Causeries d’Horizons : L’avenir du PIB et l’avenir du travail
La série de conférences Causeries d’Horizons réunit des experts du Canada et du monde entier qui partagent leurs recherches et leurs idées prospectives avec les fonctionnaires.
Les technologies numériques pourraient-elles entraîner le déclin permanent de la demande (mesurée par le PIB)? Quelles pourraient-être les incidences économiques et fiscales de ce déclin?
Joignez-vous à nous pour une conversation très actuelle au sujet de l’impact des technologies numériques avec Armine Yalnizyan, fellow de la Fondation Atkinson chargée des recherches sur l’avenir des travailleurs. Elle a été conseillère principale en politiques économiques auprès du sous-ministre de l’Emploi et du Développement social de 2018 à 2019.
Les plateformes de travail en ligne se développent rapidement, tant dans les secteurs existants que dans ceux où les compétences et les salaires sont plus élevés. Ainsi, un plus grand nombre de cols blancs bien rémunérés au Canada pourraient être en concurrence avec des personnes provenant d’économies où les salaires sont plus bas, tout comme les cols bleus ont dû faire face à la mondialisation entre les années 1970 et 1990. Au fur et à mesure que les salaires mondiaux convergent, les travailleurs des pays riches pourraient voir leur salaire baisser, tandis que ceux des pays plus pauvres pourraient voir leur salaire et leur pouvoir d’achat augmenter. La situation ne sera peut-être pas homogène, mais, comme tout ce que nous apprenons au cours de cette pandémie, les interventions des pouvoirs publics pourraient maximiser son potentiel.
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MARCUS BALLINGER : C’est un grand plaisir pour moi de vous présenter Armine. J’ai eu un certain nombre de conversations avec Armine au cours de ma carrière professionnelle et je les ai toujours trouvées instructives et très intéressantes. C’est un grand plaisir pour moi de vous la présenter. Qui est Armine Yalnizyan? Elle est chercheuse de la Fondation Atkinson sur l’avenir des travailleurs. Elle a également occupé le poste de conseillère principale en politique économique auprès du sous-ministre d’Emploi et Développement social Canada de 2018 à 2019. Elle a aidé à diriger le projet sur les inégalités du Centre canadien de politiques alternatives de 2008 à 2017 et beaucoup d’entre vous la reconnaîtront pour ses chroniques hebdomadaires sur les affaires à la télévision et à CBC Radio de 2011 à 2019. Comme si cela ne suffisait pas, elle est également l’ancienne présidente de l’Association canadienne de science économique des affaires. Armine, c’est un grand plaisir de vous accueillir et j’attends avec impatience votre intervention d’aujourd’hui.
ARMINE YALNIZYAN : Merci beaucoup de m’avoir invitée et merci de m’avoir fait découvrir le monde de la réflexion prospective. L’équipe avec laquelle j’ai travaillé est tout à fait remarquable en matière de patience à mon égard, mais aussi en raison de sa volonté d’apprendre avec moi la manière de travailler sur la prospective en matière d’économie.
Je vais aborder très rapidement la raison pour laquelle on m’a demandé de rejoindre Horizons de politiques et de réfléchir à ce sujet, parce que vous devriez tous connaître cette partie du processus. Je ne vais vraiment me concentrer que sur les quatre premiers résultats importants, car nous allons manquer de temps, mais je serais ravie de discuter des autres. J’ai créé une présentation PowerPoint, où vous pouvez trouver un aide-mémoire sur les résultats, mais aussi un lien vers l’ensemble. La prémisse de tout ce travail était la suivante : les technologies numériques pourraient-elles détruire la demande mesurée par le PIB? La réponse, parce que nous ne sommes pas en train de résoudre un meurtre mystérieux ici, est : probablement.
Je dois vous dire que tout économiste qui parle de ce qui pourrait détruire la demande ne va pas avancer dans sa carrière, dans ce pays ou ailleurs. J’étais donc un peu réticente à le faire, mais j’étais intriguée par ce qui m’a été présenté par les gens d’Horizons de politiques, qui ont essentiellement fait valoir l’argument que tous ceux d’entre nous qui se penchent sur les technologies numériques observeront, à savoir que les technologies numériques créent l’abondance et que l’abondance peut créer une déflation des prix. Est-il possible qu’alors que la technologie a historiquement stimulé la croissance économique mesurée par le PIB, elle soit soudainement à l’origine de la déflation?
Il est évident que le rythme et l’ampleur sectorielle de l’adoption des technologies numériques ont de l’importance, et il est évident que nous faisons cette étude de cas d’économie 101 de type toutes choses étant égales par ailleurs. Si rien d’autre ne changeait et que nous ne faisions qu’adopter les technologies numériques, ces dernières pourraient-elles détruire la demande? Ce sont les choses que vous devez garder à l’esprit pendant que je vous parle. Je ne dis pas que les technologies numériques ou l’avenir du PIB ou du travail se dérouleront de cette manière, car il y a toujours des tas d’autres choses qui se passent. Mais si l’on considère simplement l’effet des technologies numériques et si l’on suit leur cheminement dans les différents couloirs des transactions économiques, des réalités et du contexte, il semble possible que les technologies numériques puissent réduire la demande mesurée par le PIB. Cela n’arrivera peut-être pas partout, mais cela pourrait arriver à certains endroits et le Canada est probablement l’endroit idéal pour cela, et je vais vous dire pourquoi dans une minute.
Tout d’abord, pourquoi mon écran est-il si lent à me répondre? Il est probable qu’au moment où il me répondra, nous en serons à trois diapositives, mais je l’ai fait avancer. Laissez-moi vous raconter ce qui se passe ensuite. Dans ce diaporama, je vous explique le processus. Je travaille avec Horizons de politiques sur les questions relatives au marché du travail depuis plusieurs années. J’étais l’une des personnes à qui ils avaient parlé au sujet de ce qui pourrait être l’avenir des marchés du travail. Ils sont venus me voir en disant : « Nous avons regardé au coin de la rue et voici une chose que nous pensons voir. Pouvez-vous nous aider à voir si cela a un sens du point de vue d’un économiste? »
Ce type de travail est si important pour les gouvernements. Je fais partie d’un réseau mondial où les pays n’ont pas tous cette capacité ou ne font pas tous ce genre de travail et ils sont très envieux que le gouvernement du Canada ait choisi de créer cette capacité, cette capacité de politiques pour les gouvernements. La pandémie a joué le rôle d’accélérateur pour toutes les questions que Peter Padbury, Marcus Ballinger et Steff Christensen m’ont posées en 2016 et 2017. Nous n’avons rien vu venir, mais ce sont surtout les aspects liés à l’avenir du travail qui conduisent à ce dont nous devons parler en premier, à savoir le ralentissement avant la croissance. Tout d’abord, chaque fois que je présenterai un chapitre, je montrerai quels sont les points saillants, puis j’approfondirai un peu ces points.
Je parlais du ralentissement depuis un moment déjà. Le ralentissement n’est pas une récession, mais c’est un ralentissement du taux de croissance du PIB qui se profilait à l’horizon depuis des décennies. C’est ce qui s’est passé. C’est la raison pour laquelle les gens veulent stimuler la productivité et l’innovation, afin de favoriser l’investissement, mais quoique nous fassions, quel que soit le plan que nous mettons en place, la croissance du PIB a ralenti en tant que tendance à long terme depuis le début de l’après-guerre. Le vieillissement de la population, les événements climatiques extrêmes et les alliances et alignements politiques internationaux de plus en plus incertains garantissent une croissance plus lente.
Lorsque nous parlons de mettre une priorité stratégique sur la croissance, qu’allons-nous obtenir? La croissance va-t-elle venir de la technologie? Allons-nous avoir quelque chose qui compense ou accélère le ralentissement? Et encore une fois, la première chose à retenir à propos des technologies numériques est leur tendance déflationniste. La deuxième chose est que tous les prix ne baissent pas en même temps et que ce sont donc les prix qui baissent en premier qui détermineront si les travailleurs ou les consommateurs sont mieux lotis. En d’autres termes, si les prix des biens et des services baissent en premier, vous êtes mieux loti. Si les prix des taux de salaire et des gains baissent en premier, votre situation est moins bonne. Bien entendu, aucun de ces processus ne se déroule de manière uniforme dans le monde entier, ni même dans un pays, ni même dans une région, parmi tous ceux qui y vivent. Il y a des dynamiques très importantes de gagnants et de perdants.
C’est tout ce que je dois faire ici. Je vous l’ai expliqué de façon un peu plus forte sur cette diapositive. Nous pourrons y revenir, mais il est certain que concernant la question qui m’a été posée à l’origine, à savoir « Les technologies numériques pourraient-elles ralentir la croissance? », il n’était pas clair pour moi s’il s’agissait d’une question mondiale ou d’une question concernant le Canada. Il s’avère que cela concernait tout. Dites-nous tout. Pourrait-elle être mondiale? Pourrait-elle concerner le Canada? Et donc je tiens à dire qu’il est très peu probable que cela se produise au niveau mondial, mais ce n’est pas si improbable, au moins l’incidence des technologies numériques en maintenant tout le reste constant pourrait avoir un effet déflationniste. La grande question ici sera de prêter attention aux gagnants et aux perdants, ce que nous n’avons pas fait pour les relations commerciales.
Il y a environ quatre ans, nous avons mis l’accent sur la croissance tirée par les exportations, négocié un tas d’accords commerciaux. Cela a amélioré notre situation en tant que consommateurs et a aggravé celle de certains travailleurs, et le monde entier a suivi ce processus. On pourrait dire que l’augmentation des inégalités et la réaction à cette augmentation sont le résultat direct du manque d’attention portée aux gagnants et aux perdants jusqu’à ces dernières années. Et c’est donc ce à quoi nous devons faire attention à l’avenir.
Ensuite, il faut se demander comment cela se fait. Comment cela introduit une tendance déflationniste? Nous commencerons par la production et la main-d’œuvre. Tout d’abord, grâce aux technologies numériques, il n’est pas nécessaire de produire en masse pour avoir une consommation de masse. Pièce à conviction A : Netflix. Deuxièmement, la technologie sépare toujours les tâches des emplois. Cela dit « pour » les emplois. Cela devrait dire « des » emplois. C’est le cas depuis plus de cent ans, lorsque nous avons mis au point les chaînes de montage dans la fabrication industrielle. Il s’agit toujours de retirer certaines choses du processus, de les automatiser pour les rendre plus efficaces. La technologie numérique fait exactement la même chose, rien de nouveau.
Le troisième point est que les plateformes existent désormais et que les plateformes élargissent les marchés pour qu’ils soient mondiaux, mais approfondissent également les marchés locaux et amènent les gens à interagir d’une manière nouvelle dans les transactions. Enfin, la technologie, comme nous le savons, permet à la fois de remplacer et de créer des emplois. C’est ce qu’elle a fait, vague après vague de l’évolution technologique. Ce cas n’est pas différent.
Comment la consommation de masse peut-elle exister sans production de masse? Par tout ce faisceau de technologies numériques : impression 3D, algorithmes, plateformes, téléprésence, chaîne de blocs. Tous ces éléments augmentent la possibilité et la demande de travail à la demande. Plus d’emplois peuvent être délocalisés, plus d’emplois peuvent être relocalisés et vous obtenez plus de travail en flux tendu en introduisant plus d’interactions numériques dans le processus de production.
Lorsque vous brisez les chaînes d’approvisionnement de cette manière, que vous raccourcissez les contrats des chaînes d’approvisionnement, que vous passez des contrats pour une tâche plutôt que pour un travail, vous augmentez la volatilité des chaînes d’approvisionnement. Cela est particulièrement souligné par le fait que – j’ai mentionné il y a juste une minute le libre-échange. Quatre décennies de travail sur la mondialisation comme moyen d’améliorer le bien-être des consommateurs en réduisant les prix ont eu pour conséquence que les emplois ont quitté les pays riches pour les économies émergentes.
Ce cycle de technologie nous permet de monter l’échelle et de toucher un groupe de travailleurs qui étaient isolés de cette vague de délocalisation et de mondialisation. Les personnes dont je parle sont des comptables, des avocats, des ingénieurs et tous ces cols blancs, ces travailleurs bien payés, ces diagnosticiens médicaux. Ce ne sont peut-être pas tous des professionnels, mais vous incluez les diagnosticiens médicaux, vous parlez des traducteurs. Toutes ces tâches peuvent désormais être effectuées par des personnes situées ailleurs dans le monde ou au moyen d’un algorithme ou de ce que l’on appelle l’intelligence artificielle, c’est-à-dire le codage.
Cela permet également à un plus grand nombre de personnes de travailler à domicile, ce qui signifie, comme nous l’avons vu lors de la pandémie, grâce à la téléprésence et aux plateformes, que si vous pouvez travailler à domicile, vous pouvez travailler partout dans le monde. Ce n’est pas encore le cas, mais c’est un vrai potentiel accéléré par la pandémie. Lorsque nous parlons de plateformes qui créent de nouveaux marchés plus profonds et plus larges, nous voyons toutes sortes de personnes qui font plus d’activités secondaires, parce qu’elles le peuvent. Nous ne savons pas si cela va remplacer les emplois de meilleure qualité, mais cela augmente certainement le potentiel de mères travaillant à la maison, de personnes travaillant après les heures de travail ou de retraités décidant d’effectuer quelques quarts de travail dans leur voiture. Les activités secondaires sont plus répandues, ce qui approfondit les marchés locaux, mais élargit aussi les marchés. Parce que si quelqu’un parle la même langue que vous et fait une offre pour écrire votre code ou créer votre site Web ou réviser un document ou écrire un document, n’importe lequel de ces types de travaux que vous pourriez mettre aux enchères, cela peut être fait de n’importe où dans le monde.
Nous parlons soudain de marchés mondialisés, ainsi que de marchés approfondis au niveau local et la technologie, comme je l’ai dit, remplace la main-d’œuvre, mais elle crée également plus d’emplois. Nous ne savons donc pas quel sera le résultat net, mais il se pourrait qu’elle remplace plus de main-d’œuvre ici qu’elle n’en crée. Nous l’ignorons. Restez à l’écoute.
Les technologies numériques transforment également la façon dont nous consommons les choses. Nous consommons les choses de manière moins régulière et plus à la demande, et lorsque les choses deviennent plus volatiles, leur quantité a tendance à se réduire au fil du temps. Plus de volatilité signifie généralement moins de quelque chose. Une plus grande volatilité de la consommation pourrait très bien signifier une baisse du PIB. Nous ne savons pas si le numérique va remplacer ou compléter ce que nous avons. Je vais y revenir dans une minute. Nous ne savons pas non plus si le numérique remplacera les options plus coûteuses par des options moins coûteuses. Mais le dernier point que je vous laisserai sur ce sujet, c’est que si le commerce des biens et des services, en particulier des biens, a fait baisser les prix, il a augmenté les volumes. Vous pourriez mesurer cela en une augmentation du PIB. Ce n’est peut-être pas le cas en ce qui concerne les technologies numériques. Lorsque le bien-être des consommateurs est effectivement plus élevé, nous sommes mieux lotis, mais cela ne se mesure pas par le PIB.
Laissez-moi vous expliquer un peu tout ça. Je l’ai déjà fait pour la consommation à la demande. Il se peut qu’une consommation de plus grande valeur se produise, mais que nous consommions moins. Lorsque nous parlons de substituer des coûts plus élevés de biens et de services par des coûts plus faibles, nous passons des hôtels à Airbnb. Au lieu d’acheter sans cesse de nouvelles voitures et de nouveaux appareils électroménagers, il est possible que nous soyons en mesure de mettre à niveau nos appareils avec de nouveaux logiciels ou de remplacer nos appareils ou des parties de ceux-ci qui tombent en panne avec de nouveaux logiciels. Cela peut ou non devenir meilleur marché, mais je dis simplement qu’il est impossible de savoir à l’heure actuelle dans quelle direction nous allons. Mais une possibilité est la réduction des coûts et de l’obsolescence planifiée des appareils.
Et puis nous parlons du passage du physique au numérique. C’est pour le journalisme et la musique, ce sont des choses que vous avez probablement tous faites vous-même. C’est ce que j’entends par le fait que le bien-être des consommateurs pourrait augmenter même si le PIB diminue. Nous pourrions obtenir une qualité bien supérieure, une plus grande variété et une qualité sur mesure, les choses que vous voulez et qui sont parfaites pour vous. Votre bien-être de consommateur pourrait augmenter même si le coût de ce que vous consommez diminue, ce qui tend à réduire le PIB.
Nous verrons l’incidence des technologies numériques sur le commerce. Quelle est l’incidence du numérique sur les exportations, la production de masse par rapport à la production sur mesure, la concurrence dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, les services et la localisation des données? Les exportations sont en baisse, peut-être parce qu’il est possible de faire plus de production nationale, de restaurer la production, de le faire chez soi, de le faire dans son jardin. Qui sait où se trouvera l’imprimante 3D? Elle pourrait être dans une bibliothèque. Elle pourrait être dans une entreprise qui en a le monopole dans votre communauté. Il se peut que nous trouvions un Uber pour les imprimantes 3D dans quelques années, mais il est possible que nous imprimions beaucoup plus de choses en 3D et que nous relocalisions la façon dont nous fabriquons les choses.
Nous savons que nous assistons déjà à une diminution de la production de masse. Beaucoup de choses sont encore produites en série, mais vous pouvez maintenant demander des choses très particulières à votre situation, ce qui signifie moins de stocks, moins d’expéditions et moins d’entreposage. Tout cela a une incidence sur la façon dont les choses se passent dans l’économie et sur la quantité de PIB générée à chaque étape.
La concurrence mondiale va s’accélérer avec l’utilisation de plus en plus fréquente de la possibilité de révéler qui d’autre peut concevoir quelque chose pour vous, produire quelque chose pour vous ou fournir quelque chose pour vous. Nous allons nous découvrir les uns les autres dans le monde beaucoup plus facilement, mais ce que cela signifie, c’est que votre mondialisation était basée vraiment sur des relations à long terme au tout début avec des contrats de chaîne d’approvisionnement à très long terme. Il y a encore beaucoup d’industries qui le font, mais plus nous augmentons la concurrence mondiale, plus il sera facile de trouver quelqu’un qui vous offre quelque chose de plus proche de la chose précise que vous voulez et peut-être pour un prix plus faible ou peut-être plus rapidement. Nous envisageons la possibilité de raccourcir la durée des contrats des chaînes d’approvisionnement pour la plupart des échanges de marchandises. Cela rendra les contrats encore plus fluides et cela pourrait signifier que la taille des lots de contrats pourrait également diminuer.
Et puis nous avons toutes sortes de nouveaux services numériques mondiaux, Netflix étant celui qui vient à l’esprit, mais même des choses comme – je vais m’arrêter là, parce que j’ai peur de manquer de temps. De nouvelles dispositions commerciales doivent également voir le jour dans nos accords. Pensez beaucoup à la protection de la propriété intellectuelle, mais pensez au fait qu’une grande partie des données collectées par des entreprises colossales vous concernent et ne vous appartiennent pas. Quelqu’un d’autre possède vos données et lorsqu’elles sont utilisées, la question est de savoir dans quel pays elles résident. La localisation et le stockage des données deviennent une préoccupation croissante pour les gouvernements, dont la responsabilité est d’assurer la sécurité et la confidentialité de leurs citoyens. Nous avons de nouvelles questions qui s’imbriquent dans des questions historiques du commerce, comme la protection de la propriété intellectuelle qui protégeait les entreprises. Et maintenant, nous envisageons la nécessité de protéger également les citoyens et les consommateurs. C’est plutôt chouette.
Je vais simplement survoler les choses. Ces quatre canaux : la production, la consommation, les exportations et l’idée même de croissance ou de ralentissement sont les principaux facteurs à prendre en considération lorsque vous vous demandez quelle est l’incidence du numérique sur le plan économique. Mais je veux que vous considériez qu’il peut également transformer la propriété et que la transformation de la propriété transformera également la génération de valeur. En réalité, cela dépend en grande partie de la question de savoir qui est propriétaire de quoi? S’il s’agit d’un secteur très concurrentiel au niveau mondial, une série de choses peuvent se produire, mais si un très petit nombre d’acteurs participent à la prestation du service numérique, une tout autre chose pourrait se produire en matière d’influence sur le prix. C’est comme ça que les économies fonctionnent.
L’autre grande leçon que j’ai tirée de ce travail est que les technologies numériques fonctionnent dans deux directions à la fois. Elles permettent en fait de découvrir plus rapidement les prix, ce qui tend à les stabiliser, mais elles facilitent aussi l’entrée et la sortie très rapide de nombreux acteurs sur un marché, ce qui déstabilise les prix. Ce qui se passe à un moment donné est le résultat de ces deux choses. De plus, la croissance de choses comme la chaîne de blocs et les registres distribués est vraiment potentiellement déstabilisante pour les grandes institutions de confiance comme les banques et la Banque du Canada en particulier. Les émetteurs de monnaie souveraine se penchent tous sur ces questions. Je vous invite à y jeter un coup d’œil. Je vais simplement dire que nous faisons une politique de PIB, nous faisons une politique de croissance, nous faisons une politique économique basée sur trois grands indicateurs. Il y en a d’autres, bien sûr, mais les trois que la politique monétaire et la politique budgétaire examinent sont ces trois-là et la technologie numérique brouille la fonction d’interprétation de ces trois indicateurs macroéconomiques. Encore une fois, je vous invite à regarder cette section. Cela fait environ deux pages.
Enfin, si vous n’avez pas d’indicateurs macroéconomiques fiables, si vous manquez beaucoup d’information sur ce qui se passe en temps réel, on ne sait pas si c’est plus ou moins fidèle à la réalité que par le passé, mais on se demande certainement de plus en plus dans quelle mesure ces indicateurs reflètent ce qui se passe réellement dans le temps. Il devient alors plus difficile d’introduire des politiques publiques fiables. La dernière chose que je dirai est que nous nageons dans une mer de données, mais leur utilité publique est moindre. Les personnes qui utilisent ces données appartiennent davantage au secteur privé qu’au secteur public, ce qui nous met tous au défi de tirer parti de la révolution en cours.
Pour résumer, la destruction de la demande est possible, mais cela ne signifie pas que notre situation sera pire. Les technologies numériques ont tendance à être déflationnistes, mais ce sont les prix qui baissent en premier qui importent, qu’il s’agisse du prix des biens et services ou du coût de la main-d’œuvre. Troisièmement, l’incidence de ces technologies ne se produira pas de la même manière partout et pour tout le monde. Nous devons donc être très sensibles à la question de savoir qui sont les gagnants et qui sont les perdants, à la fois en tant que consommateurs et en tant que travailleurs, car ces deux groupes d’intérêts sont parfois antagonistes. Enfin, il devient très difficile d’élaborer de bonnes politiques publiques, même si nous nageons dans des données de plus en plus nombreuses. Ce que je retiens de tout cela, c’est que si vous gardez l’œil sur le prix et que vous essayez de réduire au minimum les effets négatifs et de maximiser les effets positifs à partir de la base, vous compenserez une grande partie des problèmes à venir.
Je tiens à vous remercier de m’avoir invitée à vous présenter mon travail, mais je tiens également à remercier Horizons de politiques de s’intéresser à notre avenir.