Causeries d’Horizons : La science de la résilience—Stratégies pour promouvoir des individus, des institutions et des communautés forts
La série de conférences Causeries d’Horizons réunit des experts du Canada et du monde entier qui partagent leurs recherches et leurs idées prospectives avec les fonctionnaires.
Dr Michael Ungar présente la résilience non seulement comme étant notre capacité à surmonter l’adversité, mais aussi à créer des opportunités pour que les gens puissent accéder aux ressources nécessaires à leur bien-être de façon significative. Ses recherches soulignent la nécessité d’une interprétation multisystémique, transdisciplinaire et culturellement adaptée de la résilience pour les personnes issues de divers milieux et collectivités. Le Dr Ungar suggère également des moyens pour les collectivités et les gouvernements de rendre ces ressources plus efficaces.
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Présentateur
Dr. Michael Ungar, Thérapeute familial et directeur du Centre de recherche sur la résilience de l’Université Dalhousie
Transcription
ERIC WARD : Merci, Claire. C’est un plaisir de voir ici de nombreux visages et noms familiers, mais aussi de nouveaux.
Maintenant, pour le bénéfice de ces derniers, vous nous rejoignez à Horizons de politiques Canada, qui est le centre de prospective stratégique du gouvernement canadien. Nous sommes ravis que de nombreux autres ministères réalisent également de la prospective dans leurs domaines respectifs et que beaucoup d’entre vous le fassent et nous rejoignent également dans le Réseau fédéral de prospective.
La prospective ce n’est pas de la prédiction.
Foresight is not prediction. Ce n’est pas de la modélisation. Il s’agit plutôt d’une exploration disciplinée de ce qui peut arriver et de ce qui pourrait être nécessaire à l’avenir.
L’un des termes que beaucoup d’entre nous utilisent à ce sujet est le terme « résilience ». Ce terme a bien sûr acquis une importance et une notoriété nouvelles, alors que nous faisons face aux conséquences de la pandémie actuelle que nous traversons.
C’est aussi dans le titre – ou le mot « résilient » est dans le titre du dernier discours du Trône.
Nous sommes donc très heureux d’accueillir aujourd’hui Michael Ungar, thérapeute familial et professeur de travail social à l’Université Dalhousie, où il est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la résilience des enfants, des familles et des communautés.
Depuis 2002, M. Ungar dirige le Centre de recherche sur la résilience, qui conçoit des projets de recherche longitudinale et d’évaluation multisites en collaboration avec des organisations telles que la Banque mondiale, la Croix-Rouge et les agences nationales de santé publique.
Avec plus de 10 millions de dollars de recherche financée, les travaux cliniques et les recherches de M. Ungar s’étendent à plus d’une douzaine de pays à revenu faible, intermédiaire et élevé, une grande partie de ces travaux étant axée sur la résilience des enfants et des familles marginalisés, ainsi que sur les populations adultes qui ont des problèmes de santé mentale.
M. Ungar a publié plus de 200 articles et chapitres de livres évalués par des pairs sur le thème de la résilience, et il est l’auteur de 16 livres destinés aux professionnels de la santé mentale, aux chercheurs et aux parents. Parmi ceux-ci, il a publié récemment « Change Your World: The Science of Resilience and the True Path to Success », un livre pour les adultes qui subissent un stress au travail et à la maison.
Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. Nous sommes honorés de vous avoir parmi nous et je vous cède la parole, M. Ungar. C’est à vous.
MICHAEL UNGAR : Merci beaucoup.
J’apprécie vraiment cela, Eric, et en fait, tous ceux qui – ce qui entre dans l’organisation de ce genre d’événements. Alors merci, et il est très intéressant de vous expliquer un peu, très brièvement, cette idée de résilience, et peut-être de susciter quelques idées sur ce que cela pourrait signifier pour les orientations de politique, et en fait, pour le pays dans son ensemble.
Permettez-moi donc de commencer par démystifier un peu la résilience, car on entend souvent par là la capacité d’un individu à rebondir d’une manière ou d’une autre. Je ne suis pas sûr que ce soit exact, ni scientifiquement fondé, bien que cela fasse de très bonnes petites phrases, et Oprah adore ce genre de phrases.
Si vous examinez ce que nous comprenons à propos de la résilience, par exemple, vous prenez l’exemple des réfugiés syriens qui viennent au Canada et ce à quoi nous pouvons nous attendre en termes de trajectoire, de réussite dans ce pays, vous découvrez en fait des données comme celles de Daniel Hebert, selon lesquelles nous pouvons nous attendre à ce que les réfugiés qui viennent au Canada, dans un délai d’environ 20 ans, aient un taux de propriété et des revenus équivalents ou supérieurs à la moyenne canadienne.
Et cela se produira, pas seulement parce qu’ils ont des qualités ou un cran particuliers. Cela se produira, parce que nous – lorsqu’ils arrivent dans notre pays, ils sont accueillis par tout le monde, des organismes d’établissement aux communautés religieuses en passant par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ce qui facilite un processus d’intégration et, en fait, cela les dispose à réussir.
Et donc, commencer à réfléchir davantage à la résilience comme ce genre d’idée plus large est en fait l’orientation que nous allons prendre.
Maintenant, désolé, mes images semblent avoir un peu sauté ici, mais essentiellement – si vous commencez à dire, par exemple, que l’une des recherches que nous faisons en quelque sorte, en essayant de mieux comprendre ce phénomène, est en fait une recherche que nous faisons ici à Drayton Valley, en Alberta. Et quand vous commencez à réfléchir à ce qui soutient les communautés qui subissent un stress – dans ce cas, ce que vous regardez en fait ici, c’est le prix du pétrole et le prix du pétrole est – le prix mondial du pétrole est la ligne orange, et la ligne bleue, ce sont les revenus des ménages.
Ce n’est pas une surprise dans un endroit, une petite ville comme Drayton Valley, qui dépend fortement des industries du pétrole et du gaz, vous voyez une corrélation directe dans le temps entre ces deux mesures.
Bien sûr, on s’attendrait à ce que le revenu des ménages finisse par baisser avec la chute du prix mondial du pétrole après 2015, 2014, les années 2000 et au-delà.
Mais ce que nous avons essayé de faire, c’est d’examiner la résilience des jeunes adultes, dans ce cas-ci, et les décisions qu’ils prennent, et comment ils s’en sortent, en ne se contentant pas de comprendre leurs connaissances ou leur capacité à être attentifs ou à penser positivement à leur avenir. Ce que nous disons en quelque sorte, c’est que même une force macro-économique comme le prix du pétrole aura une sorte d’effet de ruissellement ou d’infiltration sur la psychologie ou l’incidence sur les familles et les décisions que les jeunes eux-mêmes prennent.
Donc, là où la recherche – et d’une certaine manière, le centre que je dirige à l’Université Dalhousie – est en quelque sorte, je suppose, un leader mondial dans ce genre de réflexion, c’est que nous disons en quelque sorte que la résilience doit être mieux comprise comme un système écologique biopsychosocial complexe.
En quelque sorte – cela semble compliqué, mais bien sûr, intuitivement, nous le savons. Les études sur un microbiote, comme toutes ces bactéries intestinales dont vous entendez peut-être parler, nous savons maintenant que ce que nous – vous savez, ce qui est à l’intérieur de nous affecte notre humeur et nos liens avec notre système immunitaire, et qu’en fait, nous pouvons examiner les taux d’anxiété et de dépression et d’autres choses par rapport à ce que nous avons dans nos intestins.
Mais nous savons aussi que ce qui se trouve dans vos intestins n’est pas purement fonction de ce qui s’y trouve. Il s’agit de savoir si vous vivez ou non dans une communauté qui est un désert alimentaire. Y a-t-il de bonnes épiceries? La nourriture est-elle abordable?
Ces politiques sociales plus larges sont en quelque sorte l’environnement social ou bâti qui peut en fait filtrer – si vous imaginez un système complet où tout est relié, et si vous commencez à parler de la résilience d’un individu, par exemple, à la dépression, alors vous parlez en fait de la capacité de tout, de son accès à un environnement naturel avec des espaces verts à la capacité d’acheter de la bonne nourriture, en passant par la façon dont cela va toucher son espace psychologique ainsi que sa propre santé physique.
Ce que nous comprenons maintenant, c’est que si vous voulez rendre un système plus résilient, vous devez parfois penser que d’autres systèmes à d’autres niveaux systémiques ont un effet de domino pour créer cette cascade de choses positives.
Alors, en gros, qu’est-ce que la résilience exactement? Eh bien, voilà. Ce n’est certainement pas dans le sens de – vous savez, Jon Kabat-Zinn qui mettait des moines bouddhistes dans des machines IRM et scannait leur cerveau pour étudier leur neuroplasticité, vous savez, un travail brillant, et oui, il dit, vous savez, « Vous ne pouvez pas arrêter les vagues, mais vous pouvez apprendre à surfer ».
Mais d’un point de vue de politique, n’oublions pas qu’il est plus facile d’apprendre à surfer si vous avez aussi une planche de surf, un entraîneur et un maître-nageur.
Donc, ce que nous comprenons du point de vue scientifique, c’est que vraiment – vous savez, si les gens n’allaient pas ressembler à ça sur le lieu de travail, alors – ou peut-être même à un moine bouddhiste – nous allons devoir penser plus largement.
Par exemple, si je comprends bien, lorsque le gouvernement fédéral a pris la décision de déménager – j’oublie quel ministère – il a emménagé dans l’un des nouveaux complexes en dehors d’Ottawa, et il n’a pas construit suffisamment de places de stationnement, ce qui a fait que – lorsque vous déménagez – c’était quoi, 8 000? Je ne sais pas vraiment – quelqu’un doit connaître cette histoire – et il a déménagé des milliers d’employés dans cette nouvelle installation. C’était une bonne idée, peut-être en ce qui concerne l’espace, mais en ne pensant tout simplement pas de manière systémique en termes de systèmes de transport ou de la manière dont les gens allaient se garer, faire du covoiturage ou se rendre à cet espace particulier, vous avez littéralement créé une cascade de réactions de stress et augmenté les jours de maladie, d’après ce que j’entends de mes collègues, etc.
Il faut donc commencer à réfléchir à ce genre d’interactions plus complexes si nous voulons comprendre la résilience.
Donc je pense que pour gagner du temps, je – en fait, je vais vous montrer. Je vais vous montrer ceci. Il s’agit d’un projet au Botswana, donc vraiment en dehors du contexte canadien, mais ici vous avez une jeune – une chercheuse nommée Masego Katisi, et qui essentiellement – ce qu’elle voulait faire était répondre aux besoins des enfants dont les parents étaient morts du VIH-SIDA, et créer une intervention favorisant la résilience au niveau de la communauté.
Et de manière tellement avancée par rapport à là où nous en sommes au Canada, elle a vraiment réfléchi aux multiples systèmes complexes qui touchent ces enfants, et elle a élaboré un programme intégré à la communauté en prenant les enfants, en les soutenant pendant trois ans, et en faisant travailler les professionnels avec eux dans une expérience de camp qui leur fait vivre des rites de passage pour les aider à faire la transition vers l’âge adulte.
Tout cela se conjugue pour créer – pour répondre aux besoins biologiques, psychologiques, sociaux, ainsi qu’aux besoins de services des populations particulièrement vulnérables.
Permettez-moi de la laisser l’expliquer en une minute ou deux pour que vous puissiez avoir une idée de ce à quoi peut ressembler une intervention bien conçue qui s’adresse à une population à haut risque.
MASEGO KATISI : Oui. Nous appelons ce programme un programme de résilience, non pas parce que je vous parle, mais parce que – oui, c’est un programme de résilience dans la mesure où le problème central ici est la perte des parents.
Mais lorsque les enfants ont perdu leurs parents, ils perdent par conséquent beaucoup d’autres ressources. Le programme contribue donc à la reconstruction de ces ressources.
Tout d’abord, il s’agit de renforcer les capacités de l’enfant lui-même, pour vérifier, qu’est-ce que j’ai en moi? Qu’est-ce que je vis? Comment puis-je utiliser les ressources, leur permettre de m’aider? Et puis, que dois-je relier, quelles sont les ressources disponibles que je peux relier et qui peuvent me soutenir tout au long de cette expérience?
Ce que fait donc le programme est numéro un, d’après ce que la communauté a trouvé, c’est utiliser les ressources culturelles du travail en équipe. Ainsi, autrefois, les jeunes étaient emmenés pour une initiation afin d’être formés en groupe, et c’est toujours le cas aujourd’hui, dans certaines communautés. Le programme rassemble donc ces jeunes en groupes pour leur dire « Venez » et, pour la première fois, ils campent dans la nature sauvage et bénéficient d’une plate-forme où, pour la première fois, ils peuvent partager leurs expériences de perte en équipe.
MICHAEL UNGAR : Je vois.
MASEGO KATISI : C’est ce que la communauté a recommandé.
MICHAEL UNGAR : Je vais arrêter là. Cette vidéo est d’ailleurs disponible en ligne et contient un manuel gratuit intitulé « What Works » que nous avons produit en tant que centre.
Mais ce que Masego veut dire en gros, c’est que la communauté a conseillé de donner à ces enfants la possibilité de travailler en groupe d’une manière adaptée à leur culture pour obtenir des services qui correspondent à leurs besoins, étant donné leur grande vulnérabilité, liée au fait que leurs parents sont tous deux décédés.
Et ce que nous commençons à comprendre du point de vue de la résilience, c’est qu’à mesure que nous réfléchissons davantage en prenant en compte de multiples systèmes, je sais que nous avons tendance à penser à la personne et à l’environnement et qu’ils interagissent, et nous voulons toujours mettre l’accent sur la personne, mais en fait, ce que nous comprenons vraiment maintenant sur le plan scientifique à ce sujet, c’est que l’environnement qui nous entoure, y compris les politiques, est incroyablement important pour la résilience.
Je veux dire, prenez quelque chose comme la pandémie en ce moment. L’efficacité de ces vaccins est indiquée uniquement sur le plan biologique, mais nous savons que l’efficacité d’un vaccin a très peu à voir avec la seule biologie des tests effectués dans les essais sur le terrain. Il s’agit aussi de savoir si les gens vont le prendre ou non, et c’est en fin de compte une question de modèles de prestation de services, de systèmes de santé, de financement des soins de santé, sans parler de la foi dans nos scientifiques, ainsi que, bien sûr, de la foi dans nos autres institutions comme la presse, et tout ce qui rapporte des faits exacts.
Alors, regardez. Je vais suggérer que la résilience est plus qu’un simple rebondissement, mais plutôt, lorsqu’il y a un contexte d’adversité importante, notre capacité à naviguer ou à trouver toutes ces sortes de ressources psychologiques, sociales, culturelles, physiques dont nous avons besoin pour bien faire, et notre capacité à naviguer ou à négocier, pour obtenir ce dont nous avons besoin de manière culturellement significative.
Je sais que c’est une longue définition, mais ce ne sont que deux concepts de base. Nous devons être capables de naviguer, de nous diriger vers ce dont nous avons besoin et d’obtenir les choses dont nous avons besoin d’une manière qui ait réellement un sens pour nous dans nos communautés.
Ainsi, quand, au Botswana, vous avez un groupe d’enfants très vulnérables et que Masego Katisi, dit : « Nous voulons aider ces enfants », elle leur fournit une ressource adaptée à leur culture, et cela fonctionne réellement. Les résultats sont bons, les enfants guérissent, ils restent en contact et ils pèsent moins lourd sur les multiples systèmes qui auraient dû autrement s’occuper d’eux.
Il y a donc des schémas, et bien que je n’aie pas le temps d’approfondir, ce que je voulais dire – et vous pouvez lire plus à ce sujet dans « Change Your World ». Il y a tout un livre sur ces schémas de base.
Mais permettez-moi de souligner que ce que nous voyons, ce sont de bonnes initiatives où les programmes ou les politiques qui favorisent la résilience ont tendance à répéter les mêmes schémas. Ils fournissent aux gens une structure, de la responsabilité. Ils favorisent une sorte de relations intimes. Ils fournissent des réseaux de relations de soutien aux personnes. Ils offrent aux gens la possibilité de se construire une identité puissante au sein de leur communauté ou de leurs structures sociales. On leur donne un sentiment de contrôle. Ils ont un sentiment d’appartenance. Ils ont l’impression qu’on leur donne une justice sociale. Ils obtiennent la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Cela assure en quelque sorte leur bien-être physique et, en effet, cela leur donne une sorte de stabilité financière et aussi, en fin de compte, une pensée positive.
Vous savez, si je puis me permettre, aucune intervention ne peut faire tout cela, mais lorsque nous examinons les initiatives de promotion, que ce soit au niveau de la communauté comme à Drayton Valley lorsqu’ils essaient de – maintenant ils essaient de comprendre la complexité d’une économie qui va de haut en bas et de bas en haut et connaît des cycles d’expansion et de ralentissement, comment intervenir dans ce cas et diversifier une partie de cette infrastructure ou de cette dépendance économique à l’égard – d’une seule ressource afin de pouvoir faire avancer cette communauté, alors que – soyons réalistes – au cours de la prochaine génération, nous abandonnerons lentement les sources d’énergie à base de carbone?
Si vous commencez à réfléchir à cela, nous ne pourrons pas seulement penser, vous savez, à un enfant ou un jeune en particulier, à lui faire suivre une éducation légèrement différente. Nous allons également devoir réfléchir à ces systèmes au niveau communautaire, au niveau politique et au niveau économique. Et c’est en fait ce qui rend ces nouvelles initiatives passionnantes lorsque nous commençons à penser à la résilience, si vous voulez aider fondamentalement une personne très vulnérable – dans ce cas, une communauté très vulnérable, vous allez devoir penser à tous ces différents facteurs, et l’intervention ne touche pas réellement ces choses.
Permettez-moi donc de vous donner une autre façon de penser à cela. Cela devient un peu compliqué, mais il y a ce genre de notion. Si vous pensez à la résilience en termes de faible résilience ou de forte résilience, ce qui signifie que vous avez beaucoup de ressources ou des ressources riches autour de vous, et ce que les gens choisissent alors, dans une situation très difficile, soit ils choisissent des comportements antisociaux comme l’alcoolisme, les drogues, les comportements délinquants, etc., soit ils choisissent des comportements prosociaux.
Et bien sûr, je pense que ce que vous essayez souvent de faire, si vous y réfléchissez, c’est d’essayer soit – vous savez, vous essayez de donner aux gens les ressources dont ils ont besoin de manière socialement souhaitable. Vous essayez donc de déplacer les gens, disons, qui sont, vous savez, dépendants d’un mode de vie criminel, disons, pour – vous savez, vous leur donnez un accès plus socialement souhaitable au capital financier, à la stabilité familiale, à des identités puissantes, à l’éducation, etc., n’est-ce pas?
C’est donc une façon de déplacer les gens, et vous pouvez le voir, n’est-ce pas? Voici les Commons de Halifax. Et si je puis me permettre, les Commons de Halifax avaient un vrai problème de criminalité. Il y avait beaucoup de sortes d’attaques et ce genre de choses il y a une dizaine d’années.
Et puis, en préparation des Jeux du Canada, ils ont installé cette patinoire et la criminalité a diminué; ils auraient pu se contenter de faire du maintien de l’ordre, ce qui aurait été une intervention très oppressive – en particulier pour certains groupes marginalisés – mais en installant un espace de loisirs qui attire jusqu’à 7 000 personnes par semaine sur la patinoire, vous activez les Commons et vous vous attaquez réellement à la criminalité au moyen des jeux sociaux.
Ils n’y pensaient pas, mais le résultat final est que cette patinoire, en tant qu’espace récréatif, a résolu le problème de criminalité, qui se développait dans ce même espace.
On peut donc aussi parler simplement du fait qu’on pourrait faire passer une communauté du sentiment qu’elle a très peu de ressources à encourager une notion beaucoup plus élevée de ressources dans sa vie, ou de les lui apporter, en ajoutant des ressources dans sa vie.
Laissez-moi vous donner un autre exemple simple de cela en action. St. Mary’s est une école, allant du primaire à la neuvième année, située dans la banlieue de Saskatoon. Et principalement, la population à laquelle elle s’adresse est en grande partie composée d’enfants et de familles autochtones, bien sûr, et d’immigrants récents au Canada.
Et ce qu’ils remarquaient, c’est qu’ils orientaient constamment les enfants vers les hôpitaux pour enfants et d’autres services secondaires pour qu’ils soient évalués et tout le reste. Et les enfants ne se rendaient pas à leurs rendez-vous parce que quel parent, un parent célibataire avec, vous savez, trois enfants, va les amener – aller à l’école, prendre leur enfant, mettre les autres enfants engoncés dans des habits de neige dans des transports publics minables, aller attendre à l’hôpital pour enfants pendant un temps interminable jusqu’à ce que le psychiatre ou le psychologue les reçoive? Je veux dire, très rapidement, après un ou deux essais, quelqu’un n’emmènera jamais son enfant à un autre rendez-vous.
Ainsi, lorsque St. Mary’s a rénové l’école, ils ont installé une clinique pédiatrique dans l’école du primaire à la neuvième année. Et maintenant, lorsqu’un parent veut faire évaluer son enfant, cela se fait localement, il n’y a pas de stigmatisation, l’enfant n’est pas retiré de la classe pendant très longtemps, il y a une aire de jeu pour les autres enfants, et c’est – cela a augmenté l’adhésion des parents pour obtenir le type de soins dont leurs enfants ont besoin, et surtout une population d’enfants très vulnérables et traumatisés.
Donc ce schéma, même dans notre – vous savez, il y a un modèle à équation structurelle et quelques statistiques assez lourdes et tout ce genre de choses. Mais le résultat final de ce que je vous montre, c’est que lorsque nous menons vraiment les recherches scientifiques sous-jacentes à tout cela, je veux juste vous montrer une simple ligne sur un échantillon d’enfants, des enfants à haut risque au Canada, tout en haut, il y a un moins 03, et ce que cette étude a fait, entre autres choses, c’est examiner la résilience et la façon dont les services sont utilisés par les gens. C’est le genre de choses, évidemment, qui, je pense, intéresse toujours les gouvernements, qui utilise quels services et à quelle fréquence et combien de services.
Et ce que nous avons constaté dans cet échantillon d’enfants à très haut risque, en l’occurrence 500 d’entre eux, c’est que les enfants qui ont été exposés à des facteurs de risque plus contextuels ou communautaires, le facteur à l’extrême gauche, lorsque nous avons effectivement examiné les services auxquels ils avaient eu recours au cours de leur vie, il n’y avait pas de relation significative, ce qui n’a aucun sens. On pourrait penser que les enfants des communautés les plus défavorisées et les plus menacées étaient ceux qui recevaient de plus en plus de services, comme à St. Mary’s, toute cette histoire à Saskatoon.
Mais ce n’était pas le cas. Il n’y avait aucune corrélation, aucun rapport entre le risque auquel vous êtes confronté et le nombre de services que vous recevez. Et c’est le problème de la résilience, parce que nous devrions alors penser à faire en sorte que les personnes les plus vulnérables, en un sens, en raison des risques auxquels elles sont confrontées, puissent naviguer et négocier pour ces douzaines de choses, pour les structures, pour les relations, pour les identités puissantes, pour les ressources physiques, les ressources financières et tout le reste, afin qu’elles puissent réellement survivre et même s’épanouir.
Et si je peux juste vous donner un dernier petit exemple avant de laisser la place aux questions, vous savez, je fais le tour du monde en travaillant avec toutes sortes de groupes différents, dans certains cas, des éducateurs, et j’étais au Népal pour travailler avec des gens de – sous contrat avec la Banque mondiale, sa branche de développement humain. Et j’ai rencontré – je travaillais avec des gens d’Afghanistan, de Syrie, du Liban et de toutes sortes d’autres endroits. Et j’ai rencontré ces deux étonnantes professeures d’université qui venaient d’Afghanistan, les deux femmes assises à ma droite. Et elles essayaient d’inciter les jeunes femmes à aller à l’université en Afghanistan. Donc elles devaient non seulement inspirer l’état d’esprit ou – pour revenir à cette définition classique de la résilience – cette croyance en soi – oui – mais aussi changer le système patriarcal en termes de convaincre les pères de permettre à leurs filles d’aller à l’université. Ensuite, elles ont dû trouver un logement, payer les frais de scolarité et tout le reste.
Après avoir fait tout cela, au bout de quelques mois seulement, toutes les femmes ont quitté l’université, parce qu’elles sont toutes tombées malades. Et la raison pour laquelle elles sont tombées malades est que l’université n’avait pas construit de toilettes pour les femmes, donc comme les femmes étaient sur le campus pendant de longues périodes et ne pouvaient pas utiliser les toilettes, vous pouvez imaginer qu’un tel comportement comporte certains risques pour la santé.
Ces deux professeures d’université ont donc dû retourner à l’université pour plaider en faveur de la construction de toilettes pour les jeunes femmes.
Maintenant, quand quelqu’un me dit : « Qu’est-ce que la résilience? », j’aime dire : « Oui, d’un certain côté, c’est le cran, la persévérance et la robustesse personnelle, absolument. Mais il s’agit aussi de savoir si quelqu’un vous construit ou non des toilettes, si quelqu’un vous fournit ou non les ressources et l’infrastructure de manière significative, que vous pouvez négocier, donc des principes de navigation, de négociation, pour obtenir le type de ressources qui sont culturellement et contextuellement pertinentes. » Et lorsque cela se produit, que ce soit à St. Mary’s ou en Afghanistan et les jeunes femmes qui vont à l’université ou autre, ou à Drayton Valley et le changement de l’industrie du pétrole et du gaz, peu importe, quel que soit l’exemple que je vous donne, lorsque nous parlons de résilience, nous parlons en fin de compte de la réunion de la robustesse et des ressources pour créer le bon contexte afin que les gens puissent réellement s’épanouir, malgré l’adversité qu’ils connaissent.
Donc, sur ce, je vais faire une pause, et je pense que nous allons laisser la place aux questions et où que cela nous mène. J’espère que nous avons stimulé un peu votre imagination.