairement me confier des mandats qui s’étalent sur plusieurs mois. J’ai travaillé avec des jeunes de couleur, des jeunes immigrés à Toronto de première génération, et aussi avec le gouvernement fédéral. J’ai travaillé avec le Centre de technologie et de sciences environnementales (ESTC) à Ottawa pendant plusieurs mois pour l’emploi des jeunes. J’ai abordé la prospective en découpant le temps en trois périodes (passé, présent, avenir) afin de déterminer comment le discours permettait une variété de thèmes de conversation. J’ai aussi beaucoup travaillé dans le domaine des soins de santé. Il ne renvoie pas proprement parler à la prospective, mais à l’application de systèmes et de visualisations de systèmes permettant à nos clients de cerner l’intérêt de leurs cartographies pour soutenir un changement de politique.
Je pense que l’intérêt de ce travail devrait être perçu par nombre d’entre nous.
Je suis retournée quelques années plus tard à l’université pour terminer ma maîtrise. Le moment était opportun, d’autant plus que le sujet correspondait à mon travail de recherche final. À cette époque, je siégeais déjà au conseil d’administration. J’avais déjà dirigé le festival Futures et travaillé avec empathie sur ce cours.
Les notions d’inclusivité et de représentation étaient cruciales pour moi. Il était primordial que mon étude de recherche concerne la compréhension de l’influence occidentale sur le domaine de la prospective comme une forme de (inaudible) domaine et de son véritable rôle. C’est ainsi qu’est né spontanément un cadre appelé lotus, que j’espère partager avec vous aujourd’hui dans le bref laps de temps qui nous est accordé.
Fondamentalement, il est en train de devenir un guide pour les professionnels qui veulent réellement remettre en question leurs propres systèmes de croyances, de visions du monde et de bases de travail infondées. Nous pourrions réellement nous y appuyer, à titre personnel et professionnel, pour envisager un avenir idéalement plus inclusif et divers, culturellement sensible et anticolonial au sein de notre communauté élargie. Je souhaite vous montrer que ces grandes idées, sur lesquelles je fonde mon action, constituent un atout pour la communauté, qui est appelée à constamment évoluer. J’espère vraiment pouvoir compter sur vous, autant aujourd’hui que dans vos actions demain.
En fait, si vous êtes d’accord, je vais prendre quelques minutes pour vous expliquer le cadre, avant de revenir sur certaines de ses influences dans ma façon de travailler après avoir quitté et rejoint le PNUD.
Permettez-moi donc vous montrer le site Web.
Vous trouverez les liens également dans la présentation. Je l’ai mis en ligne il y a quelques jours et j’ai vraiment hâte de le partager avec vous et d’avoir votre avis.
Je souhaite principalement mettre en exergue ce soir certains éléments du cadre qui nous permettent de devenir des professionnels plus intentionnels sur le terrain afin d’accroître objectivement les visions du monde et la représentation dans l’espace. Il me semble que cette notion, proposée il y a quelques années, résonne à l’échelle mondiale, en particulier dans la région dans laquelle je vis et dans laquelle je suis immergée, l’Asie-Pacifique. Il y a une normalisation croissante d’un discours dominant imposé comme normatif. En tant que professionnelle de la prospective, je pense – sans vouloir prêcher – qu’il est important que mes actions soient empreintes de conscience de soi et d’intentionnalité et que certaines notions non représentatives soient remises en question de nombre d’entre nous.
Je crois que le cadre émane de toute cette réflexion. Savez-vous pourquoi en 2021 un travail comme celui-ci reste toujours aussi pertinent? Je pense et j’espère que nous parviendrons ensemble à lui accorder la place qu’il mérite dans notre époque actuelle.
En fait, le cadre nous incite à remettre en question notre activité en tant que professionnels dans de multiples domaines. J’ai été assez consciencieuse et j’espère que, lorsque vous prendrez peut-être un moment après la présentation pour parcourir le guide, vous réfléchirez à la manière dont nous prescrivons la valeur et le mérite dans le domaine, car elle influe sur ce que nous faisons et nous gardons. Par ricochet, elle intervient aussi sur la connaissance, notamment en termes de conception et de transfert, et aussi de définition de connaissance valide.
Quelles sont les connaissances que nous considérons comme valables? Il s’agit donc de petites différenciations ayant un impact profond sur ce qui a fait, fait et fera partie du domaine. Pour cela, nous devons ouvrir nos horizons et être conscients de cet enjeu.
Une fois que nous avons réfléchi à la façon dont nous concevons, transférons et validons les connaissances et que nous avons défini les connaissances valides, nous avons fondamentalement précisé ce qui faisait partie du domaine, l’ontologie du domaine.
De cette étape proviennent nos méthodes et nos façons d’agir, ainsi que les outils que nous avons tendance à créer et à utiliser. J’ai voulu défier tous ces aspects à un moment donné. Je suis très privilégiée d’avoir pu mettre à profit plusieurs mois pour réfléchir à mes propres expériences et m’entretenir avec divers experts et professionnels du monde entier d’horizons différents afin de poser les bases de quelque chose.
Je pense aussi que ces documents, que vous parcourrez sûrement quand vous aurez du temps, vous permettront de réaliser que de nombreux principes sont reconnus et généralement acceptés dans les cadres. Je souhaitais vraiment en interroger plusieurs d’entre eux sur différents sujets, notamment la dimension bidimensionnelle, l’aspect statique des cadres auxquels nous sommes traditionnellement habitués.
Je pense que l’équité, la représentation et la sensibilité culturelle constituent des sujets en évolution. Ainsi, je voulais créer quelque chose qui reflète mes idées en rassemblant (inaudible). L’idée n’était pas de produire sans cesse, mais plutôt de créer un cadre dynamique, qui permette d’évoluer.
Je vais vous présenter aujourd’hui des choses que nous prenons pour acquises. Elles sont encore sous une forme statique, alors que je me convertis à être plus dynamique.
Sachez que je suis mal à l’aise avec cette notion d’auteur. Je me considère comme une auteure primaire, car la plupart du travail que nous faisons pour concevoir un cadre émane de choses, de personnes et de lectures. Mon cadre reflète bien cette idée, étant constitué d’échanges avec de nombreux professionnels ainsi que de représentations et d’expériences de diverses personnes.
Nous pourrions tous contribuer au cadre, qui deviendrait un atout communautaire. Nous sommes davantage habitués à voir des cadres sous forme de cercles, de carrés et de triangles plutôt qu’à ça. Heureusement que l’université nous permet de sortir du moule et de prendre des risques. C’est certain que vous n’auriez pas pris au sérieux si je vous avais présenté ça comme étant mon cadre complet.
En fait, tout a été mûrement réfléchi dans le choix de la fleur (le lotus) et de la couleur (rose). J’insiste un peu sur ce point, mais sachez que je suis vraiment très reconnaissante de l’école de design. Je pense qu’il est important de se remettre en question et de remettre en question ce qu’on nous donne, les principes acceptés comme mentionnait Imran, autrement dit le holisme contre le réductionnisme. Il serait beaucoup plus facile pour moi d’avoir une très jolie fleur avec seulement des pétales plutôt que de vous montrer aussi les racines. Mais, en travaillant sur un cadre, j’ai réalisé et j’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler à quel point les racines sont importantes. Elles nous ancrent et ancrent aussi mes principes et mon activité. Je voulais que les professionnels qui utilisent ce cadre s’interrogent sur leur ancrage.
La feuille de lotus s’inspire de l’hindouisme et du bouddhisme, dont la signification religieuse est importante. J’ai surtout été très inspirée par le lieu dans lequel poussent les lotus du monde entier, dans de l’eau boueuse avant de s’en élever pour devenir cette belle chose. Au moment d’écrire ces lignes, j’étais en Inde et le nombre de discours sur l’anti-nationalisme ne faisait que progresser. Ce contexte environnant insufflait négativité et polarisation.
Comment un tel cadre pourrait-il offrir une alternative à cette norme en termes de discussions et de discours?
Juste rapidement quelques autres principes et ensuite je passerai à autre chose.
Dans un lotus, ce sont souvent les feuilles qui constituent une couche de séparation entre l’eau et les pétales. J’ai vite réalisé alors que j’écrivais ce livre en Inde que toutes mes bonnes intentions de faire un travail inclusif sur l’avenir de ce pays seraient vaines si je n’avais pas une véritable connaissance du discours culturel et social à l’époque. En fait, je pense que la beauté de l’inclusion et de la pluralité est une acceptation, une acceptation consciente du fait que nous devons nous demander si, dans un pays, la censure, l’ouverture et la capacité de discuter réellement de la pluralité sont même acceptées ou si elles ne qualifieraient pas les gens de dissidents et d’anti-nationaux. Ce point se constate dans la région où je vis et, je pense, dans de nombreux autres pays, et peut-être même très proches de chez moi, pour être honnête.
Avant de partager des principes qui paraissent positifs, les professionnels devraient prendre pleinement conscience de l’environnement plus large dans lequel ils veulent travailler et s’assurer qu’ils ne mettent pas la vie des gens en danger, y compris la leur.
C’est ainsi que la structure de ce cadre en couches (avec ses incitations et ses questions) prend tout son intérêt. Si l’objectif principal consiste à faire émerger divers avenirs et visions du monde, nous pouvons nous interroger sur le premier niveau, à savoir la conception de nos sessions. Ne portez pas trop attention aux chaînes visuelles. Cela est mon travail de graphisme et cela d’un graphiste professionnel. Bien que je ne sois pas graphiste, je voulais partager avec vous quelques éléments qui devraient animer nos discussions et vous expliquer les raisons de leur importance.
Je pense que notre statut de professionnels de la prospective nous confère beaucoup de pouvoir lorsque nous travaillons dans des communautés. Nous avons la possibilité d’influer sur différents éléments de pouvoir et de privilège que nous utilisons dans notre travail. Lorsque nous élaborons une initiative, nous fixons nous-mêmes le but et l’objectif d’une séance de travail sur l’avenir, généralement sans consulter le public. Je ne dis pas que c’est toujours le cas; toutefois, nous en avons le pouvoir.
En tant que professionnels, nous avons également le pouvoir de concevoir les types de déséquilibres qui peuvent apparaître dans cette pièce entre l’animateur de la session et le participant. Il s’agit là de constructions de pouvoir. L’un de ces pouvoirs que je voulais démanteler ou ressentir lors de la conception concerne celui de la création de nouveaux déséquilibres, basé sur la façon dont je décide d’organiser purement ma session. Quelles sont les méthodes que j’utilise? Quelles sont ces sortes de sorties que je crée? Comment et quand dois-je faire ces séances? Ces questions, d’apparence anodine, revêtent toute leur importance en termes d’équation que nous établissons avec qui et comment nous travaillons.
Ce travail fait aussi référence à des principes. Êtes-vous d’accord? Je vous invite à fixer l’objectif d’un exercice d’avenir pour votre propre activité tout en m’écoutant. J’espère que vous serez inspirés et j’ai vraiment hâte d’en entendre parler.
Ce sont des concepts qui me sont apparus en travaillant sur ce projet. Il m’a semblé très important de les traiter avec concision et clarté.
Vous savez qu’il est plus facile de travailler avec des personnes d’organisations intermédiaires qui ont participé à la fixation d’un objectif. Cette prise de conscience s’applique pour mes sessions, qui devraient intégrer l’intérêt de mon auditoire dans la pièce?
C’est ainsi qu’en élaborant ce cadre, j’ai été amenée à m’interroger sur les outils qui peuvent m’aider à appréhender la diversité des participants de mon auditoire. C’est ainsi qu’est née en quelque sorte l’idée d’un outil communautaire. J’ai commencé à réaliser que pour chacun de ces pétales dans les trois couches, je pouvais faire référence à différents professionnels qui s’investissaient dans la création de cadres, d’études de recherche et des pratiques construites uniquement sur ces principes spécifiques. Ainsi, une partie de l’objectif consiste à savoir comment connecter chaque pétale au travail d’autres personnes. L’idée est d’établir des liens avec des professionnels de la prospective et de toute discipline pour qui les questions d’équité revêtent une grande importance.
Vous savez, la deuxième couche concerne encore une fois ces principes plus profonds, plus larges que le design inclusif des principes de l’avenir inclusif. À défaut de trouver des principes, je n’ai pas vraiment cherché à créer ce cadre. J’essayais simplement de rédiger mes recherches et je me suis rendu compte que ni les murs académiques ni les murs de recherche ne me permettaient de trouver des principes de conception inclusive qui rassemblent de manière cohérente plusieurs couches différentes. N’ayant pas trouvé de principes d’avenir inclusifs, j’ai décidé d’en créer quelques-uns sur la base de ces éléments. Leur emplacement a de l’importance en fait.
Désolée, ce n’est pas très visible. Ce serait apprécié de ne pas se moquer de mes compétences PowerPoint. Étudier à l’EADO m’a révélé mon niveau en conception visuelle et m’a permis de travailler avec de brillants graphistes.
Ainsi, il a été estimé judicieux de placer les principes à l’emplacement des pétales. L’objectif consiste à offrir un cadre en ligne et dynamique, qui permet le déplacement des pétales afin de poser les questions dans l’ordre que vous souhaitez.
Je les ai mis dans cet ordre pour la présentation, mais je ne vous impose nullement ma propre hiérarchie. Mon objectif est de vous montrer que, en déplaçant les choses, de nouveaux principes pourraient émerger à ces différentes intersections.
Dans mes recherches, je vous expose l’évolution de ces principes, leur signification à mes yeux et ma façon de les définir. Cette définition, une parmi tant d’autres, permet simplement de vous donner une piste de réflexion sur la façon dont je perçois les choses.
Quant à la dernière strate, elle me parait être la plus révélatrice dans un certain sens, par rapport aux deux premières que nous venons d’observer. Il est devenu essentiel pour moi de penser à d’autres messages et éléments à intégrer dans mes sessions qui me permettent de tenir davantage compte des différentes géographies et lieux avec lesquels je travaille.
J’ai donc mentionné ici différentes choses qui proviennent de mes recherches et de mes entretiens, dont certaines semblent encore aléatoires. Un sujet qui m’est paru très intéressant aussi concerne le langage, que j’ai mentionné ici en bas.
Des professionnels qui se rendaient au Japon et en Corée du Sud pour mener des travaux sur l’avenir m’ont expliqué que les mots pluriels pour le futur n’existaient pas dans ces deux langues. Ils ont dû s’adapter sur le champ une fois sur place. Je mentionne ce point ici pour que vous sachiez que ce cas de figure peut se présenter, alors qu’en anglais nous avons le futur et le pluriel, et que ce concept même peut ne pas se traduire. Comment l’utilisation d’un cadre comme celui-ci peut-elle vous permettre de vous préparer à cette traduction, afin de pouvoir, une fois sur place, créer un pont conceptuel, voire un pont linguistique littéral, vers le genre de choses que nous essayons d’atteindre.
J’ai investi beaucoup de temps et d’énergie sur ce sujet. Il n’est pas statique, comme je l’ai dit, même dans son contenu. Je me rends compte que certains éléments, qui devraient être là, ne le sont pas. Dans la mesure du possible, il est important de toujours se demander si nous sommes la personne idéale pour un travail en particulier, qu’il s’agisse de financement ou d’éthique. De nombreux professionnels veulent aller et venir travailler dans notre région. Ceux qui justifient leur choix par l’attrait de la région ne constituent pas nécessairement les meilleurs professionnels pour ce travail.
Je pense donc qu’il est de mon devoir d’aborder ce genre de remise en cause et de questionnement avant tout départ, compte tenu de l’importance de notre responsabilité et des conséquences d’une collaboration avec autrui.
Ce cadre traite notamment de ce point. J’en suis à l’étape suivante où je renseigne constamment les différents types de cadres et de professionnels auxquels je peux confier ce travail, dans tout domaine, et pas seulement celui de la prospective. J’aimerais donc entendre ceux d’entre vous qui ont l’occasion de rencontrer des professionnels (travail, loisirs) qui envisagent ce concept de multiples manières différentes.
Alors que pour nous le temps est linéaire, il est perçu différemment dans diverses cultures. Comment alors cette différence peut-elle impacter fondamentalement la façon dont nous menons ce travail de futur inclusif?
Il s’agit d’un type de questionnement sur lequel je réfléchis beaucoup. J’apprécie avoir du temps pour ce type de réflexion. Comment aider les personnes qui n’ont pas forcément l’occasion de prendre le temps de la réflexion et qui souhaiteraient agir de façon plus consciente et intentionnelle?
Je m’investis beaucoup sur le sujet et souhaiterais pourvoir aussi compter sur votre collaboration.
Cette opportunité est venue de l’Agence internationale pour le développement des femmes, basée en Australie, qui voulait organiser des sessions dans le Pacifique, après la Covid. En parallèle, je travaillais au PNUD et m’investissais sur le lotus. Cette association s’appuie sur les principes féministes pour proposer aux femmes un avenir (inaudible) après la pandémie.
Comme vous pouvez l’imaginer, les principes féministes ne concernent pas seulement le genre. Ils correspondent à notre fondement et offrent un niveau très approfondi et sincère d’intersectionnalité. Cette initiative repose sur le travail d’un certain nombre de professionnels. Nous avons travaillé avec Changes en tant que société de conseil de base et avons rédigé ce cadre pour IWDA.
Au cours de cette expérience et des discussions basées sur le lotus, j’ai pu prendre conscience que le domaine n’était pas très féministe. Dans ses cadres, il nous incite rarement à réfléchir au genre ou aux intersections. Il a été pertinent de s’interroger, de rédiger, de réfléchir et de constater sur le terrain pendant que nous écrivions ce cadre. Cette expérience a été excessivement enrichissante, car elle m’a permis d’exercer un œil critique sur la structure et les fondements de notre domaine ainsi que sur ses opportunités en termes de croissance.
Une dernière notion que je voulais partager, avant de passer la parole, concerne la prévoyance de nos institutions. Au sein du PNUD, je travaille avec l’équipe régionale d’innovation et j’ai été amenée à aborder progressivement l’enjeu de la prospective. La pandémie a vraiment constitué un terreau favorable, mais pas forcément à court terme. En effet, j’ai réalisé qu’en situation de crise, les gens délaissent ce genre de concept, et notamment le principe de la prospective. Cette situation pandémique a suscité un intérêt pour la prospective et aussi un sentiment d’urgence.
Les bases de ce cours au PNUD est le renforcement des capacités internes. Comment pouvons-nous même parler de ces principes? Comment commencer à la base de ces principes? Comment faire en sorte que notre programmation et notre conception de projets soient beaucoup plus axées sur l’avenir, plus adaptatives et plus réactives? Comment nous mobilisons-nous réellement avec nos partenaires qui, pour le PNUD, sont principalement des gouvernements? Comment nous mobilisons-nous avec nos gouvernements afin d’offrir réellement les principes de la gouvernance anticipative, ces principes d’inclusion? Vous savez certaines de mes créations capitalisent sur mes expériences partagées avec nos bureaux nationaux qui abordent l’intégration de ces notions de genre, de climat et d’inégalité socio-économique dans tout notre travail.
Le fait de concevoir et d’animer des sessions, je peux intégrer ces trois notions facilement. Il est intéressant de réfléchir à ces notions à petite échelle dans un premier temps lorsque l’environnement n’est pas encore acquis à la cause de la prospective.
Pour conclure, je suis curieuse d’observer comment le genre, le climat, l’inégalité et l’iniquité socio-économique – thèmes pour lesquels je suis convaincue de l’intérêt – sont intégrés dans les scénarios de mes collègues. L’inégalité socio-économique est-elle causée par des religions, des motifs, ou provient-elle du changement climatique? Est-elle causée par les gouvernements et les politiques gouvernementales? Tous ces « pourquoi » revêtent une importance capitale, car je suis souvent de passage dans les pays dans lesquels je travaille, et non native. Les « pourquoi » me permettent de tenir compte de la particularité de chacune des régions que j’étudie.
Cette tribune m’a permis de vous présenter brièvement mon activité et la manière dont les futurs inclusifs ont évolué au cours de ma carrière (communautés, PNUD, bureaux de pays et gouvernements régionaux).
J’espère que je n’ai pas dépassé le temps qui m’était imparti et que vous avez décelé le pouvoir qui est en votre possession au sein de Horizons politiques et, plus généralement, dans le secteur public. Merci.